Guinée: un pays ghetto ?

Guinée: un pays ghetto ?

3 avril 2021 Non Par LA REDACTION

 

Seule colonie française d’Afrique à avoir dit « non » au général de Gaulle en 1958 et à avoir refusé d’intégrer la zone franc, la Guinée ne s’est remise ni du régime dictatorial du président Sékou Touré ni de sa disparition. Son successeur, le général Lansana Conté, a attendu dix ans pour concéder, le 11 juin 1995, des élections législatives, les premières dans un pays de six millions cinq cent mille habitants, qui demeure coupé du monde. 

La Guinée ? Un pays ghetto », reconnaît d’emblée l’homme fort du régime, M. Alseny René Gomez, ministre de l’intérieur. Devant ses amis d’un bar du quartier Tawia, l’écrivain contestataire Williams Sassine se lamente : « Comme si tous les avions étaient partis depuis longtemps… Nous sommes restés là : à pourrir ! » A chaque pas, dans ce « pays oublié », dit l’opposant Alpha Condé, chef du Rassemblement du peuple de Guinée, on rencontre sans cesse ce sentiment diffus de relégation et d’isolement, voire de découragement total, qui en fait un des pays les plus tristes de l’expansive Afrique de l’Ouest.

Les vingt-six années de sanglante dictature sous le président Sékou Touré n’expliquent pas tout. L’absence d’épuration massive de l’administration, les carences actuelles de l’Etat et de ses dirigeants sont pour beaucoup dans la « décennie perdue » — celle qui a suivi la mort de celui qui avait osé dire « non » au général de Gaulle.

L’état des lieux suffoque le visiteur : en partie retournée à la brousse, Conakry n’est plus cette « ville qui, sous ses cocotiers et ses manguiers, garde l’allure désuète, la vétusté qui donnaient leur prestige aux vieilles cités coloniales ». « Toute la vieille ville est un immense bidonville », commente un cadre guinéen : les Soussous, en principe fils privilégiés du régime, survivent dans des taudis aux murs lépreux et aux tôles rouillées, à deux pas des principaux ministères.

Le réseau routier est dans un état catastrophique, parsemé de « nids d’éléphants », jusqu’aux abords de la capitale. La dévastatrice saison des pluies n’excuse pas une maîtrise d’œuvre défaillante : à la moindre averse, Conakry se transforme en cloaque, faute de réseau d’égouts. Moutons et volailles errent jusque dans le centre-ville. Se déplacer tient de l’exploit dans les taxis-bus antédiluviens du privé ; sur les centaines de bus de la société d’Etat « cannibalisés » faute de pièces, seule une demi-douzaine circulent.

Williams Sassine, « si les rues sont mauvaises, les 4 X 4 (…) Juin 1995