Huit mois après le début de la guerre, la vie des étudiants africains ayant fui les bombes en Ukraine s’écrit toujours en pointillé. « Je ne pensais pas que ce serait si difficile », souffle Manafatima Compaoré. Quand la guerre a éclaté, l’étudiante comorienne de 25 ans poursuivait une deuxième année en commerce international à Kiev. Une fois la frontière polonaise franchie, la France s’est imposée à elle comme un point de chute évident pour continuer ses études. Mais sa maîtrise de la langue ne lui a pas suffi pour intégrer une université. Manafatima Compaoré a reçu, il y a quelques jours, une troisième lettre de refus. Cette fois, de l’université Sorbonne-Paris-Nord, qui invoque une « capacité d’accueil atteinte ».
Eparpillés à travers l’Europe, les milliers d’étudiants africains réfugiés d’Ukraine – leur nombre est difficile à estimer – demeurent l’angle mort de la politique d’accueil des Etats européens. Précarité, démarches administratives longues et ardues, impossible poursuite des études… L’enquête de la plate-forme de recherche européenne Lighthouse Reports, en collaboration avec Le Monde, Der Spiegel, The Independent et De Groene Amsterdammer, révèle le traitement à géométrie variable appliqué à ces étudiants dont la trajectoire a basculé avec la guerre.
Avant le 24 février, l’Ukraine accueillait 76 000 étudiants venus d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. Comme pour les autres réfugiés ukrainiens, leur destin en Europe s’est joué en quelques heures, aux premiers jours du conflit.
Âpres discussions
Au sein du Conseil européen, les discussions sur leur sort administratif font alors l’objet d’âpres discussions entre Etats membres. Fallait-il, ou non, de même que pour les réfugiés ukrainiens, accorder aux ressortissants des pays tiers une protection temporaire ? Ce dispositif exceptionnel, déclenché le 4 mars, octroie aux réfugiés le droit de travailler et de percevoir des aides sociales dans leur pays d’accueil.
Dans une première mouture, la directive y inclut les ressortissants titulaires d’un titre de résidence permanent, quelle que soit leur origine. Mais le texte est ensuite modifié : seuls ceux qui ne peuvent pas retourner dans leur pays dans des conditions « sûres et durables » sont concernés. Une décision politique. Selon un câble diplomatique allemand consulté par Le Monde, la Pologne, l’Autriche et, dans une moindre mesure, la Slovaquie se sont fermement opposées à une extension de la protection aux ressortissants de pays tiers.
Le Monde Afrique