Lutte contre la corruption : plusieurs cadres du ministère de l’environnement poursuivis

Lutte contre la corruption : plusieurs cadres du ministère de l’environnement poursuivis

28 décembre 2023 Non Par Doura

 

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE CONAKRY Conakry –

Objet: Injonctions aux fins de poursuites judiciaires contre Docteur Karim SAMOURA, Secrétaire Général du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Monsieur Mohamed FOFANA, Directeur général faune et flore du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Madame Nana KOULIBALY, Point focal CITES Guinée en service à la Direction générale faune et flore du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Monsieur Sidiki KOUROUMA, Directeur général de l’Office guinéen du bois et autres pour des faits présumés de coupes illégales de bois, constitution d’un dépôt de produits forestiers sans bordeaux d’entrée et de sortie et sans fiche de dépôt, circulation des produits de coupes de bois sans bordeaux de route, vente et exportation de produits forestiers sans certificat d’origine, violation de la règlementation relative à la circulation et au dépôt de produits forestiers, commerce illégale, corruption d’agents publics, faux et usage de faux en écriture publique, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux.

Monsieur le Procureur Général,

En application des dispositions de l’article 37 du Code de procédure pénale, il vous est enjoint par la présente versée au dossier de la procédure d’engager des poursuites judiciaires sans délai pour des faits précités contre Docteur Karim SAMOURA, Secrétaire Général du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Monsieur Mohamed FOFANA, Directeur général faune et flore du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Madame Nana KOULIBALY, point focal CITES Guinée en service à la Direction générale faune et flore du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable, Monsieur Sidiki KOUROUMA, Directeur général de l’Office guinéen du bois et autres.

Alors que la Guinée est sous sanction depuis 10 ans dans le cadre de la Convention sur le Commerce International des espèces de faune et de flore

sauvages menacées d’extinction, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des droits de l’homme a été informé de la gestion calamiteuse de l’exploitation du bois de vène suivant une chaine de corruption par l’utilisation de faux et isage de faux en écriture publique.

Il ressort des documents nº 2023/128 du 23 novembre 2023 du Secrétariat de la Convention sur l’interdiction du Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) que la République de Guinée s’est vue notifiée, la recommandation expresse au point 1 de la page 3 sur l’application de l’article XIII de menée des enquêtes criminelles et financières par l’intermédiaire d’organisation spécialisée et d’entreprendre des poursuites judiciaires concernant le trafic illégal récent, de Pterocarpus erinaceus.

Au cours de la mission, le Secrétariat de CITES a accompagné l’organe de gestion CITES à Kountya et à Fassya, les deux sites où avaient été conservés les stocks pré-convention de Pterocarpus erinaceus. Très malheureusement, ces deux sites étaient vides et il ne restait qu’environ vingt (20) à trente (30) grumes de mauvaise qualité sur le site le plus vaste (site de kountya).

Face à cette situation, le Secrétariat de CITES a rencontré la Commission nationale établie par la note de service 200052 adopté par la Guinée le 05 novembre 2020 (avant le changement de régime en septembre 2021) aux fins de contrôler l’exportation du stock.

Ainsi, les organismes désignés pour constituer la Commission nationale à savoir:

la Direction nationale des forêts et de la faune (DNFF) organe de gestion CITES avec pour rôle de superviser la totalité du processus et de délivrer les certificats CITES pré-convention requis;

⚫ l’Office guinéen du bois (OGUIB) chargé de délivrer les certificats d’origine sur la base desquels sont perçus les recettes pour le bois;

.

le service des douanes chargé de sceller les conteneurs et de les escorter au Port;

⚫ la Gendarmerie chargée de garantir la sécurité des conteneurs et de la transparence du processus;

⚫le Bureau central Interpool (BCN de Guinée) chargé de veiller à la transparence du processus ont été invités à une réunion où les mesures de sauvegarde et les conditions fixées par le Comité permanent pour l’autorisation exceptionnelle accordée à la Guinée ont été débattues.

La Commission nationale a été invité à expliquer en détails comment les mesures de sauvegarde et les conditions fixées par le Comité permanent pour

l’autorisation exceptionnelle d’exportation du stock accordée à la République de Guinée.

La Commission a expliqué que les 97 premiers conteneurs avaient été chargés et scellés en présence de la Commission nationale au grand complet en novembre 2022 et avaient quitté le pays en début d’année 2023. Qu’ultérieurement, les conteneurs ont été chargés régulièrement, en présence de la Commission nationale, à mesure qu’ils étaient mis à disposition du Transport maritime.

En juin 2023, la Chine a signalé à la Guinée qu’elle avait accepté l’exportation de 9605 m3 sur la base des certificats pré-convention émis par l’organe de gestion CITES.

S’appuyant sur cette information, l’organe de gestion CITES a continué à délivrer les certificats pré-convention jusqu’à atteindre le volume de 13.991m3 avec précision que les derniers conteneurs ont été chargés en août 2023 au Port de Conakry.

Paradoxalement, le Secrétariat de CITES avait fait part de ses préoccupations quant au fait que le volume du bois autorisé à l’exportation dépassait de 1100 m3 (équivalent de 65 conteneurs) le volume inventorié à l’origine, à savoir 12 882 m3, et communiqué au Secrétariat CITES en juin 2021, conformément à la première condition d’approbation exceptionnelle par le Comité permanent.

Au cours de la même réunion, la Commission nationale a maintenu que l’inventaire d’origine était erroné et que le volume de bois était supérieur à celui qui avait été estimé en juin 2021. Toutefois, la Commission n’avait pas pu fournir les preuves que l’inventaire était erroné et n’a jamais alerté le Secrétariat CITES à cet égard. Plus grave, aucune preuve matérielle ne permettait de soutenir l’affirmation selon laquelle le stock s’élevait en réalité à 14 000 m3.

