Abdoul Sacko, un éminent dirigeant de la société civile guinéenne, a disparu aux premières heures de la journée du 19 février 2025, après que des hommes armés l’ont enlevé à son domicile à Conakry, la capitale, ce qui a suscité des inquiétudes quant à une disparition forcée. Il a refait surface le soir même, portant des marques de torture.
Abdoul Sacko, détracteur de la junte militaire qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en septembre 2021, est coordinateur du Forum des Forces Sociales de Guinée (FFSG), un réseau de la société civile qui appelle à un retour à l’ordre constitutionnel dans le pays.
Selon les collègues d’Abdoul Sacko, des hommes armés ont fait irruption à son domicile à 4 heures du matin le 19 février, l’ont battu devant sa famille, se sont emparés de son téléphone et l’ont emmené dans une camionnette sans plaque d’immatriculation. Le lendemain, les avocats d’Abdoul Sacko ont publié un communiqué indiquant que leur client avait été retrouvé « dans un état critique, [et] torturé » à 100 kilomètres de Conakry. Il a été transporté dans un hôpital local.
Compte tenu de sa notoriété, l’enlèvement d’Abdoul Sacko a provoqué une onde de choc en Guinée et à l’étranger. Le 19 février, l’ambassade des États-Unis en Guinée a publié une déclaration exhortant le gouvernement à « » et dénonçant la « recrudescence des détentions de journalistes et de leaders de la société civile. »
Un dirigeant du FFSG a déclaré à Human Rights Watch que huit membres du FFSG avaient déposé une plainte en justice à Conakry le mois dernier, suite à des menaces répétées dont ils avaient fait l’objet en raison de leur activisme. Bien qu’ils ne sachent pas d’où proviennent les menaces, leur plainte est censée tirer la sonnette d’alarme.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités militaires guinéennes ont réprimé l’opposition, les médias et la société civile. Elles ont eu recours aux disparitions forcées pour faire taire les dissidents et semer la peur parmi les personnes qui s’opposent à elles. En juillet 2024, les forces de sécurité ont torturé et fait disparaître de force Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Mengué, et Mamadou Billo Bah, deux membres éminents de l’opposition. À ce jour, ils sont toujours portés disparus et les autorités n’ont pas reconnu leur détention. En septembre 2024, le corps du colonel Célestin Bilivogui, qui avait disparu en novembre 2023 après avoir été arrêté par les forces de sécurité, a été retrouvé. Quelques jours après sa disparition, le président guinéen avait promulgué un décret démettant le colonel Bilivogui de ses fonctions au sein de l’armée pour « faute lourde ». En décembre 2024, des gendarmes ont arrêté le journaliste d’investigation Habib Marouane Camara. Les autorités n’ont pas répondu aux nombreuses demandes d’information de sa famille sur le lieu où il se trouve.
Les informations troublantes selon lesquelles Abdoul Sacko a été torturé devraient inciter les autorités guinéennes à agir rapidement. Elles devraient veiller à ce qu’Abdoul Sacko ait accès à des soins médicaux appropriés, et mener une enquête approfondie sur son enlèvement et les actes de torture dont il a été victime.
HRW