L’Otan en dix questions

L’Otan en dix questions

11 juillet 2023 Non Par LA RÉDACTION

 

HISTOIRE

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est une alliance militaire de pays d’Europe et d’Amérique du Nord chargée d’assurer la sécurité collective. Mais quel est son fonctionnement ? Qui la finance ? Quels sont ses objectifs militaires, politiques, et sont-ils les mêmes qu’au moment de sa création ? Éléments de réponse.

Le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, signe le traité de l'Atlantique Nord, le 4 avril 1949 à Washington.
Le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, signe le traité de l’Atlantique Nord, le 4 avril 1949 à Washington. © Bettmann / Getty Images

Pourquoi l’Otan a vu le jour et sur quels principes ?

Le 4 avril 1949, le traité de l’Atlantique Nord est signé par 12 pays, dont la France, le Canada et les États-Unis pour assurer la sécurité des pays d’Europe de l’Ouest, ravagés par les dégâts causés par la Seconde Guerre mondiale, et pour contrer l’expansionnisme soviétique. En 1950, le choc de la guerre de Corée pousse les signataires à doter ce traité de structures permanentes, civiles et militaires. En 1952, la Turquie et la Grèce les rejoignent, suivies de la RFA en 1955, et en 1982, de l’Espagne. Aujourd’hui, cette alliance militaire et politique regroupe 30 pays. C’est l’article 5 du traité qui en est le fondement. Il garantit une assistance militaire automatique si un des pays membres est agressé par un autre État. C’est pour cette raison qu’on parle d’alliance défensive, de système de sécurité collective aussi.

Qui dirige l’Otan ?

Le secrétaire général de l’Otan est traditionnellement un Européen, nommé pour 4 ans par les gouvernements des pays alliés. Il peut être reconduit. Actuellement et depuis 2014, c’est le Norvégien Jens Stoltenberg. L’Otan comprend deux structures, une civile et une militaire. Dans la première, les décisions se prennent par consensus au sein du Conseil de l’Atlantique Nord qui réunit les représentants de tous les États membres. Des décisions concernant les activités de l’Otan y sont prises, mais également toute question ayant trait à l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties. Sont organisées deux réunions par an des ministres des Affaires étrangères de chaque pays. Un sommet se tient également tous les deux ans.

Parallèlement à la structure politique, il y a le commandement militaire, toujours dirigé par un Américain. Le général américain Christopher Cavoli succèdera à Tod D. Wolters à l’été 2022.

Qu’est-ce que la force de réaction rapide de l’Otan ?

En cas de crise majeure, l’Otan dispose d’une force de réaction rapide (NRF) constituée d’unités des 30 pays membres, opérationnelle depuis 2004 et capable de se déployer rapidement. Elle compte 40 000 militaires mobilisables et prêts au combat. Ce sont les pays de l’Alliance qui affectent, par un système de roulement, les unités terrestres, aériennes, maritimes ou SOF (Special Operations Forces) pour 12 mois.

Cette force est intervenue notamment pour coordonner le départ d’Afghanistan en août 2021. Elle est déployée pour la première fois pour assurer une défense collective en février 2022 suite à l’offensive russe en Ukraine.

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Quels sont les pays qui peuvent entrer dans l’Otan ?

C’est l’article 10 qui établit les modalités de la « politique de la porte ouverte ». Tout pays européen souhaitant adhérer doit être capable de promouvoir les principes du traité de Washington signé en 1949, et de contribuer à la sécurité de la zone euro-atlantique.

En 1999, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque rejoignent l’Otan. En 2004, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie ainsi que la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie font de même. Viendront ensuite l’Albanie et la Croatie en 2009, puis le Monténégro en 2017 et, enfin, la Macédoine du Nord en 2020. La question de l’élargissement de l’Otan est centrale puisqu’elle provoque des crispations de la Russie qui doute de la nature défensive de l’Alliance.

En pleine guerre en Ukraine, la Finlande et la Suède demandent à rejoindre l’Otan en 2022. Si les étapes sont nombreuses avant d’aboutir à l’adhésion finale, le contexte laisse envisager une plus grande rapidité dans ce processus. La Bosnie-Herzégovine, la Géorgie et l’Ukraine attendent également une adhésion.

