Dans beaucoup de clubs, une telle situation aurait eu raison du coach en place. Huitième de Premier League, éliminé de toutes les compétitions nationales, Liverpool connaît une saison galère avant d’accueillir le Real Madrid, mardi 21 février, en 8e de finale aller de la Ligue des champions à Anfield. Mais chez les Reds, l’entraîneur Jürgen Klopp, dont le contrat court jusqu’en 2026, reste intouchable. Une anomalie qui tient essentiellement à la dimension prise par l’Allemand dans le Nord de l’Angleterre.
Au moment où Jürgen Klopp débarque sur les bords de la Mersey, en octobre 2015, Liverpool n’est plus un gros morceau du championnat anglais. Les Reds n’ont remporté qu’une Coupe de la Ligue en neuf saisons, trop peu pour un club vainqueur de six Premier League et deux Ligue des champions dans les seules années 1980. Mais l’ancien tacticien de Mayence et du Borussia Dortmund fait vite de son équipe une machine à gagner. Sous ses ordres, Liverpool atteint quatre finales européennes dont celle de la Ligue des champions 2019 victorieuse contre Tottenham (2-0), mais s’offre surtout le titre de Premier League en 2020, tant attendu par les fans, 30 ans après le dernier du club. Suffisant pour donner à Jürgen Klopp un statut de légende.
Parce que Jurgen Klopp est un mythe à Anfield
« C’est simple, il est Liverpool. Si on ne parle pas de départ de Klopp à l’heure actuelle, c’est parce qu’il a littéralement rebâti le club en sept ans, explique Paul Joyce, journaliste qui suit Liverpool pour le quotidien anglais The Times. Tout cela lui a donné un crédit immense ». Alors qu’il connaît sa première période trouble à Liverpool, l’Allemand est donc toujours vu comme l’homme providentiel. « Il a gagné le droit de faire des erreurs car il a de nouveau rendu fier les fans de supporter Liverpool ».
En témoigne notamment leur soutien affiché en tribunes après la défaite des Reds à Brighton (0-3), en janvier dernier, pourtant qualifiée de « pire défaite de [la] carrière » de Jürgen Klopp, selon ses propres mots. Une unité totale qui se ressent jusque dans le vestiaire des Reds. « Les joueurs sont à 100% derrière leur coach car ils lui doivent tout à l’image de Jordan Henderson, qu’il a fait devenir l’un des plus glorieux capitaines de l’histoire de Liverpool », poursuit Paul Joyce, le journaliste du Times. Il y a encore neuf mois, le coach de 55 ans était d’ailleurs à deux matchs de mener ses troupes vers un quadruplé jamais vu (Coupe de la Ligue, Coupe d’Angleterre, Ligue des champions, Premier League), avant de laisser la couronne d’Angleterre à Manchester City lors de la dernière journée du championnat et de s’incliner en finale de C1 contre le Real Madrid (1-0).
Parce que l’équipe vit une fin de cycle
Cette fin de saison dernière explique que tout le monde à Liverpool se montre compréhensif sur son cas, au vu des nombreuses circonstances atténuantes permettant d’expliquer les difficultés du club cette année. « Après la folle fin de saison dernière, pas mal de joueurs ont évoqué une sorte de gueule de bois collective », se remémore Paul Joyce. A cela, s’ajoute une fin de cycle évidente dans l’effectif des Reds après plusieurs années au sommet. Mohamed Salah et Virgil Van Dijk, habituels hommes forts du club, ont passé la trentaine et le départ de Sadio Mané, deuxième du dernier Ballon d’or, l’été dernier, n’a pas été compensé.
Ses remplaçants sur le front offensif ont soit été blessés ou n’ont pas donné satisfaction. Le Portugais Diogo Jota a déjà manqué 23 rencontres à cause de deux blessures à l’ischio-jambier et au mollet, le genou du Colombien Luis Diaz le tient écarté des terrains depuis octobre tandis que l’Uruguayen Darwin Nunez, recruté à prix d’or, a été suspendu au début de saison pour un coup de boule sur un adversaire. « Klopp n’a pas vraiment eu l’occasion de faire tourner son effectif alors qu’on est dans une saison spéciale avec la Coupe du monde », rappelle le journaliste anglais. Tous ces facteurs mis bout à bout jouent en faveur du maintien de Jürgen Klopp.
Parce que Liverpool est en « auto-suffisance » sur le plan économique
Mais si le natif de Stuttgart est toujours en poste, il le doit également au modèle économique « autosuffisant » de Liverpool et de ses propriétaires du Fenway Sports Group, représentés par l’Américain John W. Henry, selon Paul Joyce. « Tout l’argent que le club génère est réinvesti dans l’équipe, pas dans la poche de l’investisseur. Cela explique aussi pourquoi, les propriétaires de Liverpool sont plus calmes malgré les mauvais résultats, plus réalistes qu’ailleurs ». La situation de Chelsea, toujours dixième malgré le licenciement précoce de Thomas Tuchel par le nouvel actionnaire américain Todd Boehly, en septembre, semble d’ailleurs donner raison aux Reds.
« Et puis, de toute façon qui de mieux pour remplacer Klopp ? Il reste la meilleure personne pour permettre au club de repartir de l’avant. »
Paul Joyce, journaliste spécialiste de Liverpool pour le Timesà franceinfo: sport
Dans un championnat aussi concurrentiel que la Premier League, où le Big 6 est même susceptible de s’élargir avec l’émergence de Newcastle, les quatre places qualificatives pour la Ligue des champions sont de plus en plus difficile à atteindre. « Les dirigeants de Liverpool savent qu’ils ne pourront plus se qualifier pour la C1 chaque saison. Sachant cela, mieux vaut maintenir leur confiance à Jürgen Klopp qu’on juge toujours être l’homme de la situation », analyse Paul Joyce. Malgré leur huitième place en championnat, les Reds ne sont qu’à six points du top 4, avec un match en retard. Une bonne performance face au Real Madrid pourrait d’ailleurs changer le cours de la saison du club et l’avenir de Jürgen Klopp.