La Commission nationale a, en outre, fait observer que la notification aux parties n° 2022/080 du 05 décembre 2022 ne mentionnait pas le volume 12 882 m3 précédemment inventorié et mentionné par le Comité permanent. Elle a prétendu qu’elle avait donc compris que le Comité autorisait l’exportation d’un volume de 14 000 m3 au maximum.

Par contre, le Secrétariat CITES avait maintenu que le Comité permanent avait autorisé l’exportation du stock et non pas d’un quota de 14 000 m3. Toutefois, il a également retenu que la notification de décembre 2022 mentionnait uniquement un volume maximum de 14 000 m3 et aurait dû préciser le volume de 12 882 m3 inventorié par la Guinée en 2021, donc le Comité.

Ayant été informé du fait que la Commission nationale avait tenu des réunions régulières durant le processus d’exportation, le Secrétariat de CITES a demandé des procès-verbaux de desdites réunions. Ces procès-verbaux n’ont jamais été fournis ni pendant ni après la mission du Secrétariat de CITES pour asseoir la sincérité des déclarations faites par la Commission.

D’ailleurs, pendant la réunion, la Commission nationale n’a donné aucune information sur les recettes de la vente du stock pré-convention perçue par l’Office guinéen du bois (I’OGUIB).

Le Secrétaire général du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable a ultérieurement indiqué que l’on s’attendait à recevoir un total d’environ quatre milliards de francs guinéens (4 000 000 000 gnf) équivalent à 478 650 USD. Il a ensuite confirmé que 40% de ce montant (équivalent à 190 386 USD) serait transférer sur un sous compte du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable destiné à renforcer les capacités de l’organe de gestion CITES, comme demandé par le Comité permanent. Il n’a jamais précisé la date dudit transfert.

Suite à la réunion avec la Commission nationale, le Secrétariat CITES a tenu une brève réunion avec la Compagnie maritime chargée de transporter le stock de Guinée en Chine. Cette compagnie maritime a informé le Secrétariat de CITES qu’elle avait chargée plus de 1200 conteneurs de Pterocarpus erinaceus équivalent à 20 400m3, c’est-à-dire, beaucoup plus que le volume maximum autorisé de 14 000 m3. Elle a précisé n’avoir pas reçu de documents CITES pour la totalité du volume, chose qui l’avait conduit a cessé d’accepter d’autres envois dès la fin du mois d’août.

Face à ces nouvelles révélations troublantes, le Secrétaire Général du Ministère de l’Environnement et de Développement Durable a ensuite confirmé par téléphone que 510 conteneurs (équivalent à 8 500m3) avaient été envoyés en Chine par l’OGUIB sans document CITES et sans autre autorisation.

Compte tenu de cette information, l’organe de gestion CITES de Chine et le Secrétariat de CITES ont vérifié leurs registres de copies de certificats pré- convention CITES reçus de l’organe de gestion CITES de Guinée. Plus de 350 certificats ont été reçus pour un volume de plus de 20 000 m3. L’organe de gestion CITES de Guinée prétend avoir invalidé beaucoup de ces certificats après que la Chine ait refusé de les accepter, et avoir fourni une liste de << certificats valides » à l’organe de gestion CITES de la Chine et au Secrétariat CITES.

Le Secrétariat a demandé en vain une liste des certificats pré-convention invalides afin de pourvoir la communiquer à la Chine et à d’autres parties prenantes.

Comme indiqué dans le document SC77 Doc.33.9, le Secrétariat CITES a communiqué régulièrement avec la Chine concernant l’importation du stock et les volumes excédentaires exportés de Guinée avec ou sans certificats pré- convention CITES. La Chine a indiqué qu’elle devait être autorisée à importer 13 991m3, à en juger par les notifications aux parties indiquant un volume maximum de 14 000 m3.

Dans ce contexte, le Secrétariat de CITES a fait observer qu’à sa demande, la Chine a transféré des photos prises par la Douane chinoise de conteneurs transportant des grumes de Pterocarpus erinaceus de Guinée en Chine. Avec l’accord de la Chine, le Secrétariat a transféré lesdites photos à l’expert de l’ONUDC en commerce illégale du bois.

De ce qui précède, je vous enjoins d’engager ou de faire engager les poursuites judiciaires ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que nous jugeons opportunes dans le cadre de la mise en œuvre de la politique pénale du Gouvernement pour éviter l’impunité en l’espèce.

En outre, de poursuivre pour complicité par instigation ou par action tous les membres de la Commission ayant participé en pleine connaissance de cause aux faits incriminés.

Il vous est instruit également de transmettre les pièces au Procureur Spécial près la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) à raison des montants importants incriminés.

Le Garde des Sceaux attache du prix à l’exécution de la présente instruction et attend un compte rendu sur le déroulement de la procédure conformément à la loi.

PJ: Copie du rapport du Secrétariat CITES (Mme Sophie H. FLENSBORG)

Copie du courrier n° 001318/MEDD/CAB/SG/2023 en date du 17 octobre 2023 de Dr Karim SAMOURA, Secrétaire Général;

Copie de la lettre explicative du Secrétaire Général Dr Karim SAMOURA;

Copie de la décision n°000027/MEDD/CAB/SG/DNFF/DRH portant remplacement

de l’organe de la Convention sur le Commerce international des espèces de faune

et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) de la République de Guinée;

Copie de notification n° 2022/82 aux parties à Genève en date du 05 décembre 2022:

Copie de note de service n°0051/2020 portant mesures de sauvegarde d’exportation des stocks de bois de l’espèce Pterocarpus erinaceus en date du 16 novembre 2020.

Conakry, le 27 décembre 2023.

 

ALPHONSE CHARLES WRIGH