Quelles ont été les principales opérations de l’Otan ?

À la fin de la Guerre froide, la question de la survie de l’Alliance se pose. Elle va élargir son champ d’action, notamment géographiquement, mais aussi mener des actions justifiées par des crises humanitaires. En 1999, le 24 mars, les forces aériennes de l’Otan frappent la Serbie et réclament le retrait de ses forces du Kosovo. Cette opération militaire, à l’initiative de l’Otan, dure 11 semaines et remet en cause le principe d’intangibilité des frontières. En pratiquant le devoir d’ingérence pour raisons humanitaires, l’organisation remet en cause le principe d’alliance défensive et s’affirme comme force d’intervention.

Après septembre 2001, l’Otan s’engage contre le terrorisme et en Afghanistan, bien loin de la zone de l’Atlantique Nord. Elle prend la direction de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), sous mandat de l’ONU. Il s’agit alors de faire vivre l’Otan et de démontrer son utilité. En mars 2011, l’Otan intervient en Libye « pour protéger le peuple libyen » des « actes brutaux » de Mouammar Kadhafi.

Certains considèrent que l’Otan est le bras armé de l’ONU. Les deux organisations, qui coopèrent en effet au maintien de la paix et de la sécurité internationales, ont été amenées à intensifier leurs liens. Notamment en 1995, les Nations unies demandent à l’Otan, sur la base de la résolution 1031 du Conseil de sécurité, de mettre en œuvre les aspects militaires de l’accord de paix en Bosnie-Herzégovine (Accords de Dayton).

Quelle est la politique nucléaire de l’Otan ?

Depuis 1954, dans le cadre de l’Otan, des forces nucléaires sont positionnées dans plusieurs pays européens sous la responsabilité des Américains. L’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et la Turquie, sans le reconnaître officiellement, possèdent sur leur territoire ce type d’armement (nombre estimé à 140 en 2019). La dissuasion nucléaire de l’Alliance est également assurée par les arsenaux stratégiques des États-Unis, avec les forces nucléaires autonomes du Royaume-Uni et de la France.

Qu’est-ce que le commandement intégré de l’Otan et pourquoi la France l’a-t-elle quitté en 1966 ?

En 1959, quand le général de Gaulle arrive au pouvoir, il tient à affirmer l’indépendance de la France par rapport aux États-Unis. Il propose une réforme de l’Otan avec un triumvirat qui en prendrait le commandement (États-Unis, Royaume-Uni, France). Les Américains refusent. La France va donc prendre ses distances. Elle fait son premier essai nucléaire en 1960 et a, de ce fait, moins besoin de la puissance américaine pour la défendre. Le 7 mars 1966, le général de Gaulle écrit au président Johnson pour l’informer de la décision de la France de recouvrer l’entier exercice de sa souveraineté sur le sol national et de son intention de retirer ses forces des commandements intégrés de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Les Français ne sortent pas de l’Otan, mais du commandant intégré. Le siège de l’organisation quitte le 16e arrondissement de Paris (bâtiments de l’actuelle université Paris-Dauphine) pour Bruxelles. Les bases militaires installées en France (70 000 militaires) déménagent. La France quitte une position de soumission militaire pour devenir l’alliée des États-Unis (« amis, alliés, pas alignés », selon la formule d’Hubert Védrine). En 2009, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, décide de réintégrer le commandement intégré de l’Otan, une décision plus politique que militaire et qui implique essentiellement que la France sera consultée en amont des décisions, mais également une participation financière plus importante. Aujourd’hui encore, la question du partenariat transatlantique suscite des prises de position bien différentes au sein de la classe politique française, certains plaidant pour se retirer du commandement intégré, d’autres un désengagement total de l’Otan.

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Qu’appelle-t-on le « fardeau financier » ? À quel point les États-Unis dominent-ils l’Otan ?

