Visite de Xi Jinping en Russie : comment la Chine tente de se replacer au centre des négociations internationales

Visite de Xi Jinping en Russie : comment la Chine tente de se replacer au centre des négociations internationales

20 mars 2023 Non Par LA RÉDACTION
Alors que le président Xi Jinping est attendu à Moscou lundi pour y rencontrer Vladimir Poutine, Pékin redouble d’efforts pour s’afficher comme une « puissance responsable ».
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France Télévisions
Le président chinois Xi Jinping au sommet du G20 à Bali (Indonésie), le 14 mars 2023. (JU PENG / XINHUA / AFP)

C’est une grande première depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Lundi 20 mars, à Moscou, le président russe Vladimir Poutine reçoit pour trois jours son homologue chinois, Xi Jinping. Un déplacement qui n’a rien d’une simple visite de courtoisie, puisque des tractations sont au programme. « Ce sera une conversation en tête-à-tête, il y aura un déjeuner informel. Et dès le [mardi] 21 mars se tiendra une journée de négociations », a en effet déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe.

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De son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères a évoqué un « déplacement pour l’amitié et la paix ». Sera-t-il question de la guerre en Ukraine, vis-à-vis de laquelle la Chine s’est tenue à bonne distance depuis février 2022 ? Aucun détail en ce sens n’a pour l’instant filtré. Ces dernières semaines, Pékin a pourtant présenté sa grande « initiative pour la sécurité globale », en plus d’être actif sur d’autres dossiers, comme la reprise historique des discussions entre l’Iran et l’Arabie saoudite. La Chine est-elle en train de s’imposer comme un nouveau médiateur ? Dans quel intérêt ? Franceinfo revient sur la politique étrangère de la deuxième puissance économique mondiale.

Une « neutralité biaisée » au sujet de l’Ukraine

Depuis que la Russie a envahi le territoire ukrainien le 24 février 2022, la Chine a préféré jouer la carte de la neutralité, se refusant à une condamnation ferme et à des sanctions. Le premier soir de l’invasion, le ministère chinois des Affaires étrangères s’est fendu d’un communiqué en douze points (en anglais), appelant au respect de la souveraineté nationale de chacun, tout en réclamant l’abandon d’une « mentalité de guerre froide », qui a opposé les Etats-Unis à l’Union soviétique pendant plus de quarante ans.

Le 21 février dernier, Pékin a présenté son grand projet pour la paix, baptisé « initiative pour la sécurité globale » (en anglais), qui ne comporte qu’une vague mention du conflit ukrainien. Le document appelle en effet à « soutenir le règlement politique des points chauds, tels que la crise ukrainienne, par le dialogue et la négociation ». Loin des ventes d’armes et du soutien militaire donc, à contrepied des Etats-Unis et de l’Union européenne, par exemple.

« La Chine a un intérêt évident à se présenter comme une puissance responsable, qui contribue à la stabilité mondiale », analyse le sinologue Antoine Bondaz, qui estime que Pékin ne jouera pas vraiment au médiateur entre Moscou et Kiev. « Dans le cas de l’Ukraine, la Chine reste dans une neutralité biaisée, et soutient implicitement la Russie en évitant de la condamner », fait valoir ce spécialiste de la politique étrangère chinoise.

 

« Etre médiateur implique qu’il y a eu une agression, que la Russie a violé la Charte des Nations unies… Ce n’est pas encore la position de la Chine. »

Antoine Bondaz, sinologue

à franceinfo

 

 

Pour Pékin, le conflit en Ukraine est surtout l’occasion « de montrer que la politique étrangère de la Chine est pacifique, et d’afficher l’image d’un grand pays », selon Zhao Tong, chercheur au Centre Carnegie-Tsinghua de Pékin, interrogé par RFI. Quitte à rester « sur des questions de principe » et « peu de propositions concrètes », souligne le spécialiste. Accusée fin février de vouloir fournir des armes à la Russie, la Chine s’est défendue. Mais Pékin poursuit ses exercices militaires avec Moscou, comme l’a annoncé le ministère russe de la Défense, le 15 mars sur Telegram (en russe), au sujet de manœuvres maritimes entre la Russie, l’Iran et la Chine en mer d’Oman.

Des efforts liés aux intérêts de Pékin

Le 10 mars dernier, la diplomatie chinoise a joué un joli coup en ramenant l’Iran et l’Arabie saoudite à la table des négociations, mettant fin à sept années de rupture. Une annonce qui a surpris la communauté internationale, mais qui n’est pas si étonnante, selon Antoine Bondaz. « Ce rôle que la Chine essaye de jouer n’est pas nouveau, souligne-t-il. Le premier envoyé spécial chinois pour le Moyen-Orient date de 2002. Et en 2017, Pékin a accueilli des négociations entre Israël et la Palestine. » Nouveauté toutefois, cette médiation « a débouché de façon très médiatique sur des annonces majeures », note le spécialiste.

Les efforts diplomatiques de la Chine dans cette région ne sont jamais très loin de ses intérêts économiques, fait néanmoins remarquer Antoine Bondaz. « La Chine a besoin de stabilité, car elle achète le pétrole iranien, qui est visé par des sanctions occidentales », explique-t-il. L’Arabie saoudite est par ailleurs un client de plus en plus important pour l’industrie d’armement chinoise, comme l’a rapporté le South China Morning Post (en anglais). En novembre dernier, Riyad a acheté pour 4 milliards de dollars d’armes et d’équipements chinois, dont des drones et des missiles anti-navires.

Plus près de Pékin, la crise ouverte entre la Birmanie et le Bangladesh, où sont réfugiés plus d’un million de Rohingyas ayant fui la Birmanie, a attiré l’attention de la Chine. Des négociations sous l’égide des Chinois ont ainsi permis, fin octobre 2022, d’ouvrir la voie à un rapatriement de ces populations persécutées en Birmanie, comme l’a rapporté le site spécialisé Modern Diplomacy (en anglais). « Dans ce dossier, la Chine a un intérêt direct, car cette crise dans un pays riverain risque de déborder sur son territoire », explique Antoine Bondaz.