Réduit au silence pendant trente-trois ans, le peuple napolitain a de nouveau rugi. A la faveur d’un match nul face à l’Udinese (1-1), jeudi 4 mai, le Napoli a officialisé le troisième sacre de champion d’Italie de son histoire, après ceux conquis en 1987 et 1990 sous l’ère Maradona. L’Argentin n’est plus là mais le club du Vésuve s’est réveillé.
Les chiffres donnent le tournis : avec 16 points d’avance sur la Lazio, deuxième, une attaque flamboyante (69 buts inscrits soit la meilleure de Serie A avec 17 réalisations d’avance sur la deuxième) et une défense robuste (23 buts concédés, actuelle meilleure défense), les Partenopei n’ont pas laissé de place à un semblant de suspense.
Le tube de la saison a beau s’être arrêté en quarts de finale de Ligue des champions – tout de même un record à l’échelle du club -, il a survolé les débats avec un tel aplomb qu’il a insufflé un réel vent de fraîcheur sur la Serie A. « Naples a dépensé beaucoup moins que la Juventus et l’Inter, en investissant dans la seule chose qui ne coûte rien : le jeu », a ainsi loué Arrigo Sacchi, mythique entraîneur de l’AC Milan (1987-1991), dans les colonnes d’Il Mattino [article en italien].
« En termes de style de jeu, c’est peut-être la meilleure équipe d’Europe cette saison »
Pep Guardiola, entraîneur de Manchester Cityà SkySport
Ce succès est d’autant plus impressionnant qu’en début de saison, pas grand-chose ne prédestinait ces Napolitains à écraser la concurrence. Les cadres Kalidou Koulibaly, Lorenzo Insigne et Dries Mertens avaient plié bagage, et le CV de leurs suppléants faisait bondir les tifosi. Il n’a pourtant fallu que quelques matchs pour que l’ailier géorgien Khvicha Kvaratskhelia (14 buts, 16 passes toutes compétitions confondues) ou le défenseur sud-coréen Kim Min-jae ne mettent la cité méditerranéenne à leurs pieds.
« Tous les amateurs de football devraient être heureux »
En compagnie de l’attaquant nigérian Victor Osimhen (22 buts, meilleur buteur du championnat), ils ont été les faces émérgées d’un collectif infaillible et particulièrement spectaculaire, huilé par le technicien Luciano Spalletti. « Tous les amateurs de football devraient être heureux si le Napoli remportait le Scudetto », prophétisait dès le mois de janvier Roberto de Zerbi, entraîneur à succès de Brighton, pour La Repubblica.
Le Napoli sortait alors d’une démonstration mémorable (5-1) contre la Juventus, son rival honni qui l’avait privé d’un titre en 2018, sous les ordres de Maurizio Sarri. « A ce moment-là, le club a créé un ADN de beau jeu, toujours pratiqué sous Spalletti », a récemment expliqué le Ballon d’or 2006 Fabio Cannavaro, dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport.
Des conclusions similaires avaient été tirées à la fin de la saison dernière pour évoquer l’AC Milan. Sa supériorité sur le reste du championnat n’a pas atteint les sommets napolitains cette saison, mais le club rossonero produisait aussi, par séquences, un jeu spectaculaire. Ce renouveau tranchait alors drastiquement avec les neuf sacres successifs de la Juventus (2011-2020), dont cinq sous la houlette de Massimiliano Allegri, adepte d’un football sans fioritures ni réel esthétisme.
Des adversaires écœurés… qui se vengent en Europe
« La vérité, c’est que la Serie A était devenue un peu ennuyeuse lors de cette période, a observé, d’un œil extérieur, l’ancien gardien espagnol Iker Casillas sur DAZN. Le triomphe du Napoli, comme celui du Milan l’an passé, est une vraie bonne chose pour le football italien. » Ce n’est ainsi pas un hasard si Cannavaro évoque un « football international » pour décrire le club de sa ville natale, dont l’adresse en contres-attaques et l’intensité à la récupération du ballon s’inscrivent dans la lignée des grandes écuries continentales.
Sur la scène européenne, les clubs italiens brillent justement de mille feux cette saison : l’Inter et l’AC Milan vont s’affronter en demi-finale de Ligue des champions, l’AS Roma et la Juventus sont en course en Ligue Europa, comme la Fiorentina en Ligue Europa Conférence. « La domination du Napoli en championnat a forcé les autres clubs à se concentrer sur d’autres objectifs. Cela fait du bien à l’ensemble du football italien », estime Fabio Cannavaro.
Tous ont pourtant subi la foudre du Napoli en Serie A… à l’exception de l’AC Milan, tombeur des Azzurri en quarts de C1 (1-0, 1-1). Cette « déception » européenne, des dires de Spalletti, aurait pu noircir le tableau. Il n’en a rien été : un coup d’œil aux rues de Naples, embrasées sitôt le Scudetto officialisé, suffit à mesurer la portée de cette saison historique. « Mais on n’attendra pas 30 ans de plus ! », a lancé, hilare, Cannavaro. S’il continue sur cette lancée, ce Napoli sera dur à détrôner.