La question du financement de la sécurité collective illustre bien le poids des Américains dans l’Otan. À partir de 2006, concernant les dépenses de défense, chaque État doit consacrer au moins 2% de son PIB. En 2018, seuls trois États de l’UE, la Grèce (2,39%), l’Estonie (2,06%) et la France (2,29%), respectent la règle. Les États-Unis y consacrent quant à eux 3,16% de leur PIB, soit 648,8 milliards de dollars. En 2018, Donald Trump, devenu président, reproche aux Européens de ne pas mettre assez la main au porte-monnaie. Il met en doute l’article 5 de l’Otan. Les États-Unis prennent des distances avec l’Otan pour des raisons financières. Les Européens réfléchissent à plus d’autonomie pour contrer la dépendance vis-à-vis de Washington. L’arrivée de Joe Biden au pouvoir en 2021 rassure. Il réaffirme que l’article 5 du traité de l’Otan est un « devoir sacré » pour les États-Unis.

La question de la domination des États-Unis sur les autres pays de l’Otan se pose dès la signature du traité de l’Atlantique Nord. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, vainqueurs et vaincus ont besoin des Américains pour éloigner tout risque de nouveau conflit mondial. À la fin de la Guerre froide, les pays membres de l’Otan décident de préserver l’Alliance, appuyés en cela par les États-Unis qui souhaitent rester une puissance européenne. Les anciens pays du Pacte de Varsovie (alliance militaire groupant les pays d’Europe de l’Est avec l’URSS) vivent toujours dans la crainte de Moscou. Entre 1999 et 2009, douze pays, anciens alliés de l’Union soviétique, entrent dans l’Otan. Petit à petit, les Américains vont utiliser l’Otan pour accroître leur influence dans le monde. Dans son livre Le Grand Échiquier paru en 1997, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller diplomatique du président américain Jimmy Carter, souligne l’utilisation qui est faite de l’Otan par les Américains et leurs arrière-pensées : « Les États-Unis s’emploient à détacher de l’empire russe ce qu’on dénomme aujourd’hui à Moscou « l’étranger proche« , c’est-à-dire les États qui autour de la Fédération de Russie constituaient l’Union soviétique. »

Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas créé sa propre organisation commune de défense ?

La défense du territoire de l’Europe est assurée par l’Alliance atlantique, mais également par les forces de dissuasion nucléaire du Royaume-Uni et de la France. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, a rappelé, dans un rapport de 2012, ce principe d’identité entre défense de l’Europe et l’Otan.

S’il est régulièrement question d’une défense européenne, aucun État n’a manifesté sa volonté de mettre en place une coopération structurée permanente, pourtant prévue par le traité de Lisbonne en 2007. La France, de son côté, milite pour une Europe de la défense, souveraine et complémentaire de l’Otan.

Fin mars 2022, en pleine guerre en Ukraine, l’Union européenne se dote toutefois d’un Livre blanc de la défense européenne, appelée Boussole stratégique, une nouvelle étape pour faire face à la compétition entre puissances, à la persistance de crises dans son voisinage et pour agir partout où son action serait sollicitée (mers et océans, espace aérien, cyberespace…)

En quoi la guerre en Ukraine est-elle un tournant pour l’Otan ?

L’offensive russe en Ukraine démarre le 24 février 2022, alors que la question de l’avenir de l’Otan est de plus en plus évoquée. À la fin de la Guerre froide, déjà, avec la disparition de la menace russe, cette question avait fait débat. Emmanuel Macron remet les pieds dans le plat en 2019, dans une interview à l’hebdomadaire The Economist. Il déplore l’opération militaire en Syrie de la Turquie, membre de l’Otan, et son comportement vis-à-vis des Kurdes et regrette le manque de coordination entre les États-Unis et l’Europe. Il parle de « mort cérébrale » de l’Alliance.

Pourtant, les visées impérialistes de Vladimir Poutine avec la guerre de Géorgie en 2008, l’annexion de la Crimée et le conflit dans le Donbass en 2014, laissent entrevoir que l’Europe n’en a pas fini avec la menace russe. L’invasion de l’Ukraine provoque un rapide consensus, l’Otan renforce ses troupes. L’Ukraine réclame son adhésion. La Finlande et la Suède, qui partagent une grande proximité géographique avec la Russie, également. Ces deux États, membres de l’Union européenne, renoncent à leurs neutralités historiques respectives. Une neutralité devenue synonyme de vulnérabilité.

Rfi