Niger: des militaires affirment avoir renversé le président Bazoum, le ministre des Affaires étrangères lance un appel aux «militaires factieux»
27 juillet 2023 Non Par Doura
Des militaires ont affirmé, le 26 juillet 2023 en fin de soirée, avoir renversé le régime du président nigérien Mohamed Bazoum, dans une déclaration lue par l’un d’entre eux à la télévision nationale à Niamey, au nom d’un Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Un acte notamment motivé par « la dégradation continue de la situation sécuritaire » au Niger, selon le colonel-major Amadou Abdramane Sandjodi.
Les principales informations :
► Après une journée confuse, un groupe de hauts gradés est intervenu tard dans la soirée à la télévision pour annoncer « mettre fin au régime » en place
► Le président du pays, qui n’a pas formellement démissionné, n’est toujours pas libre de ses mouvements ce jeudi. Il serait toujours retenu dans sa résidence par le patron de sa Garde présidentielle, le général Abdourhmane Tchiani, cerveau du coup d’État annoncé.
► Le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou s’est exprimé chez nos confrères de France 24 pour demander aux « officiers factieux de rentrer dans les rangs »
À Niamey, ce jeudi matin, la situation est calme et la population suspendue à l’évolution de la situation. Dans la capitale, les rues se sont vidées après la déclaration des militaires, il n’y a pas eu de rassemblements ou de manifestations comme cela avait été le cas dans la journée. Dans les casernes, pas de mouvement particulier, pas de déploiement militaire non plus.
Ce jeudi matin, chez nos confrères de France 24, le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou s’est exprimé, se présentant sur twitter comme le « chef par intérim du gouvernement ». Il évoque une « tentative de coup d’État ».
Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères du Niger: «Nous sommes les autorités légitimes du Niger»
Intenses tractations entre militaires
L’annonce du coup d’État et de la création du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) est survenue dans la nuit, dans une allocution télévisée. Sur les dix personnalités présentes sur les images, on a reconnu deux généraux, à savoir le patron des forces spéciales (COS), le général Barmou Batoure et le chef d’état-major adjoint de l’armée de terre, le général Toumba. Présents également, des représentants d’autres corps de l’armée nigérienne (le haut commandant de la garde nationale) un peu comme si les militaires voulaient montrer que, finalement, ils se sont entendus. Un grand absent cependant, le général Abdourahmane Tchiani, le patron de la Garde présidentielle.
Il pourrait prendre la tête du CNSP. Un autre nom circule, celui du général Salifou Mody, ancien chef d’état major des armées nigériennes. Après une visite officielle au Mali alors qu’il occupait ce poste, il a été quelque temps après relevé et nommé ambassadeur du Niger aux Emirats Arabes Unis en juin dernier. Il n’avait pas rejoint son poste.
Ce mercredi a été une journée d’intenses tractations. Le général Abdourahmane Tchiani, considéré comme étant à l’origine de ce coup de force, après avoir mis en résidence surveillée le président Bazoum, a eu du mal à rallier les autres corps de l’armée à la tentative de putsch. La garde nationale a d’abord répondu « non » et selon nos informations, dans la foulée, la gendarmerie nationale du Niger a également refusé de le suivre. La situation s’est même tendue à un moment avec des menaces d’intervention musclée… D’intenses négociations ont finalement permis d’aboutir à un accord et au texte lu dans la soirée.
Les frontières fermées, un couvre-feu instauré, les institutions suspendues
« Nous, forces de défense et de sécurité, réunis au sein du CNSP, avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez », celui du président Bazoum, a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane Sandjodi, directeur de l’Information, des Relations publiques et des Sports, entouré de neuf autres militaires en tenue.
« Ce jour, 26 juillet 2023, nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) :
– avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez. Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale.
– réaffirmons notre attachement au respect de tous les engagements souscrits par le Niger
– rassurons la communauté nationale et internationale par rapport au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues, conformément aux principes des droits humains. »
Déclaration de l’armée nigérienne annonçant la destitution de Mohamed Bazoum
Patrice Talon attendu dans la journée
« Toutes les institutions issues de la septième République sont suspendues. Les secrétaires généraux des ministères se chargeront de l’expédition des affaires courantes. Les forces de défense et de sécurité gèrent la situation. Il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer », a poursuivi Amadou Abdramane Sandjodi.
La mise en garde du CNSP contre toute ingérence est peut-être un message envoyé à Patrice Talon : le président du Bénin est attendu à Niamey pour une médiation ce jeudi. Il est en contact permanent avec le président du Niger, président en exercice de la Cédéao qui a condamné hier tout changement constitutionnel au Niger. Il faut aussi rappeler que des forces étrangères – les États-Unis et la France notamment – disposent de troupes militaires sur le territoire nigérien.
« Les frontières terrestres et aériennes sont fermées jusqu’à la stabilisation de la situation. Un couvre-feu est instauré à compter de ce jour, de 22 heures à 5 heures du matin sur toute l’étendue du territoire jusqu’à nouvel ordre », a ajouté le colonel-major.
La France condamne « toute tentative de prise de pouvoir par la force »
Les États-Unis d’Amérique ont appelé à la « libération immédiate » de Mohamed Bazoum, avec lequel Antony Blinken s’est entretenu dans la journée de mercredi. Depuis la Nouvelle-Zélande où il est en déplacement, le secrétaire d’État américain a rappelé que les États-Unis apportaient leur soutien résolu à Mohamed Bazoum « en tant que président élu démocratiquement ». Le dirigeant avait succédé à Mahamadou Issoufou en avril 2021.
La France a également réagi aux événements au Niger. Paris fait part de sa préoccupation, « suit attentivement l’évolution de la situation » et condamne « toute tentative de prise de pouvoir par la force », indique Catherine Colonna sur son compte Twitter. La ministre des Affaires étrangères ajoute que la France « s’associe aux appels de l’Union africaine et de la Cedeao pour rétablir l’intégrité de institutions démocratiques nigériennes ».
Le président du Niger Mohamed Bazoum a finalement été destitué mercredi 26 juillet, au terme d’une longue journée d’incertitude à Niamey. Retour sur le parcours du désormais ex-chef d’État nigérien.
Né à Bilabrine, dans la région de Diffa en 1960, Mohamed Bazoum se lance dans le jeu politique dans les années 1990. Figure de l’Union syndicale des travailleurs du Niger, le diplômé de philosophie fonde avec son compagnon de lutte, Mahamadou Issoufou, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme.
Élu député une première fois en 1993, il occupera à maintes reprises la vice-présidence de l’Assemblée nationale, avant d’être nommé ministre lorsqu’Issoufou accède à la présidence nigérienne en 2011. Mohamed Bazoum officie d’abord aux Affaires étrangères, puis à l’Intérieur. Des expériences qui lui permettent de développer son carnet d’adresses à l’international.
Il succède à son mentor en avril 2021, quand il est élu avec près de 56% des voix face à son adversaire, Mahamane Ousmane. Sa victoire est tout juste validée par la Cour constitutionnelle que des militaires tentent un coup d’État, seulement deux jours avant son investiture. Un an plus tard, presque jour pour jour, les autorités nigériennes annoncent avoir déjoué une nouvelle tentative de putsch.
Finalement, c’est un groupe d’officiers disant appartenir à un Conseil national pour la sauvegarde de la patrie qui a annoncé, mercredi 26 juillet dans la soirée à la télévision nationale, avoir renversé le président Bazoum.
RFI