« Soutien pour la famille du policier de Nanterre ». Le polémiste d’extrême droite Jean Messiha a ouvert une cagnotte en ligne, vendredi 30 juin, pour aider la famille du policier mis en examen et placé en détention provisoire après le tir mortel ayant visé Nahel, 17 ans, lors d’un contrôle routier à Nanterre. Plus d’un million d’euros a déjà été récolté, lundi 3 juillet en début d’après-midi, pour la famille du fonctionnaire « qui a fait son travail et qui paie aujourd’hui le prix fort », est-il écrit en descriptif sur la page hébergée par la plateforme américaine de financement participatif GoFundMe, qui gère la cagnotte.
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Sur Twitter, l’initiative de ce proche d’Eric Zemmour a suscité l’indignation de plusieurs responsables politiques, qui ont accusé son créateur de souffler « sur les braises », après plusieurs nuits d’émeutes. On vous explique les raisons de cette polémique.
Une première cagnotte vite suspendue
Une première cagnotte a d’abord été lancée jeudi sur la plateforme française Leetchi, avant d’être suspendue « au bout de 20 minutes, alors qu’elle atteignait près de 5 000 euros », selon un tweet de Jean Messiha. Sur le site de Leetchi, il est précisé que la cagnotte est « en cours de vérification ».
La plateforme de financement participatif française a réclamé plusieurs pièces justificatives au haut fonctionnaire passé par l’ENA, parmi lesquelles « le document d’identité en cours de validité de l’épouse du policier », mais aussi « un document pouvant attester de leur lien », ainsi qu’un RIB de l’épouse,détaille le polémiste dans un post Instagram, dans lequel il raille ces requêtes de la plateforme.
Une seconde cagnotte ouverte et plus d’un million d’euros récolté en quatre jours
Sitôt la suspension par Leetchi actée, Jean Messiha a ouvert vendredi une nouvelle cagnotte, cette fois sur le site américain GoFundMe. Dès le lendemain, elle atteignait les 200 000 euros, ce dont le polémiste s’est réjoui dans une vidéo tournée pour l’occasion. « Des milliers d’entre vous ont donné en soutien à ce policier », s’est-il félicité.
Le même jour, la chaîne d’information en continu CNews, profitant de la présence de l’ancien porte-parole d’Eric Zemmour durant la campagne présidentielle sur son plateau, relaie l’existence de cette cagnotte. Jean Messiha n’a pas manqué de partager la séquence sur ses réseaux sociaux, assurant que le policier mis en examen pour homicide volontaire n’avait « fait que son travail » en tirant sur l’adolescent, et dénonçant « l’hallali » dont il serait « victime ».
Depuis, le quinquagénaire ne cesse de promouvoir son initiative sur les réseaux sociaux, assurant que contribuer à la cagnotte permet aux participants de prouver leur « amour » pour les forces de l’ordre. Lundi en début d’après-midi, la tirelire en ligne avait dépassé un million d’euros, avec plus de 50 000 donateurs pour des dons allant de 5 à 3 000 euros.
Une cagnotte également créée pour la famille de Nahel
Sur les réseaux sociaux, cette cagnotte est comparée à une autre, lancée « en soutien à la maman de Nahel » par un anonyme, et qui rassemblait lundi midi plus de 170 000 euros. Sur Twitter, le polémiste s’est publiquement réjoui de cette différence, assumant de mettre sa cagnotte en concurrence avec l’initiative créée selon lui en soutien à un « délinquant multirécidiviste (…) par la racaillo-sphère gauchiste ».
Cette dernière accusation concernant Nahel avait été démentie par l’une des avocates de la famille de la victime dès le mercredi 28 juin sur franceinfo. Jennifer Campla avait assuré que l’adolescent n’avait « jamais été condamné » et qu’« il [avait] un casier judiciaire vierge ». Elle avait précisé qu’il était « connu des services de police, ce qui n’est pas la même chose, puisque dans le traitement d’antécédent judiciaire, il n’a pas été jugé pour quoi que ce soit ».
Des appels lancés pour clôturer une cagnotte « indécente et scandaleuse »
Depuis sa création, la cagnotte de Jean Messiha a été relayée par des comptes d’extrême droite, parmi lesquels les sites identitaires Fdesouche et Boulevard Voltaire. Dans ce contexte explosif, la polémique n’a cessé d’enfler sur Twitter, où plusieurs dizaines de milliers de personnes ont réclamé sa fermeture auprès de la plateforme américaine en utilisant le mot-dièse « #GofundmeComplice ».
De nombreuses personnalités, notamment à gauche, ont, elles aussi, dénoncé cette initiative. Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a ainsi estimé que cette cagnotte était une « ignominie » lancée par un « pitre d’extrême droite ». Le député La France insoumise de Seine-Saint-Denis, Thomas Portes, a taxé la plateforme d’être « complice de rémunération d’un tueur ». Olivier Faure a, lui aussi, réclamé la fermeture de la cagnotte, en s’adressant directement à la plateforme. « Vous entretenez une fracture déjà béante en participant au soutien d’un policier mis en examen pour homicide volontaire. Clôturez ! », s’est ainsi indigné le premier secrétaire du PS.
Eric Bothorel, député Renaissance des Côtes-d’Armor, a accusé Jean Messiha de souffler « sur les braises » avec cette initiative « indécente et scandaleuse », qu’il voit comme un « générateur d’émeutes ». De son côté, Eric Ciotti a dit sur LCI comprendre la démarche de l’ancien porte-parole d’Eric Zemmour. « Que l’on soutienne la famille d’un policier qui est aussi dans une épreuve aujourd’hui, ça ne me paraît pas choquant », a déclaré lundi matin le président des Républicains, qui assure qu’il pourrait y participer.
GoFundMe assure que l’initiative est « conforme » à ses règles
Face aux critiques et aux demandes répétées de fermeture de la cagnotte, la plateforme GoFundMe a réagi auprès de BFMTV, assurant que l’initiative était « conforme » à ses conditions d’utilisation, « car les fonds seront versés directement à la famille en question ». « La famille a été ajoutée comme bénéficiaire et donc les fonds leur seront directement versés », a expliqué un porte-parole de l’entreprise américaine.
La question d’une suspension avait été soulevée, puisque, dans ses conditions d’utilisation, la plateforme stipule qu’il est interdit de lever des fonds pour tout contenu ou utilisateur qui « incite ou promeut un comportement jugé, à notre entière discrétion, comme étant un abus de pouvoir ou une incitation au terrorisme, à la haine, à la violence, au harcèlement, à l’intimidation, à la discrimination ».
En 2019, le « gilet jaune » Christophe Dettinger, qui avait été filmé en train de se battre face à des policiers, n’avait pas pu toucher les 145 000 euros récoltés pour lui sur une autre plateforme, Leetchi, comme le rappelle Libération. Face au tollé, l’entreprise française avait fermé la cagnotte, invoquant un non-respect de ses conditions générales d’utilisation qui « proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence ».
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