L’Etat Mamaya ! (Tierno Monénembo)
16 juillet 2022Il nous avait déjà fait cadeau du serment sur le Coran (dans une République laïque !!!!) lors des examens scolaires. Il nous avait déjà institué les conseils des ministres itinérants. Bien que des conseils des ministres itinérants ne soient pas a priori une mauvaise idée. C’est l’improvisation, c’est le côté esbroufe de la chose qui me paraît condamnable. Des conseils de ministres ruraux (4 par an, une par région naturelle et non plus dans les chefs-lieux de région mais dans les sous-préfectures) seraient les bienvenus à condition qu’ils soient minutieusement préparés et à condition qu’ils produisent un impact décisif sur le développement local : route, pont, école professionnelle, décortiqueuse de grains, maternité, groupe électrogène, ambulance, etc. Ça, ça aurait un sens. Dans l’Etat actuel des choses, le déplacement de nos excellences à Kankan, Labé, Kindia ou N’Zérékoré n’est rien d’autre que du tapage, un tapage qui coûte les yeux de la tête, malheureusement ! Comptons donc, si vous le voulez bien : l’essence, les nuits d’hôtel, les cuisses de poulet, les gigots de mouton, le champagne, le vin de palme, la télé, la radio, les filles de protocole… cela fait combien de milliers d’euros par jour ? Pour quel résultat ? Du bruit, du vent, des documents qui ne seront jamais lus, des projets qui ne seront jamais réalisés !
Alors que l’humanité hilare a les yeux tournés vers les vestes fluo de nos ministres en ascension sur l’Himalaya de nos immondices, je jette un rapide coup d’œil sur les pratiques folkloriques de notre Etat bidon. Je me souviens de Sékou Touré et de ses week-ends d’ « investissement humain », je me souviens de Moussa Camara et de ses « Dadis Show », je me souviens de Kassory Fofana et de ses « opérations d’assainissement »…
Vous savez pourquoi, mes chers compatriotes, notre pays a le niveau de vie le plus élevé du monde ? Parce que nous avons les dirigeants les plus sérieux du monde. Chez eux, tout est facétie et représentation au son des coras et des balafons, mais aussi hélas, au rythme de la gégène et des coups de fouets.
Sans blague, mon lieutenant-colonel, ce ne sont pas les rues qu’il faut balayer, c’est l’ensemble de votre système. Sinon, je vous assure que dans 10 ans, 15 ans, 20 ans, au bureau comme au trottoir, ce sera exactement les mêmes ordures.
Tierno Monénembo