Guerre entre Israël et le Hamas : pourquoi le début du ramadan fait craindre une nouvelle escalade de violence

Guerre entre Israël et le Hamas : pourquoi le début du ramadan fait craindre une nouvelle escalade de violence

6 mars 2024 Non Par LA RÉDACTION

 

A l’approche du mois de jeûne des musulmans, l’Etat hébreux ne semble pas enclin à accepter une trêve dans les combats. « Cette année encore plus que les autres », le chercheur Yossi Mekelberg estime que les circonstances dans la région sont « explosives ».

Vers un répit de plusieurs semaines dans les combats ? Les échanges sur une possible nouvelle trêve dans la bande de Gaza, près de cinq mois après le début du conflit entre Israël et le Hamas, se poursuivaient au Caire (Egypte) lundi 4 mars. Dimanche, la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, a appelé à un « cessez-le-feu immédiat pour au moins les six prochaines semaines », au regard de « l’ampleur des souffrances » de la population civile dans l’enclave palestinienne.

Depuis le début des opérations de l’armée israélienne à Gaza, en représailles aux attentats du Hamas en Israël le 7 octobre, plus de 30 000 personnes sont mortes, selon le ministère de la Santé gazaoui, administré par le mouvement islamiste. Le Pentagone a lui-même fait état de « plus de 25 000 » femmes et enfants tués dans l’enclave. En l’absence d’une aide humanitaire massive, « nous craignons qu’une famine généralisée à Gaza soit presque inévitable », a alerté en parallèle le bureau humanitaire de l’ONU (Ocha).

Dans un tel contexte, « l’Egypte poursuit ses efforts intenses pour parvenir à une trêve avant le ramadan », le mois sacré du jeûne musulman, selon la chaîne de télévision égyptienne AlQahera News. Le mois saint, pour les fidèles musulmans dans les territoires palestiniens, doit débuter dimanche 10 ou lundi 11 mars. Avec la crainte d’une escalade du conflit.

Israël met la pression

« Chaque année, le ramadan peut être un point de tension [dans le conflit israélo-palestinien] et cette année encore plus », observe le chercheur Yossi Mekelberg, spécialiste de la question israélo-palestinienne. Les hostilités risquent en effet de se poursuivre au cours des prochaines semaines dans la bande de Gaza, où presque l’intégralité de la population est musulmane.

Le 18 février, l’ancien ministre de la Défense israélien Benny Gantz, membre du cabinet de guerre de l’Etat hébreu, a posé un ultimatum au mouvement islamiste : « Si, d’ici au ramadan, les otages ne sont pas à la maison, les combats continueront partout, y compris dans la région de Rafah. » « Le Hamas a le choix, a-t-il poursuivi. Ils peuvent se rendre, libérer les otages et les civils de Gaza pourront ainsi célébrer la fête du ramadan. » 

Une manière « de créer une pression sur l’autre camp », pointe Yossi Mekelberg. Mais l’obtention d’un accord est-elle possible entre Israël et le Hamas, à seulement une semaine de l’échéance ? Les médiateurs dans ce conflit tentent d’aboutir à une trêve qui permettrait, notamment, la libération d’otages détenus à Gaza, mais aussi de prisonniers palestiniens en Israël. Le Hamas exige toutefois un cessez-le-feu total, tandis qu’Israël maintient son objectif d’éradiquer totalement le mouvement palestinien.

Le Qatar craint un embrasement

Sans accord d’ici une semaine, la suite des opérations israéliennes reste floue. « La question est ouverte », souligne Yossi Mekelberg. Le problème avec « une date butoir si claire », telle que l’a posée Benny Gantz, « c’est que vous vous lancez dans une impasse pour agir ». Le 26 février, le président américain Joe Biden s’est montré confiant au sujet d’une pause dans les combats« Le ramadan arrive et il y a eu un accord des Israéliens selon lequel ils ne s’engageraient pas dans des opérations durant le ramadan, afin de nous donner le temps de faire sortir tous les otages », a-t-il déclaré sur NBC.

Un jour plus tôt, Benyamin Nétanyahou avait pourtant évoqué une offensive prochaine à Rafah, qu’il décrit comme le « dernier bastion » du Hamas. Une trêve, selon lui, retarderait simplement cette opération, qui garantirait à ses yeux une victoire définitive sur le mouvement islamiste. Mais une telle offensive pourrait avoir des conséquences catastrophiques, à l’heure où la ville de Rafah, située à l’extrême sud de la bande de Gaza, accueille déjà 1,4 million de réfugiés palestiniens.

