« Ce n’est qu’un accord électoral. Il n’y a déjà plus de NFP, ils veulent tous dépasser LFI pour les écarter », cingle une cadre macroniste à l’Assemblée nationale. Dans le camp présidentiel, au lendemain du second tour des élections législatives du dimanche 7 juillet, tous les regards sont tournés vers le Nouveau Front populaire (NFP), la coalition des partis de gauche arrivée à la surprise générale en tête des résultats. Certains parient donc déjà sur sa future explosion, dans le but de constituer ensuite une coalition de gouvernement avec « les modérés ».
Avec 180 sièges, les quatre composantes du NFP – LFI, le PS, Les Ecologistes-EELV et le PCF – dépassent d’une courte tête Renaissance et ses alliés, qui pointent à 163 sièges, et le Rassemblement national (143 sièges). Le Palais-Bourbon est divisé en trois blocs, sans qu’aucun ne dispose de la majorité absolue, fixée à 289 sièges.
A l’annonce des résultats, les ténors du bloc central ont appelé à travailler avec une partie de la gauche, tout en excluant La France insoumise. « Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de ses alliés ne peuvent pas gouverner la France », a prévenu Stéphane Séjourné, le secrétaire général de Renaissance, tandis qu’Edouard Philippe, le patron d’Horizons, a également écarté tout accord avec le parti fondé par Jean-Luc Mélenchon. « Il faut regarder toutes les hypothèses, sauf celle des LFI et du RN », rebondit le député MoDem Philippe Vigier, réélu en Eure-et-Loir.
« Le Front populaire peut se fissurer »
Dans ces conditions, comment s’entendre avec les trois autres formations de gauche qui ont fait alliance avec les insoumis ? Le NFP « n’est pas un groupe » mais « quatre groupes politiques différents, c’est une alliance donc il peut y avoir d’autres alliances », a rappelé lundi matin sur France 2 la présidente sortante de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, réélue dans son fief des Yvelines. La députée Renaissance a appelé à la constitution d’« un grand bloc central républicain progressiste », en rejetant elle aussi tout accord avec La France insoumise. « Le Front populaire peut se fissurer », a parié lundi sur franceinfo le ministre délégué chargé de de l’Industrie, Roland Lescure, également réélu.
« Le NFP, c’est de la vinaigrette. La vinaigrette, ce n’est homogène que quand c’est agité, s’est amusé sur LCP le député MoDem Richard Ramos. Vous allez voir, on va laisser reposer la vinaigrette, on aura les huiles du PS d’un côté et puis on aura le vinaigre de l’autre.
« Ça ne tiendra pas. On aura forcément un groupe LFI seul. »
Richard Ramos, député MoDemà LCP
Pour les parlementaires du bloc central, il s’agit d’aller vite et d’être pro-actif. « Je pense qu’il faut tout faire pour faire sortir LFI et pousser à une grande coalition. Sinon LFI va détourner le bloc de gauche », met en garde le député Renaissance de Moselle tout juste réélu, Ludovic Mendes. Mais d’autres parient sur une explosion naturelle de la coalition de gauche, sans avoir rien à faire. « On va regarder le NFP se retrouver cette semaine : ils ne sont d’accord sur rien, donc ils ne peuvent pas à la fois vouloir gouverner et appliquer leur ‘programme' », assure le député Renaissance Antoine Armand, qui a retrouvé son siège en Haute-Savoie.
Du côté de l’exécutif, la dislocation du NFP est bien une hypothèse sur la table mais « tout va dépendre de la constitution des groupes à l’Assemblée », prévient un conseiller. Les députés ont jusqu’au 18 juillet pour dire dans quels groupes politiques ils entendent siéger. Emmanuel Macron avait d’ailleurs, dès dimanche soir, annoncé qu’il attendrait la « structuration » de la nouvelle Assemblée pour former un gouvernement et a maintenu Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire, dans l’intervalle.
« Pour le moment, ça tient »
Dans le camp d’en face, les assauts de la macronie semblent, pour le moment, n’avoir pas de prise. « On fait tout pour que ça n’explose pas. Et pour le moment, ça tient », sourit le député écologiste Benjamin Lucas, réélu dans les Yvelines. « La Nupes a toujours tenu et bossé de concert à l’Assemblée nationale quand les partis bataillaient dehors. Donc oui : on tiendra, encore plus même », renchérit l’écologiste Sandra Regol, réélue dans le Bas-Rhin. Les différentes composantes du NFP doivent d’ailleurs se réunir lundi soir pour décider de la suite des événements.
« Le camp présidentiel tente la division. Ils font sortir des fake news pour que ça clive. Mais personne n’ira dans un gouvernement Macron. »
Sandra Regol, députée écologisteà franceinfo
« Chez les écologistes, je ne vois pas qui pourrait céder à ce genre de sirènes, réfléchit une source au sein du groupe précédemment dirigé par Cyrielle Chatelain. Au PS, peut-être auront-ils un sujet. »
Raphaël Glucksmann, le fondateur de Place publique, qui avait fait alliance avec le Parti socialiste pour les européennes, a ainsi prévenu qu’il allait « falloir se comporter en adulte ». « Il va falloir parler, il va falloir discuter, il va falloir dialoguer », a-t-il dit au soir des résultats des législatives. Sur BFMTV, lundi, le député PS Philippe Brun a mis sur la table l’idée d’une coalition qui pourrait aller jusqu’au groupe LR, en passant par « les centristes ». Reste à savoir si sa position est majoritaire. D’autres députés PS reconduits préfèrent, eux, renvoyer la balle aux macronistes. « Moi, je parie sur l’explosion du camp présidentiel car ils pariaient sur la division de la gauche avant l’élection, mal leur en a pris, rappelle le député PS Arthur Delaporte. On est un peu plus intelligents qu’ils ne le pensent. »
Il est aussi certain qu’en doublant leur nombre de sièges, les socialistes vont tenter de reprendre le leadership à LFI au sein du NFP. Pour le moment, les incertitudes sont encore très nombreuses. « L’Assemblée devient un archipel de formations politiques qui elles-mêmes peuvent encore se scinder en sous-groupes, soupire le député socialiste Hervé Saulignac. Je plains les Français qui vont tenter de comprendre. »
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