La Russie cherche à détrôner l’Occident par le renforcement de ses liens avec d’autres parties du monde dont l’Afrique, a estimé auprès de Sputnik Afrique Dr Bakary Traoré, expert en relations internationales et en géopolitique à la Mission d’appui à la refondation de l’État (MARE) du Mali.
En présentant l’Occident comme « une menace existentielle », Moscou se donne un but de « contrecarrer, sinon éliminer la domination des Occidentaux », a-t-il communiqué.
Possibles gains pour le continent noir
L’intensification des relations russes avec les pays africains figure comme l’une des stratégies clés de cette nouvelle politique extérieure, présentée le 31 mars. Selon M.Traoré, cela permettrait de leur « offrir une source de diversification de leur partenariat » en fonction de leurs besoins.
« Les États africains doivent saisir cette occasion avec un partenaire stratégique comme la Russie, de sortir de ce qu’on appelle l’assistanat qui a toujours guidé les rapports de coopération économique entre les pays africains et les grandes puissances », poursuit l’analyste.
Selon lui, ce sont notamment les accords de coopération avec les institutions de Bretton Woods [accords économiques définis en 1944 qui dessinent les grandes lignes du système financier internationale, ndlr] et ceux de coopération d’endettement, qui ont porté atteinte à la prolifération de l’économie africaine.
Vers une autonomie industrielle
L’Afrique pourrait ainsi bénéficier d’un « partenariat gagnant-gagnant basé sur un transfert des technologies », grâce auxquelles elle pourra exploiter ses propres ressources. Des démarches qui ont déjà eu lieu dans les années 1960, lorsque l’Union soviétique y a fourni un large appui industriel, rappelle l’expert.
« Au lieu d’offrir aux Africains du pain ou du poisson, pour paraphraser le proverbe chinois, il vaut mieux, comme il faut qu’on apprenne aux Africains à savoir pêcher eux-mêmes le poisson, à savoir cultiver leur propre blé, à savoir produire leur propre énergie, à savoir exploiter leurs propres ressources minières », a fait valoir Dr Bakary Traoré.
De son côté, Moscou pourrait accéder à la richesse des matières premières africaines, note-t-il.
Épanouissement des BRICS
D’un point de vue plus large, la nouvelle doctrine russe accélérera la montée en puissance des BRICS qui pèseront sur la scène internationale, prévoit M.Traoré. Ce groupe qui comprend pour l’heure cinq États (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) a déjà tendance à s’élargir. Au moins 16 pays souhaitent y adhérer dont l’Algérie, l’Égypte et l’Iran, précisait fin mars la diplomatie russe.
Le groupe va « créer une sorte d’effet boule de neige pour développer un réseau diplomatique qui va s’étendre à d’autres continents, à d’autres États ».
Il a aussi cité le Mali, le Burkina Faso, la République centrafricaine, ainsi que la Turquie, l’Arabie saoudite, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua.
« Tous ces États et biens qui entourent les BRICS vont devenir les alliés potentiels pour les BRICS, donc qui va étendre sa zone d’influence dans son giron », conclut-il.
Une influence qui a tout pour développer le multilatéralisme car les BRICS plaident « pour la refondation des organisations internationales » dont le Conseil de sécurité de l’Onu et, du côté économique, les institutions de Bretton Woods.
Ces initiatives ont de fortes chances de réussir, ce qui serait « bénéfique pour tous les États du monde », a résumé l’expert.
Fin de l’unilatéralisme
Pour lui, cette nouvelle politique russe pourrait mettre un terme au monde unipolaire dont l’expansion a entraîné des conséquences « catastrophiques tant en Asie qu’en Afrique ». À titre d’exemple, il a cité l’invasion américaine de l’Irak « pour faire chuter » les pouvoirs de l’époque et le cas de la Libye. Le Conseil de sécurité de l’Onu a été instrumentalisé par l’Occident pour renverser Mouammar Kadhafi.
« Aujourd’hui, les pays du Sahel sont en train de payer les conséquences désastreuses de cette intervention de l’Otan en Libye ». Suite à ces désastres, l’Afrique nécessite réellement la refondation des organisations internationales pour qu’ »aucun pays ne puisse pas imposer sa volonté à l’ensemble des autres États en dépit du droit international ».
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