Journée du 8 mars : l’égalité des sexes stimulera la relance économique de l’Afrique

Journée du 8 mars : l’égalité des sexes stimulera la relance économique de l’Afrique

8 mars 2023 Non Par LA RÉDACTION

 

Véritables laissées-pour-compte, les femmes sont aussi les premières victimes des crises multiformes qui frappent la planète. Pourtant, l’égalité des sexes pourrait redresser et propulser les économies africaines dans un marché mondial en constante expansion.

Awa Ndiaye Seck

Par Awa Ndiaye Seck

Représentante spéciale d’ONU Femmes auprès de la Commission de l’Union africaine et de la Commission économique pour l’Afrique.

Une jeune femme travaille dans le centre de recherches sur le manioc, dans le cadre du programme Wave, à Bingerville, Côte d’Ivoire, le 27 juin 2018. © SIA KAMBOU/AFP

Le travail des femmes passe encore inaperçu. Leurs mains invisibles fournissent 75 % du travail de soins non rémunéré dans le monde, contribuant ainsi de manière significative à l’économie mondiale. parce qu’il consiste à s’occuper des enfants, des personnes âgées et des malades, le travail des femmes est crucial pour le fonctionnement des sociétés. Pourtant, non seulement ce travail n’est pas comptabilisé statistiquement, mais il a aussi un coût d’opportunité. En effet, le travail de soins non rémunéré éloigne encore plus les femmes de la création de richesse et de la participation active au marché du travail.

Le rapport 2022 d’ONU Femmes sur les Leviers du changement révèle que les femmes et les filles ont souffert de manière disproportionnée des impacts socio-économiques du Covid-19 – perte d’emploi, réduction des heures de travail, augmentation des soins non rémunérés et du travail domestique, impact sur la santé physique et mentale. L’idée suivant laquelle les femmes ont le contrôle de leur propre vie et parviennent à concilier vie familiale et vie professionnelle continue de freiner l’égalité entre les sexes, des inégalités de genre importants étant observés dans les domaines des finances personnelles et de l’autonomisation économique.

Avant la pandémie, les femmes étaient déjà confrontées à d’importants obstacles à la participation économique, notamment dans les domaines des services financiers, de l’accès au numérique et des droits socio-économiques fondamentaux. Aujourd’hui, nous constatons que des avancées antérieures vers l’autonomisation et l’égalité des sexes ont déjà été gommées.

Doper le PIB mondial

En Afrique, le coût d’opportunité de la mise à l’écart des femmes sur le plan économique est d’environ 60 milliards de dollars (56 milliards d’euros) par an, selon la Secrétaire générale adjointe et conseillère spéciale des Nations unies pour l’Afrique, Cristina Duarte. À en croire le McKinsey Global Institute, combler l’écart entre les sexes dans la population active pourrait ajouter 28 000 milliards de dollars au PIB mondial.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique que l’égalité hommes-femmes dans le domaine de l’agriculture, par exemple, peut permettre d’augmenter les rendements de 20 à 30 %, d’accroître la production agricole de 2,5 à 4 % et de réduire le nombre de personnes souffrant de la faim de 12 à 17 % d’ici à 2025. Donner aux femmes les moyens de participer plus efficacement à l’agriculture se traduirait également par une amélioration du bien-être de leurs enfants, ce qui permettrait de constituer un capital humain pour les générations futures. Le développement du capital humain doit être considéré comme une cause majeure, tant par les États que par le secteur privé. Il joue un rôle essentiel dans la stimulation d’une croissance économique soutenue, l’augmentation de la productivité et les avantages sociaux pour les familles, les communautés et les nations dans leur ensemble.

Il est prouvé que plus les filles restent à l’école, plus le taux de mariage des enfants diminue et plus le planning familial et la santé maternelle s’améliorent. L’égalité d’accès à l’éducation permet aux femmes et aux filles d’obtenir des emplois professionnels et techniques et d’occuper des postes de direction.  Il est démontré que l’augmentation des possibilités d’emploi et de leadership pour les femmes professionnelles accroît en retour l’efficacité, la productivité et la croissance des organisations. Investir dans des services financiers inclusifs permet aux femmes d’avoir un meilleur accès aux comptes bancaires, ce qui améliore leur potentiel de gain de revenus et leur capacité à réaliser des investissements plus intelligents, ce qui est en corrélation directe avec l’augmentation du PIB.

Accéder aux marchés publics

De même, l’investissement dans les services numériques pour les femmes et les filles, notamment les infrastructures numériques, les plateformes numériques, la formation aux compétences numériques et l’entrepreneuriat numérique, fera tomber les obstacles qui les empêchent de profiter pleinement des avantages du développement numérique. L’internet et les téléphones portables ouvrent des possibilités d’inclusion financière et augmentent l’accès aux opportunités d’emploi. Lorsque les femmes ont accès aux technologies numériques, elles ont plus de chances d’occuper des emplois professionnels et techniques. Elles consacrent alors moins de temps aux soins non rémunérés.

La reconnaissance des droits socio-économiques reste cruciale pour améliorer l’autonomisation économique des femmes, et alors que l’Agenda 2063 de l’Union africaine demande qu’au moins 25 % des marchés publics soient attribués à des entreprises appartenant à des femmes, aujourd’hui, les entreprises appartenant à des femmes se voient attribuer moins de 1 % des marchés. Donc, encourager les achats directs auprès des entreprises appartenant à des femmes, adopter des politiques qui s’attaquent spécifiquement aux principaux obstacles – améliorer l’accès des femmes au numérique, augmenter l’emploi des femmes, offrir des pratiques de travail flexibles, soutenir les soins aux enfants et aux familles, établir des services de santé maternelle et néonatale et assurer leur mise en œuvre – participeront à la réponse à la crise et laissera un impact durable.

Ces recommandations se fondent sur le fait que l’égalité des sexes vise à redresser et à propulser les économies africaines dans un marché mondial du XXIe siècle en constante expansion et que, inversement, les gains économiques importants, tels que la hausse du PIB, la productivité élevée et le leadership accru des entreprises, renforcent la nécessité absolue de l’égalité des sexes. Il est impératif que nos dirigeants reconnaissent l’interdépendance de ces questions pour s’attaquer à l’inflation, à la hausse de la dette et aux répercussions économiques des multiples crises qui ont touché le continent ces dernières années.

En Afrique, le changement de récit pour faire face à la dévastation économique laissée en partie par  des crises multiples et qui se chevauchent exige que les nations et le secteur privé s’adaptent à la réalité de la vie des femmes et exploitent tout leur potentiel pour devenir de puissants agents du changement qui peuvent façonner la réponse à la crise. L’avenir du travail requiert de l’agilité et l’inclusion. La levée des barrières au niveau sociétal offrira de nouvelles possibilités d’autonomisation économique aux femmes, une autonomisation synonyme de flexibilité, de choix, d’autonomie et, en définitive, de bien-être.