Bien malin qui peut prédire ce que fera l’homme le plus riche du monde de Twitter, dont il vient enfin de faire l’acquisition. « Elon Musk ne sait pas ce qu’il fait », a d’ailleurs déclaré récemment Bruce Daisley, l’un des anciens dirigeants du réseau social. Incrédule face aux ambitions politico-entrepreneuriales du patron de Tesla, le monde observe le fantasque milliardaire prôner une liberté d’expression accrue, critiquer les bannissements de comptes, évoquer la monétarisation de certaines certifications et restructurer l’entreprise à tour de bras.
Alors que des centaines de milliers d’internautes grognons appellent au boycott du nouveau Twitter et se rabattent sur la plateforme Mastodon, qui se décrit elle-même comme « pas à vendre », les Africains scrutent la bourrasque, souvent moins branchés sur l’oiseau bleu que sur le désuet Facebook et son cousin WhatsApp. Bien sûr, avant d’être canadien et américain, Elon Musk est un Sud-Africain… aux ambitions néanmoins clairement transnationales, puisque ses chevaux de bataille sont tout à la fois la promotion de l’automobile électrique, l’exploration de l’espace et la souveraineté d’une Ukraine agressée.
La réponse de Twitter à Facebook
Il reste à découvrir à qui profitera, sur le continent africain, le culte de la liberté d’expression débridée. Le Twitter de Jack Dorsey se présentait souvent comme l’allié des activistes, n’hésitant pas à s’engager politiquement contre les régimes ougandais, tanzanien ou nigérian. Après la suppression d’un de ses tweets par le réseau, le président Buhari avait suspendu, dans son pays, un Twitter jugé trop proche du mouvement social nigérian #EndSARS…
Accusé par certains d’ingérence « néocolonialiste », l’ancien Twitter avait également des ambitions plus économiques en Afrique, telle l’initiative Square Crypto qui voulait renforcer l’écosystème bitcoin sur le continent. Radical dans la restructuration de son « joujou », Elon Musk n’a pas suspendu l’ouverture du premier siège social de Twitter en Afrique.
Annoncé en avril 2021 – bien avant la mainmise du milliardaire – mais inauguré le 1er novembre, « Twitter Africa » a officiellement démarré, à Accra, ses activités de coordination de toutes les plateformes pour l’Afrique. Une réponse du berger Twitter à la bergère Facebook Inc, installée à Johannesburg depuis 2015. L’oiseau bleu d’avant-Musk avait présenté le choix du Ghana comme conforme à « la liberté en ligne et à l’Internet ouvert, dont Twitter est également partisan ». Il y a quelques mois, Elon Musk, lui, annonçait son intention de lancer en Afrique son service internet haut débit par satellite Starlink…
En matière de liberté et d’afrophilie, sur le plan théorique du moins, l’ancien et le nouveau Twitter ne semblent donc pas si différents. Qui, dans les faits, se révèlera le plus en phase avec l’intérêt général du continent ?