Naufrage de migrants en Calabre: l’opposition italienne lance un appel à l’UE
27 février 2023
Après le dramatique naufrage au large de Crotone, en Calabre, au cours duquel au moins 59 personnes sont mortes, dont une vingtaine d’enfants, tandis que les secouristes ont sauvé la vie de 80 migrants et recherchent encore des dizaines de disparus, des voix s’élèvent pour demander à l’UE d’agir concrètement afin d’affronter le thème de l’immigration via la Méditerranée avec responsabilité et humanité.
Avec notre correspondante à Rome, Anne Le Nir
Ce naufrage en Calabre est survenu peu après l’adoption par le Parlement italien d’une loi qui contraint les navires humanitaires à n’effectuer qu’un seul sauvetage à la fois et à se diriger vers le port désigné par le ministère de l’Intérieur, qui peut être situé dans le nord du pays et non plus seulement dans le sud, plus proche des zones de secours.
Ces mesures, fortement voulues par le gouvernement de coalition de droite, dirigé par Giorgia Meloni, multiplieraient les risques de décès en Méditerranée, selon les ONG et les forces de centre gauche.
Pour la sénatrice du Parti démocrate Simona Malpezzi, « sans une politique européenne commune, il ne sera pas possible d’affronter concrètement le sujet douloureux de l’immigration ». Tandis que la Ligue de Matteo Salvini et le parti Fratelli d’Italia insistent sur la « nécessité de bloquer les départs des migrants illégaux ».
Quant au président de la République, Sergio Mattarella, garant des institutions italiennes, il demande que l’Union européenne « assume finalement la responsabilité de gouverner le phénomène migratoire pour le soustraire aux trafiquants d’êtres humains ».
Après le drame, Ursula von der Leyen redouble d’efforts pour faire avancer sa politique migratoire
Sur Twitter, la présidente de la Commission européenne a qualifié la mort des migrants de « tragédie », et s’est dite « profondément attristée ». Elle a demandé notamment à « redoubler d’efforts concernant le Pacte sur les migrations et le droit d’asile, et sur le Plan d’action pour la Méditerranée centrale ».
L’idée du Pacte asile et migration, présenté en septembre 2020 par la Commission Von der Leyen, est de largement réformer la politique migratoire européenne, qui a très largement montré ses lacunes depuis la crise migratoire de 2015-2016.
Ce Pacte est d’abord basé sur un renforcement des frontières extérieures de l’UE. Il prévoit de traiter directement les demandes d’asile dans le pays d’arrivée des migrants, tout en étant plus rapide dans leur traitement. L’idée est de renvoyer plus vite ceux qui ont peu de chances d’obtenir l’asile, les personnes en provenance d’un pays jugé « sûr » par l’UE, notamment.
Ce premier filtrage vise à décourager les départs vers l’Europe. C’est là que les désaccords arrivent entre les Vingt-Sept, car un tel système fait peser, comme aujourd’hui, une grande partie de la politique migratoire européenne sur les pays dits « de première ligne », à savoir Malte, Chypre, la Grèce ou l’Italie, qui s’en plaignent régulièrement.
Alors, pour les soulager, le Pacte prévoit un mécanisme de solidarité avec une répartition des demandeurs d’asile au sein des États membres. Sauf que les pays de l’Est, Hongrie et Pologne en tête, refusent tout accueil obligatoire de migrants. Et les pays de premier accueil, eux, disent non à tout contrôle renforcé des frontières sans cette garantie de solidarité.
Résultat : blocage, pour une réforme qui doit toujours être conclue avant le printemps 2024.
À Bruxelles,
Jean-Jacques Héry
Selon les gardes-côtes italiens, l’embarcation transportait environ 120 personnes (200, selon les pompiers). D’après les dernières informations, la plupart des migrants venaient d’Afghanistan, d’Iran et du Pakistan, via le port turc d’Izmir.
Le navire de sauvetage Geo Barents, de l’ONG Médecins sans frontières (MSF), immobilisé par les autorités italiennes depuis quatre jours, est accusé de ne pas avoir partagé toutes les informations concernant son dernier voyage.
Mais sa mise sous séquestre pendant vingt jours empêche de venir en aide aux migrants, comme en témoigne Caroline Willemen, cheffe de mission adjointe chez au sein de l’organisation non gouvernementale, interrogée par RFI.
Ça fait des années, malheureusement, qu’on entend ces nouvelles. Ce qu’on voit en Europe, que ce soit en mer ou à d’autres frontières, c’est qu’on met des murs, on cherche toujours d’autres façons pour rendre plus difficile aux gens de fuir les endroits d’où ils viennent, mais c’est exactement ce qui mène à ce genre de drames.
Rfi