Un record de 488 journalistes détenus dans le monde, déplore Reporters sans frontières
16 décembre 2021Un nombre record de 488 professionnels des médias sont emprisonnés dans le monde, déplore RSF dans son bilan annuel, qui comptabilise toutefois un nombre de journalistes tués (46) au plus bas depuis 20 ans.
« Jamais depuis la création du bilan annuel de RSF en 1995 le nombre de journalistes emprisonnés n’avait été aussi élevé », constate l’ONG de défense de la liberté de la presse, dans un communiqué publié jeudi 16 décembre.
Cette hausse exceptionnelle, de l’ordre de 20% en un an, « est principalement le fait de trois pays », à savoir la Birmanie, la Biélorussie et la Chine, dont la loi de sécurité nationale imposée en 2020 à Hong Kong a provoqué une augmentation en flèche des détentions de journalistes dans ce territoire, pointe RSF.
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« On pouvait s’attendre à ce que, avec les nouvelles technologies, avec les nouvelles capacités de communication, finalement, les violations des droits des journalistes et notamment sous forme de détention arbitraire, baisseraient, analyse Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, au micro de Daniel Vallot du service international de RFI. Depuis plusieurs années, on a constaté que ce n’était pas le cas. Et là, il y a une augmentation qui est imputable notamment à trois pays : la Biélorussie, la Birmanie et Hong Kong. »
La Birmanie avec le retour de la junte, de cette junte militaire abominable qui, aujourd’hui, garde sous les verrous 53 journalistes. Et puis la Biélorussie, ce pays dans lequel cette mobilisation malheureusement a souffert d’une répression extrêmement violente. Aujourd’hui, il y a 32 journalistes derrière les barreaux en Biélorussie. Et puis à Hong Kong, c’était un territoire qui était, par rapport à la Chine, considéré comme un modèle de liberté de la presse, disons-le. Et là, la loi de sécurité nationale qui a été imposée en 2020 a servi de prétexte à l’arrestation, à la détention d’au moins dix journalistes au 1er décembre. Et ça, ce n’est qu’une partie de l’ensemble de la répression à Hong Kong. »
De plus en plus de femmes
« Jamais non plus RSF n’avait recensé autant de femmes journalistes détenues », au total 60, soit un tiers de plus qu’en 2020, déplore l’association. Si les hommes représentent toujours l’essentiel des journalistes emprisonnés dans le monde (87,7%), la Biélorussie est le pays qui a mis sous les verrous plus de femmes journalistes (17) que de confrères masculins (15).
« Autrefois, les régimes autoritaires hésitaient peut-être un peu plus à placer en détention les femmes, poursuit Christophe Deloire. Cette forme de tolérance, même s’il est difficile de parler de tolérance à propos d’un régime comme celui de Biélorussie, elle a à l’évidence pris fin. Le rôle prépondérant des femmes au début des mouvements de contestation post-électoraux a été évident et moi j’ai pu rencontrer à Vilnius, en Lituanie, un grand nombre de jeunes femmes journalistes, qui sont des journalistes d’investigation, qui ont un courage énorme. Moi, j’ai rencontré celles qui étaient parties en exil, mais parmi celles qui étaient restées, un bon nombre d’entre elles ont été placées en détention. Je pense notamment à deux reporters de la chaine indépendante Belsat, Daria Tchoultsova et Katsyarina Andreyeva, qui ont écopé de deux ans de colonies pénitentiaires. Deux ans de colonies pénitentiaires simplement parce qu’elles avaient retransmis en direct une manifestation non autorisée. Bref, elles faisaient leur boulot de journaliste. »
Les cinq pays où le plus grand nombre de journalistes étaient détenus au 1er décembre sont la Chine (127), la Birmanie (53), le Vietnam (43), la Biélorussie (32) et l’Arabie saoudite (31).
Mexique et Afghanistan, pays les plus dangereux
Le nombre de journalistes et professionnels des médias tués, avec 46 morts, a atteint son niveau le plus bas en 20 ans, constate l’organisme. « Cette tendance à la baisse, qui s’est accentuée depuis 2016, s’explique notamment par l’évolution des conflits régionaux (Syrie, Irak et Yémen) et la stabilisation des fronts après les années 2012 et 2016, particulièrement meurtrières », analyse RSF. La majorité de ces morts sont des assassinats : « 65% des tués sont sciemment ciblés et éliminés », dénonce l’association.
Mexique et Afghanistan demeurent encore cette année les deux pays les plus dangereux pour les journalistes, avec respectivement 7 et 6 tués, suivis du Yémen et de l’Inde en troisième place, avec 4 journalistes tués chacun.
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RSF comptabilise aussi au moins 65 journalistes et collaborateurs de médias retenus en otage dans le monde, soit deux de plus que l’an passé. « Tous sont otages dans trois pays du Moyen-Orient : Syrie (44 journalistes), Irak (11) et Yémen (9) », sauf le journaliste français Olivier Dubois, retenu depuis avril au Mali, détaille RSF.
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Birmanie : retour sur les circonstances de la mort en détention du journaliste Soe Naing
Les rues étaient désertes, les magasins fermés, les militants pro-démocratie avaient appelé à une grève silencieuse ce vendredi-là pour marquer la journée internationale des droits humains, rappelle Heike Schmidt, du service international de RFI. Soe Naing prenait des photos dans un quartier de la capitale Rangoun, lorsqu’il a été arrêté avec son confrère Zaw Tun, lui aussi photojournaliste indépendant.
Soe Naing a été déclaré mort après quatre jours d’interrogatoires et probablement de tortures dans l’un des centres de détention qui se sont multipliés partout en Birmanie depuis le putsch militaire du 1er février dernier.
De nombreux opposants sont décédés dans de tels centres, mais Soe Naing est le premier journaliste à payer de sa vie sa volonté de couvrir, appareil photo à la main, le règne brutal des généraux au pouvoir. Pour l’organisation Reporters sans frontières, « un nouveau cap tragique a été franchi dans la terreur que les militaires birmans exercent à l’encontre des journalistes ».
Au moins 57 journalistes seraient actuellement maintenus en détention en Birmanie, dont Zaw Tun – arrêté le même jour que son confrère Soe Naing.
(et avec AFP)