Une odeur âcre se répand dans le village de Liman, 674 habitants, à quelques kilomètres de la frontière entre Israël et le Liban, dont l’entrée est surveillée par quatre réservistes de l’armée israélienne. Une roquette est tombée juste devant, au milieu de la forêt de pins, provoquant un incendie. « Je suis vraiment désolé mais je n’ai pas la permission de vous laisser entrer. La situation est très dfifficile pour nous », regrette l’un des soldats qui garde cette ville israélienne désertée.
Car Liman est l’une de ces localités dont l’armée a exigé l’évacuation depuis le 7 octobre 2023. Seuls quelques réservistes peuvent et doivent rester pour protéger les lieux. Si le village a été évacué, c’est parce qu’il ne se trouve qu’à quelques kilomètres de cette ligne bleue, tracée par l’ONU en 2000 : la frontière entre Israël et le Liban, contestée en plusieurs points par les deux pays. C’est peut-être le prochain point chaud du conflit entre Israël et le Hamas, car le Hezbollah libanais menace d’ouvrir un nouveau front et des tirs de roquette ont déjà eu lieu de part et d’autre.
« 35% des habitants sont déjà partis »
Depuis la route, on distingue très nettement cette ligne bleue, en longeant d’immenses champs de bananiers dont les fruits ne sont plus ramassés. Plus loin, dans le village de Neve Zir, 200 familles vivent encore. « On est à peu près à 6 km du Liban, explique Peter Baruchel, 39 ans, le représentant du comité du village. Pour l’instant, ils ont évacué toutes les petites villes qui sont situées entre zéro et quatre kilomètres de la frontière. On sait que la prochaine étape, c’est de 0 à 10. On est sûrs qu’on est dans la liste. 35% des habitants sont déjà partis car ils ne veulent pas vivre au milieu des bruits, des bombes. Il y a toute l’armée ici. »
Six tanks sont en effet garés juste derrière Peter. Un drone tourne au-dessus du village mais Meir, 76 ans, assure qu’il ne partira pas.
« C’est ma maison ici, j’ai fait deux guerres, je n’irai nulle part. Hors de question que je parte ! »
Meir, habitant de Neve Zirà franceinfo
« Si l’armée me demande d’évacuer, je ne me précipiterai pas pour partir, assure Meir. Ils devront faire davatange d’efforts. J’essaierai de rester, ils me laisseront peut-être. » À cette frontière nord, l’armée israélienne indique que quatre personnes sont mortes depuis le 7 octobre suite à des tirs du Hezbollah, trois soldats, et un civil.
Un hôpital souterrain
Plus au sud, à une quarantaine de kilomètres de la frontière, dans la grande ville d’Haïfa, on se prépare aussi à un éventuel affrontement avec le Hezbollah. L’hôpital Rambam a transformé son parking souterrain en hôpital. C’est au troisième sous-sol que tout se passe : 7 000m² d’asphalte et de béton et des lits d’hôpitaux un peu partout. « Si vous regardez bien, tout le réseau électrique, celui de l’oxygène, tout est construit à l’intérieur du mur », souligne le Dr Avi Weissman, directeur médical de l’hôpital.
Un service accueille déjà ses patients : la dialyse pédiatrique. Car il faudrait 48 heures pour la déménager, trop long pour les jeunes patients. Liat accompagne son fils Adir, atteint d’une maladie mortelle des reins. « Je suis plus rassurée ici, le service a accroché des dessins au mur. On a l’impression d’être dans une unité normale. Nous nous sentons davantage en sécurité », confie-t-elle.
La capacité totale de cet hôpital souterrain est de 1 400 lits. Il compte aussi quatre salles d’opération et un poste de commandement. Des installations créées après la guerre de 2006 avec le Liban et qui n’ont servi qu’une fois depuis, pendant la crise Covid. Certains conservent un traumatisme de cette guerre contre le Liban, il y a 17 ans. Le docteur Philippe Abecassis était à l’époque déjà anesthésiste ici, à Rambam. « On s’est trouvé dans une stuation un peu difficile. On se disait : ‘ok, les bombes peuvent tomber, où on va mettre les patients ?‘, se souvient le professionnel. Il a fallu les descendre dans les caves, des souterrains absolument pas adaptés à ça. »
« Je me rappelle faire des péridurales dans des couloirs en voyant tout juste ce que je faisais. C’était vraiment très compliqué. »
Dr. Philippe Abecassis, anesthésiste à Rambamà franceinfo
Aujourd’hui, avec cet hôpital souterrain et autonome, qu’il compare à un sous-marin pouvant rester en immersion pendant 72 heures, est-il plus rassuré ? Pas tellement. « Soigner les patients dans un parking comme ça, c’est bon trois, cinq voire dix jours mais ça n’est qu’une immense salle donc c’est terriblement inhumain. Mais on fera face. On assume et on y va », dit ce Franco-israélien qui exerce ici depuis 28 ans. Car cette guerre contre le voisin libanais, s’il ne la souhaite pas, il est persuadé qu’elle aura lieu. À court ou moyen terme.