Les ONG s’inquiètent en effet des projets d’évacuation israéliens de la population. « Elle est totalement épuisée, elle n’a plus aucune ressource. Un déplacement massif de population va en envoyer beaucoup à la mort », craignait récemment Frédéric Joli, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge, sur franceinfo. Sans compter le fait que Rafah est une zone cruciale pour l’aide humanitaire.

 

« Une offensive israélienne généralisée sur la ville serait non seulement terrifiante pour plus d’un million de civils palestiniens qui s’y abritent, mais elle sonnerait le glas de nos programmes d’aide. »

Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU

le 26 février

La poursuite de ces opérations fait aussi craindre un embrasement à l’échelle de la région. Fin février, le roi Abdallah II de Jordanie a prévenu que « la poursuite de la guerre contre Gaza, pendant le mois sacré du ramadan », ne ferait qu’aggraver « la menace d’une extension du conflit », rapporte The Times of Israel. « Le ramadan est devant nous et si la situation à Rafah évolue, ce sera une période très, très dangereuse pour la région », a prévenu à son tour le Premier ministre du Qatar, Mohammed bin Abdulrahman al Thani, en février. 

Jérusalem au cœur des tensions ?

A l’approche du début du jeûne musulman, les regards se tournent en parallèle vers l’esplanade des Mosquées à Jérusalem. Il s’agit du troisième lieu saint de l’islam et du lieu le plus sacré du judaïsme. Il y a trois ans, lors du dernier vendredi du ramadan, des heurts y avaient éclaté après de premiers affrontements dans le quartier de Cheikh Jarrah, dans Jérusalem-Est occupé. Ces tensions avaient fait des centaines de blessés, avant une guerre de 11 jours entre le Hamas et Israël.

« Il y a régulièrement des affrontements à Jérusalem, mais cette année, le contexte est bien plus tendu. Nous sommes sur le fil du rasoir. Les conditions sont aujourd’hui bien pires qu’elles ne l’étaient en 2021. »

Yossi Mekelberg, chercheur

à franceinfo

Mi-février, Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité intérieure israélien et figure de l’extrême droite, a déclaré que les Palestiniens vivant en Cisjordanie occupée « ne devraient pas pouvoir entrer » sur l’esplanade des Mosquées lors du ramadan. « Nous ne pouvons pas avoir des femmes et des enfants otages à Gaza et permettre des célébrations pour le Hamas sur le mont du Temple [le nom de l’esplanade des Mosquées pour les juifs]« , a-t-il défendu. Le suprémaciste juif, selon Haaretz, plaide également pour restreindre la venue d’Arabes israéliens sur l’esplanade. Quelle que soit la décision du gouvernement, Washington ne cache pas son inquiétude : mercredi, les Etats-Unis ont de nouveau demandé à Israël de permettre un accès sans entrave des fidèles à la mosquée al-Aqsa de l’esplanade.

« Ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, ce n’est pas seulement une question d’accorder aux gens la liberté religieuse qu’ils méritent et à laquelle ils ont droit, mais c’est aussi une question qui est directement importante pour la sécurité d’Israël. »

Matthew Miller, porte-parole du département d’Etat

le 28 février

Car avec ses propos, Itamar Ben Gvir a pris le risque de jouer au « pompier pyromane », de l’avis du centriste israélien Yaïr Lapid, figure de l’opposition. Le Hamas, en effet, n’a pas tardé à réagir. Le chef du mouvement, Ismaïl Haniyeh, a appelé « à se rendre à al-Aqsa dès le premier jour du mois béni de ramadan, en groupe ou seuls, pour y prier afin de briser le siège qui lui est imposé ». Pour Yoav Gallant, le ministre de la Défense israélien, « le principal objectif du Hamas est de profiter du ramadan (…) et d’en faire la deuxième phase de leur plan qui a commencé le 7 octobre ».

Dans les rangs du Hamas et au sein de la coalition de droite et d’extrême droite israélienne, « il y a des éléments extrêmes qui pensent qu’il vaut mieux aggraver les choses pendant le ramadan », analyse Yossi Mekelberg. Lors du ramadan, « les gens vont se rassembler et beaucoup d’entre eux sont en colère du fait de la situation. Cela crée des circonstances explosives ».

Francetvinfo.fr