Un Guinéen de 22 ans, enfermé depuis des mois dans un centre de séjour pour étrangers (CPR) près de Rome, a été retrouvé pendu dimanche par ses compagnons d’infortune. Sur le mur de sa cellule, le jeune garçon avait écrit ces quelques mots en français : « Je n’en peux plus, je veux rentrer chez moi ». Ce drame a provoqué une nouvelle polémique en Italie sur les centres de rétention.
C’est une nouvelle histoire dramatique qui relance la polémique en Italie sur les conditions de vie des migrants dans les centres de rétention. Ousmane Sylla, un Guinéen de 22 ans, s’est pendu dimanche 4 février dans le centre de séjour pour étrangers (CPR) de Ponte Galeria près de Rome. Les exilés sont enfermés dans ces structures en attendant leur expulsion du territoire italien.
Les compagnons d’infortune d’Ousmane Sylla l’ont retrouvé vers 5h du matin. Selon la presse italienne, ils ont tenté de le secourir et d’appeler à l’aide, en vain. L’homme était déjà mort à l’arrivée de l’ambulance. Sur le mur, Ousmane Sylla avait écrit ces mots – sûrement avec un mégot de cigarette – en français : « Je n’en peux plus, je veux rentrer chez moi. L’Afrique me manque, et ma mère aussi. Si je meurs, j’aimerais qu’on renvoie mon corps en Afrique. Paix à mon âme, que je repose en paix ».
Le jeune Guinéen avait reçu un ordre d’expulsion le 13 octobre après avoir été débouté de sa demande d’asile. D’abord retenu à Trapani, en Sicile, il venait d’être transféré près de la capitale.
Quelques jours avant son suicide, Ousmane Sylla avait pleuré et fait part de son mal-être aux infirmières du centre. Il parlait régulièrement de ses jeunes frères en Guinée et de son impossibilité de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays.
Le parquet a ouvert une enquête pour « incitation au suicide » et ordonné une autopsie.
L' »enfer » du centre de Ponte Galeria
La mort tragique de ce jeune migrant a provoqué la colère des autres personnes retenues dans la structure. Dans la même journée de dimanche, une soixantaine de migrants ont jeté des pierres sur les policiers, puis ont incendié certains matelas avec des extincteurs. Ils ont également tenté de briser une porte et de mettre le feu à une voiture. Les forces de l’ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogènes.
Deux policiers ont été blessés, l’un d’eux a été hospitalisé. Quatorze personnes ont été arrêtées, ont indiqué les autorités dans un communiqué.
Une centaine de personnes séjournent dans ce CPR, décrit comme « un enfer » où les étrangers sont privés de liberté dans des « conditions inhumaines », selon l’eurodéputé et secrétaire général du parti de centre-gauche +Europa, Riccardo Magi. Ce dernier avait tenu à visiter le centre quelques heures après le drame, en compagnie de Valentina Calderone, en charge de la surveillance des lieux de privation de liberté.
« Il n’est pas nécessaire d’attendre des enquêtes pour dire que des endroits comme Ponte Galeria sont totalement inhumains, il n’est pas nécessaire d’attendre la mort d’un jeune garçon pour dire qu’il faut fermer ces lieux », a-t-elle affirmé.
D’après les témoignages des retenus recueillis par Riccardo Magi, « les conditions [de vie] sont infernales dans ce centre, d’un point de vue sanitaire, hygiénique et alimentaire ». Les actes d’automutilation se multiplient, insiste le député européen.
Allongement de la durée de rétention
Deux autres centres de rétention italiens sont sous le feu des critiques. Dans celui de Palazzo San Gervasion à Potenza, dans le sud de l’Italie, des étrangers ont été forcés d’ingérer des médicaments dans le but de les rendre inoffensifs.
Le CPR de via Corelli, à Milan, a également été pointé du doigt pour son système de santé « gravement déficient ». Des étrangers souffrant de problèmes psychiatriques, atteint de maladie grave, comme des tumeurs au cerveau, ou sujets à des crises d’épilepsie n’ont jamais été soumis à des examens médicaux. Le manque de médicaments a aussi été relevé par l’enquête, tout comme la « saleté » des dortoirs, l’état des sanitaires qualifiés d’ »honteux » ou encore des aliments « malodorants, avariés, périmés ».
Depuis des années, des responsables politiques de l’opposition réclament la fermeture de ces structures. Mais le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite, Giorgia Meloni, n’est pas de cet avis. Au contraire. Le décret Cutro – du nom d’une ville de Calabre où des dizaines de migrants avaient perdu la vie en février 2023 dans un naufrage – publié en mai prévoit de construire 10 nouveaux centres, afin que chaque région du pays en possède un. Le texte a également permis d’allonger la durée de rétention pour une durée maximale de 18 mois, contre 135 jours auparavant (environ 4 mois).
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