L’association des victimes du camp Boiro interpelle la France

L’association des victimes du camp Boiro interpelle la France

24 juillet 2023 Non Par Doura

La polémique serait venue de l’ambassadeur de France en Guinée lors de la fête de 14 juillet à Conakry. L’Association des Victimes de Camp Boiro  a réagi à travers une déclaration parvenue à notre Rédaction

JAMAIS ÇA ASSOCIATION DES VICTIMES DES CAMPS BOIRO

N° Ref: 19/07/AVCB/2023

Conakry, le 19 Juillet 2023

A son Excellence, Monsieur l’Ambassadeur de France en Guinée

Excellence Monsieur l’Ambassadeur,

Le 05 septembre 2021, un jeune officier des forces spéciales guinéennes renversait le régime décrié du Président Alpha Condé qui s’était maintenu au pouvoir pour un troisième mandat après une élection présidentielle contestée par l’opposition.

Dans l’euphorie générale, cet officier, comme un homme providentiel et un sauveur attendu par toute la nation, promit que la Justice serait sa boussole, dans ce pays traumatisé par les exactions de toutes natures commises par Sékou Touré et son régime pendant 26 années. Mais au fil de l’exercice du Pouvoir, nous voyons grandir l’influence néfaste des idéologues de l’ex. Parti-Etat de Guinée faire évoluer les résolutions initiales du nouveau régime, et on peut valablement se poser la question des raisons de ce changement de cap aussi hätif qu’inattendu, tel que le baptême de l’aéroport, l’attribution des cases de Bellevue… pendant que toute l’humanité suit le procès du 28 septembre, preuve de la violence d’État que ce pays a toujours connu avec les extrêmes de la première république sous Sékou Touré.

L’Association des Victimes des Camp Boiro », toujours fidèle à son inesseble combat pour la réhabilitation des victimes innocentes de la tyrannie de Sékou Touré et la restitution de leurs charniers ne comprend pas cette politique suicidaire du régime actuel. Elle souhaite rappeler que seule une conférence nationale « Vérité, Justice et réconciliation » peut faire sortir le pays de l’abime. Des consultations nationales ont d’ailleurs été tenues sous le régime du professeur Alpha Condé, aussi bien que pendant la Transition du Colonel Doumbouya, mais la volonté politique de réconciliation étant inexistante, les conclusions sont restées lettres mortes.

Déjà en 1984, l’Association des Victimes des « Camp Boiro » prônait la même solution (Plus Jamais ço), mais plutôt que de l’écouter, certains caciques de l’ancien régime de la première république (comme aujourd’hui), tapis dans l’ombre, avaient ceuvré pour faire dérailler notre effort, pensant ainsi qu’en taisant leurs responsabilités dans les crimes commis sous la première république, tout serait oublié et l’on pourrait faire comme avant. Malheureusement, il y eut le Nième complot en 1985 durant lequel une ethnie entière fut stigmatisée et ses ressortissants tués injustement, comme cela était devenu une habitude sous la première république. Ces faits ont montré, après coup, la justesse de nos analyses: mieux vaut parler et gérer les problèmes que fuir le débat.

Dans ce contexte, nous avons beaucoup de mal à comprendre que la France, Patrie des Droits de l’Homme et du Citoyen, se laisse entraîner par les nostalgiques du P.D.G.

Non, Excellence Monsieur l’Ambassadeur, l’Histoire ne donne pas raison au criminel Sékou Touré, qui a choisi d’isoler notre pays, de faire torturer et exécuter des milliers de guinéens, des étrangers dont d’innombrables français, d’enfermer le Peuple de Guinée pendant 26 années dans une prison à ciel ouvert d’où on ne pouvait sortir qu’avec l’autorisation exclusive de son président ou de certains membres proches de sa famille biologique.

Que la France se félicite aujourd’hui de l’effectivité du rapprochement franco-guinéen dans le contexte de cette Transition est légitime et reste heureux pour l’Association des Victimes des << Camp Boiro ». Mais Non Excellence Monsieur l’Ambassadeur, si c’est une victoire posthume et un mérite, c’est à l’honneur de ceux que Sékou TOURÉ a tués sous l’accusation d’être des pro-français pendant que lui-même en était tout autant, mais s’en cachait par un faux-discours indépendantiste ANTI-FRANÇAIS traitant notamment les présidents Senghor et Houphouët-Boigny de laquais de la France. Est-ce cet homme qui aurait eu raison dans sa vision des rapports entre la Guinée et les pays tiers? Les situations politique, sociale, économique actuelle de la Guinée démontrent clairement, s’il en est besoin, l’échec patent de la politique de Sékou Touré lorsqu’on la compare à celle de tous nos voisins immédiats, notamment ivoiriens et sénégalais.

Excellence Monsieur l’Ambassadeur, vous constatez à juste titre en votre troisième conviction << qu’une part de l’avenir de ce pays dépendra de sa capacité à trouver le juste point d’équilibre entre unité et diversité, à faire tenir ensemble, harmonieusement, les communautés qui composent cette Nation, où toutes et chacune ont assurément beaucoup à apporter, où le tout est plus grand que les parties ». Sékou Touré est justement celui qui est à l’origine de la destruction de cet équilibre dont vous pensez que la restauration permettrait à la Guinée de vivre harmonieusement. Il a créé et maintenu un climat de terreur qui a conduit à l’exode du tiers de la population. Sa politique a occasionné des pénuries de toutes sortes pendant 26 ans et a causé la destruction totale du système éducatif guinéen. Il a en outre instauré un environnement criminel et ethnocentrique qu’il a inoculé dans ce qu’il a légué en guise d’État, pulsque quasiment tous les régimes qui se sont succédé ont tué, torturé le pauvre peuple de Guinée, et utilisé l’ethnocentrisme comme moyen de conquérir et conserver le Pouvoir.

Comment donc comprendre que l’Ambassadeur de France envisage que, malgré tous les crimes documentés et connus de tous sauf des jeunes générations nées après le 3 avril 1984, Sékou Touré puisse être perçu de manière si blaisée, dans un discours prononcé de surcroit le 14 juillet 2023 au sein de l’ambassade; ce jour étant l’anniversaire de la prise de la prison de la Bastille par le peuple français, revendiquant ses droits contre les privilèges et les abus de la royauté de l’époque. Excellence Monsieur l’Ambassadeur, vos propos ont heurté des pans entiers de la société guinéenne.

Nous aurions souhaité voir la France aux côtés des opprimés réclamer de manière non équivoque que l’avenir de la Guinée soit décidé dans le cadre d’une politique d’inclusion et d’ouverture qui permette de solder le lourd passé criminel de Sékou Touré afin d’ancrer le pays dans un processus de développement qui a réussi à d’autres dans la sous-région. Excellence Monsieur l’Ambassadeur, ici comme partout ailleurs en Afrique francophone, vos véritables partenaires à long terme sont les représentants de cette société civile francophile dont l’Association des Victimes des « Camp Boiro » est un éminent représentant.

Le révisionnisme ambiant au sein du CNRD et les rappels incessants à l’image de ce personnage qui a ensanglanté la Guinée de 1954 à 1984, constituent une fuite en avant qui rappelle le régime de Sékou Touré. Malheureusement, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Nous en appelons donc à la France pour qu’elle nous éclaire sur sa position vis-à-vis des crimes commis par Sékou Touré afin que les jeunes générations n’interprètent pas votre discours comme un soutien à Sékou Touré et à sa politique.

 

Le Bureau de l’AVCB