Que sont devenus les étudiants africains qui ont fui la guerre en Ukraine ?
24 février 2023Voici, un an maintenant que la Russie a envahi l’Ukraine, déclenchant ainsi une guerre qui a provoqué des millions de déplacés, dont des étudiants africains. BBC Afrique a contacté certains d’entre eux.
Pour s’abriter des bombes et éviter d’être pris entre le feu des soldats ukrainiens et ceux russes, les étudiants africains ont dû franchir les frontières ukrainiennes non sans certaines difficultés.
S’ils ont pu échapper à l’enfer de la guerre, la situation reste délicate pour beaucoup d’entre eux.
« J’ai perdu mon futur », déclare cet étudiant de nationalité congolaise au bout du fil. Il ne souhaite pas révéler prénom. À cause de la guerre, il a dû arrêter ses études en cybercriminalité qu’il devait terminer cette année.
Il voit son rêve de rentrer dans son pays, diplôme dans ses cartables, s’évaporer de jour en jour.
« J’avais de l’espoir quand j’étais en Ukraine. Quand je faisais mes études, je savais qu’un jour, je finirai par obtenir mon diplôme et trouver un travail qui pourra m’aider », affirme-t-il à la BBC, dépité de ne plus pouvoir poursuivre ses études.
L’Ukraine abritait plus de 76 000 étudiants étrangers, selon les données gouvernementales de 2020.
Près d’un quart des étudiants venaient d’Afrique, le plus grand nombre venant du Nigéria, du Maroc et d’Égypte.
Après son départ de l’Ukraine, il a fini par déposer ses bagages en Suisse, espérant pouvoir y poursuivre ses études supérieures. Un espoir qui sera brisé par une demande d’asile rejetée et une non-obtention du permis de séjour. Il décide finalement de quitter le pays sans vouloir révéler le pays dans lequel il vit actuellement.
Incertitude et menace d’explusion
Ce Congolais n’est pas le seul étudiant à vivre dans l’incertitude.
Gilbert Njiki a pour sa part pu obtenir l’autorisation de poursuivre ses études. Après avoir sillonné la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne, il décide lui aussi de s’installer en Suisse. Tout comme l’étudiant congolais, il est également sous le coup d’une menace d’expulsion.
« Actuellement, je suis dans la situation qu’ils appellent ‘l’indulgence’, ça veut dire, que vous ne bénéficiez plus entièrement de l’assistance financière. Et vous devez vous présenter chaque semaine auprès des autorités et à tout moment, vous pouvez être forcé à retourner dans votre pays », affirme Gilbert Njiki.
Mais, pour Gilbert Njiki, il est hors de question de rentrer dans son Cameroun natal sans avoir obtenu au préalable les diplômes qui sanctionnent les études qu’il a déjà entamées.
Malgré l’angoisse qu’il vit, Gilbert peut compter sur le soutien Etonam Ahianyo et de son association, Save-Africans Ukraine. Cette dernière, basée en Suisse, affirme venir « en aide aux Africains et autres ressortissants non-ukrainiens fuyant la guerre et défend leurs intérêts partout en Europe
Save-Africans Ukraine. Cette dernière, basée en Suisse, affirme venir « en aide aux Africains et autres ressortissants non-ukrainiens fuyant la guerre et défend leurs intérêts partout en Europe. »
Double traumatisme
Selon Etonam Ahianyo, les étudiants africains sont affectés par ce qu’il considère comme un double traumatisme : celui de la guerre et celui de se faire rejeter par leur pays d’accueil tandis que leurs camarades ukrainiens sont facilement acceptés.
L’Union européenne avait décidé le quatre mars 2022 d’offrir une protection temporaire aux réfugiés fuyant l’Ukraine aux ressortissants des pays tiers qui jouissent d’un statut de réfugié ou de résident permanent en Ukraine.
Une case que ne coche pas les étudiants africains.
« Cette décision a exclu d’office les ressortissants d’États tiers, dont de nombreux étudiants au départ », se plaint Etonam Ahianyo. « Aujourd’hui, cette décision, elle n’a pas changé », martèle-t-il.
« Il faut que l’Europe dise clairement qu’elle accepte les étudiants d’États tiers et leur donne la possibilité de terminer leurs études », affirme Etonam Ahianyo dont l’association continue de soutenir les étudiants.
En Suisse, pays dans lequel évolue son association, « l’un des moyens pour les étudiants d’obtenir un permis de séjour est d’avoir une admission dans une université, et de justifier de moyens financiers pour subvenir à leurs besoins », explique M. Ahianyo . Cette dernière mesure constitue le principal obstacle à leur procédure.
Lueur d’espoir
Joëlle Temagna, quant à elle, a eu un peu plus de chance que ses autres camarades étudiants. Cette jeune camerounaise a dû fuir l’Ukraine avec un bébé de deux mois dans les bras. C’est d’ailleurs son statut de jeune maman qui lui a permis de franchir la frontière ukrainienne en une demi-journée tandis que d’autres africains y ont passé plusieurs jours.
Avec son bébé, elle franchit la frontière polonaise et contacte Merlin Tchindé. Ce dernier loue un bus à ses frais pour venir chercher les Africains qui ont pu franchir la frontière. Après avoir passé une semaine chez Merlin Tchindé à Varsovie en Pologne, elle prend congé et s’installe finalement en Belgique.
Elle est d’abord hébergée par un couple belge avant de trouver un logement temporaire où elle vit actuellement avec son fils.
La jeune camerounaise a dû fuir l’Ukraine avec un bébé de deux mois dans les bras. C’est d’ailleurs son statut de jeune maman qui lui a permis de franchir la frontière ukrainienne en une demi-journée tandis que d’autres africains y ont passé plusieurs jours.
Avec son bébé, elle franchit la frontière polonaise et contacte Merlin Tchindé. Ce dernier loue un bus à ses frais pour venir chercher les Africains qui ont pu franchir la frontière. Après avoir passé une semaine chez Merlin Tchindé à Varsovie en Pologne, elle prend congé et s’installe finalement en Belgique.
Elle est d’abord hébergée par un couple belge avant de trouver un logement temporaire où elle vit actuellement avec son fils.
Joëlle Temagna compte reprendre ses études afin d’obtenir son diplôme d’infirmière.
« J’ai déposé pour l’équivalence parce qu’il faut une équivalence pour continuer. En attendant, je fais des cours de néerlandais, » dit-elle à la BBC.
« C’était difficile au départ, ma famille a même voulu que je rentre [au pays], mais, vu que ma situation s’est améliorée elle m’encourage à persévérer et à faire ce que j’avais voulu faire depuis le départ », ajoute-t-elle.