Guerre en Ukraine, menace russe, États-Unis, défense européenne… Ce qu’il faut retenir de l’allocution d’Emmanuel Macron
6 mars 2025Dans un moment de bascule géopolitique, marquée par la suspension de l’aide militaire américain à Kiev après l’altercation entre les présidents américain et ukrainien, le chef de l’État français a tenu à remobiliser l’opinion publique ce mercredi soir.
Répondre aux «inquiétudes» des Français sur la guerre en Ukraine. C’est ce à quoi s’est attelé mercredi soir Emmanuel Macron dans une allocution diffusée depuis l’Élysée à 20 heures. Alors que le monde connaît une bascule géopolitique sans précédent depuis 1945, les États-Unis ayant décidé de suspendre leur aide militaire à Kiev après l’affrontement historique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale, les leaders européens s’activent pour combler le vide laissé par l’Oncle Sam. Et rendre le Vieux continent moins dépendant des États-Unis en matière de défense. Ce vieux serpent de mer de la construction européenne, il en sera question lors d’un sommet extraordinaire de l’UE prévu ce jeudi à Bruxelles.
Avant de recevoir à dîner à l’Élysée le premier ministre hongrois Viktor Orban, soutien de Donald Trump et Vladimir Poutine, le chef de l’État s’est adressé une petite quinzaine de minutes devant ses compatriotes. Au lendemain du discours sur l’état de l’Union du président américain, qui a affirmé que son homologue ukrainien était prêt à négocier une «paix durable» avec la Russie, Emmanuel Macron a répliqué que «la paix ne peut pas être la capitulation» de Kiev. Le Figaro vous résume ce qu’il faut retenir de l’intervention télévisée du président de la République.
«La menace russe est là et touche tous les pays d’Europe»
Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a rappelé que le conflit «a entraîné près d’un million de morts et de blessés, continue avec la même intensité.» Et de déplorer que «les États-Unis, notre allié, ont changé leur position sur cette guerre, soutiennent moins l’Ukraine, et laissent planer le doute sur la suite». En clair, «(la) prospérité et (la) sécurité» en Europe «sont devenues plus incertaines», a ajouté le président de la République selon qui «nous rentrons dans une nouvelle ère.»
D’un ton très solennel, le chef de l’État a mis en garde contre «la menace russe (qui) est là et touche les pays d’Europe», avant d’accuser «la Russie de faire du conflit ukrainien un conflit mondial.» Et d’enfoncer le clou : Moscou «teste nos limites : dans les airs, en mer, dans l’espace et derrière nos écrans. Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières.» Observant que la Russie «continue de se réarmer», Emmanuel Macron a fait mine de s’interroger : «Qui peut donc croire dans ce contexte que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? La Russie est devenue pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe.»
Pour Macron, «la paix ne peut pas être à n’importe quel prix»
Comme une réponse à Donald Trump, Emmanuel Macron a refusé d’entériner les conquêtes territoriales de Moscou pour parvenir à la fin des combats. «Le chemin qui mène à la paix ne peut pas passer par l’abandon de l’Ukraine. La paix ne peut pas être conclue à n’importe quel prix et sous le diktat russe. La paix ne peut pas être la capitulation de l’Ukraine. Elle ne peut pas davantage se traduire par un cessez-le-feu qui serait trop fragile», a-t-il scandé, en référence au non-respect russe des accords de Minsk : «Aujourd’hui, on ne peut plus croire la Russie sur la parole». «L’Ukraine a droit à la paix et la sécurité pour elle-même, c’est notre intérêt et c’est l’intérêt de la sécurité du continent européen», a-t-il déclaré, ne souhaitant pas «rester spectateur» du conflit russo-ukrainien.
Défense : Macron promet des «investissements supplémentaires» sans augmenter les impôts
Si le président de la République «veut croire que les États-Unis resteront à nos côtés», «il nous faut être prêts si tel n’était pas le cas». L’occasion d’exhorter les États européens, avant la réunion bruxelloise du 6 mars, à «être capables de mieux se défendre et de dissuader toute nouvelle agression.» «L’avenir de l’Europe n’a pas à être tranché à Washington ou à Moscou. La menace revient à l’est et l’innocence des 30 dernières années, depuis la chute du mur de Berlin, est désormais révolue», a-t-il encore martelé à destination de ses partenaires.
«Quoiqu’il advienne, il nous faut nous équiper davantage», a insisté Emmanuel Macron, qui promet des «investissements supplémentaires et nouveaux choix budgétaires indispensables» dans la défense française en promettant de ne pas augmenter les impôts. Pour résoudre ce casse-tête, il a appelé le gouvernement, les «forces politiques, économiques et syndicales» à «faire des propositions à l’aune de ce nouveau contexte». «Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d’hier», a tonné le président de la République à leur égard.
Dissuasion nucléaire : «La décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République»
Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué il y a plusieurs jours l’idée d’élargir la dissuasion nucléaire française à l’Europe, il a voulu rassurer ses détracteurs. «La dissuasion nous protège. Elle est complète, souveraine, française de bout en bout», a affirmé le chef de l’État. Après avoir annoncé l’ouverture d’un «débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen», il a précisé que «quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République».
La France réunira à Paris les chefs d’état-major des pays prêts à garantir une future paix en Ukraine
La France réunira la semaine prochaine à Paris les chefs d’état-major des pays prêts à garantir une future paix en Ukraine, a annoncé Emmanuel Macron. Cette dernière «passera aussi, peut-être, par le déploiement de forces européennes. Celles-ci n’iraient pas se battre aujourd’hui, elles n’iraient pas se battre sur la ligne de front, mais elles seraient là, au contraire, une fois la paix signée, pour en garantir le plein respect», a dit le chef de l’État.
«La patrie a besoin de vous et de votre engagement» : l’appel d’Emmanuel Macron aux Français
Pour éviter qu’une lassitude s’installe chez les Français au bout de 36 mois de guerre, le président de la République s’est adressé directement à eux : «La patrie a besoin de vous et de votre engagement». Indiquant que «la France ne suivra qu’un cap, celui de la volonté pour la paix et la liberté». «Les décisions politiques, les équipements militaires, les budgets» ont beau être centraux, «ils ne remplaceront jamais la force d’âme d’une nation», s’est enflammé Emmanuel Macron. Qui a conclu : «Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements.»
AFP