Jeuneafrique corrige sur Cellou et la constitution de 2010

Jeuneafrique corrige sur Cellou et la constitution de 2010

22 septembre 2021 Non Par LA RÉDACTION

À quoi ressemblera la transition ? Combien de temps durera-t-elle et d’anciens proches d’Alpha Condé y seront-ils associés ? Les négociations se poursuivent entre le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, son entourage et la classe politique.

Dans l’imposant bâtiment du Palais du peuple du Conakry, aux abords duquel un char d’assaut monte la garde, c’est un étonnant et incessant ballet qui se répète quotidiennement. Depuis que les concertations nationales ont débuté, le 14 septembre dernier, des dizaines de personnes font la queue devant l’entrée du bâtiment, attendant patiemment le badge qui leur permettra d’approcher les membres du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD).

Au pouvoir depuis le coup d’État du 5 septembre dernier, les militaires ont annoncé une transition « inclusive » et entendent respecter leur promesse. Tous ont été reçus : les banquiers, les miniers, les syndicats, la presse, les organisations de la société civile, jusqu’aux propriétaires de bars et d’hôtels… Ils ont été invités à participer à ces concertations, qui doivent se terminer le 23 septembre.

atmosphère survoltée, les responsables des partis politiques, suivis des organisations de la société civile et des diplomates. Plus loin dans le centre-ville, dans une bâtisse bien gardée par des hommes des Forces spéciales armés jusqu’aux dents, ce sont d’autres types de palabres qui se tiennent. L’ambiance est plus calme, les discussions se tiennent à voix basse et les portables sont strictement interdits. C’est là que de nombreux responsables politiques esquissent, avec les militaires, les contours de la nouvelle Guinée.

Composition de l’équipe
Deux endroits, deux ambiances, mais une même question : à quoi ressemblera la transition ? Combien de temps durera-t-elle ? Et, surtout, qui la dirigera ? Pour l’instant, les seuls à s’être exprimés sur la question ne sont pas Guinéens : ce sont les chefs d’État de la Cedeao, qui ont dit le 16 septembre dernier la durée qu’ils jugeaient acceptable : six mois.

Le chef du CNRD, Mamady Doumbouya, n’a pas publiquement commenté cette déclaration, mais il a prévenu qu’il refuserait de « céder à [la] pression ». « Le seul calendrier qui vaille est celui du peuple guinéen qui a tant souffert », avait-il prévenu quelques jours plus tôt.

DANS L’ENTOURAGE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT, TOUJOURS DÉTENU PAR LA JUNTE, LA SUSPICION EST DE MISE ET LES RUMEURS DE COMPLOT VONT BON TRAIN
Quinze jours après avoir délogé Alpha Condé de son siège présidentiel, le lieutenant-colonel n’a toujours pas dévoilé la liste de la composition de son comité, encore moins fait le choix d’un gouvernement. Pour l’instant, il dirige le pays avec les secrétaires généraux des ministères, leurs patrons ayant été tous remerciés.

Mamady Doumbouya a également pris soin de remplacer les gouverneurs de régions, les préfets et sous-préfets – qui avaient été choisis par le président – par des militaires. Quant à la formation d’un gouvernement de transition, les spéculations vont bon train. « Ils sont nombreux à se presser au portillon pour négocier un poste dans le gouvernement », assure une source qui dit suivre les discussions « avec inquiétude ». Le CNRD sera-t-il capable de s’entourer des bonnes personnes ?

Doumbouya semble en tout cas avoir fait sienne une maxime bien connue : « garde tes amis proches de toi, et tes ennemis plus proches encore ». L’arrestation, brève mais pour le moins indélicate, de l’ancien ministre Tibou Kamara à son domicile, a révélé les contacts fréquents entretenus entre certains ex-membres du gouvernement et le CNRD. Après avoir servi Alpha Condé, certains d’entre eux pourraient-ils se retrouver dans l’équipe du futur Premier ministre de la transition ?

Frustrations et suspicions
Pour l’instant, à Conakry, les anciens tenants du pouvoir font profil bas. La plupart se terrent chez eux, préférant éviter d’être vus sur la presqu’île de Kaloum ou de passer devant les positions des Forces spéciales.

Qui est avec qui ? Qui parle avec qui ? Dans l’entourage de l’ancien président, toujours détenu par la junte, la suspicion est de mise et les rumeurs de complot vont bon train. Plusieurs disent même qu’ils n’ont pas été véritablement surpris par le coup d’État. Un ancien ministre refuse toutefois de parler de trahison : « Si le putsch avait été préparé avec la complicité de proches du président, le CNRD serait composé depuis longtemps. »

À présent qu’Alpha Condé est hors jeu, les langues se délient néanmoins. « Après sa réélection, fin 2020, le chef de l’État s’est pris pour un demi-dieu, décrit un conseiller de l’ancienne équipe gouvernementale. Il a récupéré les attributions du Premier ministre, coupé les budgets des départements ministériels et renforcé en parallèle le budget de la présidence. Depuis le mois de janvier, le pays est bloqué. »

« On ne pouvait pas travailler, c’était très compliqué », abonde une autre source, qui décrit un président « acariâtre » qui n’écoutait rien ni personne. « Même pour déplacer un stylo, on avait besoin de l’autorisation du chef », ironise notre interlocuteur. L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana a plusieurs fois voulu démissionner. D’autres y ont pensé. Pourraient-ils aujourd’hui tenter de se rapprocher de la junte ?

Charte de la transition
« Le FNDC [Front national pour la défense de la Constitution] risque fort de mettre la pression au CNRD pour éviter que des personnes qui se sont impliquées de manière très visible pour Alpha Condé lors de la campagne pour le troisième mandat ne soient impliquées dans la transition, prévient un chercheur connaissant bien l’armée guinéenne. Doumbouya risque de faire l’erreur de se mêler de politique, et cela sort de la mission qu’il s’est fixé. » Notre source s’inquiète également de la possibilité qu’une personnalité manquant d’épaisseur politique accède au poste de chef de gouvernement.

Pendant ce temps, les leaders de ce qui était il y a quelques jours encore l’opposition discutent et s’organisent. Selon nos informations, Cellou Dalein Diallo pour l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et Sidya Touré pour l’Union des forces républicaines (UFR) se seraient accordés sur une position commune, du moins pour la durée de la transition.

C’EST PERTINENT DE GARDER LA CONSTITUTION DE 2010, LES GUINÉENS SE SONT BATTUS POUR LA DÉFENDRE
« Il faut établir des organes de transition, déterminer notre juge électoral, assainir le fichier, nous confiait Cellou Dalein Diallo au lendemain des concertations politiques. Il ne s’agit pas de fixer une date arbitraire. » Il reste néanmoins favorable à un retour à la Constitution de 2010 : « C’est pertinent de la garder. Les Guinéens se sont battus pour la défendre, certains y ont même laissé leur vie. »

Une commission mixte, composée de militaires et de juristes, s’attelle en parallèle à rédiger une charte de la transition. Elle devrait être divulguée dès la fin des concertations nationales.