Mort de Silvio Berlusconi : l’AC Milan, tremplin vers le pouvoir du Cavaliere

Mort de Silvio Berlusconi : l’AC Milan, tremplin vers le pouvoir du Cavaliere

12 juin 2023 Non Par LA RÉDACTION
Président du Conseil des ministres italien à trois reprises, Silvio Berlusconi s’est éteint, lundi, à l’âge de 86 ans. Durant plus de trois décennies, il aura utilisé son club de cœur, l’AC Milan, comme un véhicule politique.
France Télévisions
Le patron de l'AC Milan, Silvio Berlusconi, aux côtés de son entraîneur de l'époque, Carlo Ancelotti qui cache le Brésilien Ronaldo à la droite de Yoann Gourcuff, et de Paolo Maldini, emblématique joueur du club, lors du sacre en Coupe du monde des clubs, le 13 janvier 2008. (ALBERTO PIZZOLI / AFP)

Presque toute une vie en rouge et noir. Silvio Berlusconi, disparu lundi 12 juin à l’âge de 86 ans, s’est construit un itinéraire glorieux, au sein duquel le club de l’AC Milan a longtemps été son étendard. Magnat des médias, homme d’affaires à succès, homme politique de premier plan qui a atteint le sommet de l’Etat italien, il a débuté son aventure dans le football en 1986, en s’emparant du club lombard, pour le transformer en machine à gagner dans les années 90, et dont il sera l’icône numéro 1.

 

Président du Conseil des ministres d’Italie à trois reprises, le Lombard s’est d’ailleurs toujours appuyé sur son image de patron des Rossoneri pour mener à bien ses envies de pouvoir. Avec plus de quatre millions de fans à travers la Botte, son club de cœur lui a assuré une visibilité non négligeable durant ses trente et une années passées à sa tête.

Gérer l’Italie à la façon AC Milan

À l’époque où il rachète la formation, cette dernière connaît des heures troubles. En difficulté financière depuis sa rétrogradation en deuxième division italienne à la suite du scandale du Totonero – une affaire portant sur des paris truqués révélée au début des années 1980 -, l’AC Milan a perdu de sa superbe. « Silvio Berlusconi n’a pas jeté son dévolu sur ce club par hasard, explique l’historien Fabien Archambault dans la revue Histoire@PolitiqueAffaibli par ce scandale, le plus vieux club de Milan était presque en faillite, mais il appartenait surtout, avec l’Inter et la Juventus, au cercle restreint des grandes équipes drainant des tifosi à l’échelle du pays tout entier« .

Ses succès rapides en font alors un chef de file porté aux nues dans le Nord de l’Italie. Champion de Serie A dès 1988 en triomphant du Napoli de Diego Maradona, puis vainqueur de deux Ligue des champions en 1989 et 1990, l’ACM revient directement sur le devant de l’affiche grâce à son entraîneur légendaire, Arrigo Sacchi, ainsi qu’au recrutement de trois Néerlandais volants : Marco Van Basten, Ruud Gullit et Frank Rijkaard. « La réputation du club était positive. C’était une équipe qui gagnait et représentait au mieux l’Italie. Berlusconi a bénéficié de cette symbolique majeure dans un pays où le football est un élément bien plus structurant qu’ailleurs », souligne Arnaud Benedetti, professeur d’histoire de la communication politique à l’Université Paris-Sorbonne.

Une finale de C1 perdue face à Marseille plus tard et alors qu’une nouvelle couronne européenne se dessine, Silvio Berlusconi décide de se lancer en politique à l’occasion des législatives de 1994, annonçant « descendre sur le terrain », alors que la classe politique italienne est confrontée à des affaires de corruption. Une première métaphore filée avec le football.

« Forza Italia ! » des tribunes aux urnes

« Le succès sportif de l’AC Milan a été un tremplin important pour lui. Aux yeux de tous, il est devenu un gagnant. Mais il faut aussi noter qu’il était propriétaire d’un groupe de télévision qui lui a beaucoup servi », rappelle Paolo Tomaselli, journaliste sportif italien pour le Corriere della Sera« Les victoires du Milan berlusconien célébrées à l’envi par les chaînes dépendantes de son groupe, Mediaset, ont contribué à étendre les ramifications des clubs de supporters, poursuit Fabien Archambault. Les noyaux de tifosi ont alors constitué les premiers relais de son nouveau parti. »

Une formation politique au nom univoque : « Forza Italia ! », qui s’apparente aux chants à la gloire de l’équipe nationale italienne. « Les élus du parti étaient appelés les « Azzurri » comme le surnom des joueurs de la Squadra. Cette double identité était évidente. Berlusconi voulait diriger l’Italie de la même manière que l’AC Milan : vers les succès », note le journaliste transalpin.

« Berlusconi était un homme de spectacle et de divertissement. C’est le premier en Europe à avoir investi les codes de l’entreprise dans le monde politique. Il voulait gérer l’Etat italien comme il gérait un club de foot. »

Arnaud Benedetti, professeur d’histoire de la communication politique

à franceinfo: sport

Dès sa première campagne, le football le rapproche du peuple et joue en sa faveur. « C’est un sport universel qui transcende les classes sociales. Il y a une forme symbolique fédératrice dans le foot. C’est ce qui explique que des hommes politiques comme Berlusconi ont usé de ce levier ». Résultat en 1994, son parti remporte les élections et il est nommé président du Conseil des ministres.

Les plus grandes stars comme ambassadeurs

Si son premier mandat à la tête du pays ne dure que quelques mois, Silvio Berlusconi n’hésite pas à réutiliser la même recette tout au long de sa vie politique. Comme élément de soft power, il attire les plus grandes stars en Lombardie lorsque sa côte de popularité le requiert. A l’été 2010, son Milan recrute notamment Zlatan Ibrahimovic et Robinho au moment où la coalition de centre-droit qu’il dirige bat de l’aile en interne.

« Ça avait commencé dès 1992 avec Gianluigi Lentini. Berlusconi avait frappé fort en le faisant venir à Milan avec le statut de joueur le plus cher de l’histoire », rappelle le journaliste Paolo Tomaselli. Au total, pas moins de dix lauréats du Ballon d’or jouent à San Siro durant sa présidence. Parmi eux, le Brésilien Ronaldinho et l’Ukrainien Andreï Chevtchenko, dont les rumeurs de transferts alimentent les quotidiens du pays à quelques jours des élections législatives de 2008. « Sur le plan électoral, c’est un outil de clientélisme évident, certifie Arnaud Benedetti. Il ne permet pas de remporter un scrutin à lui seul mais cela a forcément eu un impact en termes d’image ».

L'Ukrainien Andreï Chevtchenko et le Brésilien Ronaldinho sous les couleurs de l'AC Milan de Silvio Berlusconi, le 14 octobre 2008. (ARMANDO BABANI / AFP)

« Un Milan qui gagne fait du bien à l’Italie et renforce le gouvernement. Quand nous gagnons, tout le monde célèbre la victoire avec moi au Parlement et les gens sont heureux », déclarera finalement Silvio Berlusconi en 2011, à quelques mois de la fin de son troisième et dernier mandat de Premier ministre. Preuve du lien l’unissant aux Rossoneri.

Après plusieurs années en retrait sur le plan politique, et à une période où le grand Milan est rentré dans le rang, le Cavaliere cède finalement son joyau à des investisseurs chinois en 2017. À son palmarès, 29 trophées dont cinq Ligues des champions mais surtout 3 339 jours passés à la tête de l’Italie.