Il a commis plusieurs meurtres à travers l’Asie dans les années 1970 et a inspiré la série Netflix Le Serpent. Le tueur en série français Charles Sobhraj a été libéré de prison, vendredi 23 décembre, au Népal, où il était emprisonné depuis 2003 pour le meurtre de deux touristes nord-américains. Il doit être transféré en France dès vendredi soir, a annoncé son avocat. Voici ce que l’on sait de cet homme aujourd’hui âgé de 78 ans.
Un escroc qui se faisait passer pour un négociant en pierres précieuses
Né à Hô Chi Minh-Ville (Saïgon à l’époque), au Vietnam, le 6 avril 1944 d’un père indien et d’une mère vietnamienne, qui ne tardent pas à se séparer, Charles Gurmukh Sobhraj, longtemps apatride, est profondément tourmenté par son identité. Le mariage de sa mère avec un militaire français lui permet d’obtenir, à l’adolescence, la nationalité française. Après une jeunesse délinquante, qui lui vaut de passer plus de cinq ans en prison, il entame une carrière d’escroc international qui le mène en Grèce, en Turquie, en Iran, au Pakistan ou encore en Afghanistan.
A 26 ans, en 1970, Charles Sobhraj part pour l’Inde en voiture, avec son épouse enceinte, Chantal Compagnon. Ils s’installent à Bombay, où naît leur fille Madhu le 15 novembre, et vivent de ses diverses escroqueries. Arrêté par la police l’année suivante pour le cambriolage d’une bijouterie, il quitte le pays après sa libération sous caution. Arrêté en Grèce en 1973, il réussit à s’évader.
En 1975, il débarque en Thaïlande avec la Canadienne Marie-Andrée Leclerc, sa nouvelle compagne et complice, qui se fait appeler « Monique ». Installé à Bangkok sous le nom d’Alain Gauthier, il héberge chez lui des touristes de passage et se présente comme négociant en pierres précieuses.
Un « meurtrier diabolique » surnommé « Le Serpent »
Sous cette fausse identité, Charles Sobhraj se liait d’amitié avec ses victimes, souvent des routards occidentaux sur la piste des hippies des années 1970, avant de les droguer, de les voler et de les assassiner. Son mode opératoire est décrit épisode après épisode dans Le Serpent, mini-série à succès réalisée par la BBC et diffusée sur Netflix, dans laquelle l’acteur français Tahar Rahim incarne Charles Sobhraj.
On le voit avec son acolyte et bras-droit Ajay repérer ses victimes dans des bars ou des auberges, avant de les inciter à les rejoindre à Bangkok, où « Alain » loue un appartement au sein d’une vaste demeure avec piscine. Drogués jusqu’à se penser atteints de dysenterie, les touristes se laissent administrer sans résister un « médicament », en réalité un poison pour les garder sous emprise. Ils sont ensuite détroussés et assassinés. Certaines victimes ont été battues, étranglées ou brûlées.
Charles Sobhraj est un homme « cultivé » et « courtois », qui s’est révélé être « un meurtrier diabolique », déclarait à l’AFP en 2021, Nadine Gires, une Française qui vivait dans le même immeuble que lui à Bangkok. Il a été surnommé le « tueur au bikini », par la presse, après le meurtre d’une Américaine, dont le corps a été retrouvé en 1975, vêtu d’un seul bikini, sur une plage de Pattaya, en Thaïlande. Il utilisait les passeports de ses victimes pour de mystérieux voyages, apparemment liés à son trafic de pierres précieuses ou de drogue. Cette capacité à prendre d’autres identités pour échapper à la justice lui vaut son autre surnom : « Le Serpent ».
Une évasion rocambolesque en Inde
En mai 1976, Sompol Suthimai, officier thaïlandais d’Interpol, découvre dans le quotidien Bangkok Post les photos de cinq touristes assassinés et des suspects Charles Sobhraj et Marie-Andrée Leclerc. Il parvient à récupérer les éléments de preuve auprès d’un diplomate néerlandais, Herman Knippenberg, lancé à la recherche de deux compatriotes disparus. Trop tard : Charles Sobhraj et Marie-Andrée Leclerc ont déjà fui en France. L’officier thaïlandais lance un mandat d’arrêt international.
Quelques mois plus tard, Charles Sobhraj est arrêté à New Delhi, après avoir essayé de droguer un groupe d’une vingtaine de touristes français dans un hôtel. Depuis sa cellule indienne, il vend son histoire à une maison d’édition. Les journalistes australiens Richard Neville et Julie Clarke en tirent le livre Sur la trace du serpent. « Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel », a raconté en 2021 à l’AFP Julie Clarke, qui garde un « souvenir traumatisant » de son interview du tueur en 1977 et de « son monde psychopathique ».
Fin 1985, l’Inde décide son extradition vers la Thaïlande, où il est accusé des meurtres d’un touriste turc et d’une jeune Américaine. Il risque la peine de mort. Pour échapper à l’extradition, Charles Sobhraj s’évade en mars 1986, après avoir offert à ses gardiens des bonbons et des gâteaux chargés de somnifères. Au terme de 22 jours d’une vaste chasse à l’homme, il est arrêté dans un restaurant de Goa, dans l’ouest de l’Inde. Il retourne dans les geôles indiennes dans lesquelles il passe plus de 20 ans. Il est libéré en 1997.
En prison pendant près de 20 ans au Népal, où il s’est marié secrètement
A sa sortie de prison, les crimes qui lui sont reprochés sont prescrits en Thaïlande. Charles Sobrahj rentre libre en France, où il vit jusqu’en 2003. La même année, en septembre, il repart au Népal pour monter, sous une fausse identité, une affaire d’exportation de châles. Pas pour longtemps : il est rapidement reconnu et arrêté à Katmandou grâce au journaliste Joseph Nathan.
Un soir, alors qu’il se rend dans un casino de Katmandou, Charles Sobhraj, recherché par la police, est là, devant lui, jouant tranquillement au baccarat. « Il ressemblait à un vieil homme. Vous ne lui auriez pas jeté un deuxième regard. Il avait l’air inoffensif », se remémore auprès de l’AFP le journaliste. Après avoir envoyé son photographe le suivre à la trace, le journaliste se met à son tour à la besogne. Une dizaine de jours plus tard, Charles Sobhraj est arrêté au casino par la police. « Le Serpent » est condamné à perpétuité en août 2004 pour les meurtres en 1975 de deux touristes, un Canadien et une Américaine.
Le criminel a donc passé 19 ans emprisonné dans la république himalayenne. En 2008, depuis la prison, il s’est secrètement marié avec la fille de son avocate népalaise. Il avait alors 64 ans, elle 20 ans. Neuf ans plus tard, Charles Sobhraj subit une opération à cœur ouvert de cinq heures, explique alors à l’AFP son épouse. Aujourd’hui, il a besoin d’une deuxième opération à cœur ouvert, raison pour laquelle il a été libéré, conformément à la loi népalaise.