Guerre en Ukraine : comment l’armée russe gagne à l’usure la ville de Sievierodonetsk dans le Donbass
3 juin 2022La ville de l’oblast de Louhansk est sur le point d’être perdue par les forces ukrainiennes, dépassées en nombre et en armements par leurs ennemis.
« C’est une ville fantôme. » La localité de Sievierodonetsk est au cœur d’affrontements de très haute intensité entre les forces russes et ukrainiennes. Henry Camenen, co-fondateur de l’ONG Road to Relief, évoque une situation « post-apocalyptique », décrivant des rues détruites et désertes pilonnées par des bombardements répétés. Le président Volodymyr Zelensky a concédé la perte de 80% de cette ville du Donbass, devenue capitale administrative de l’oblast de Louhansk depuis la prise de la ville éponyme par les séparatistes en 2014.
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Des ambulances, des chars, des voitures éventrées… La route qui mène à la ville offre un spectacle de désolation, témoigne une équipe de France 2 qui s’est rendue sur place. « Il est maintenant impossible d’annoncer un éventuel convoi humanitaire ou une évacuation de civils sur cette route », déclare le gouverneur militaire Sergueï Gaïdaï.
« Il n’y a pas de connexion dans la ville depuis des semaines, donc quand nous arrivons, parfois, les gens sont déjà partis ou sont morts », explique Henry Camenen, qui tente toujours de se rendre au centre humanitaire et à l’hôpital de la ville, sous escorte de la police ukrainienne. Il ne resterait plus que 6 000 à 12 000 habitants à Sievierodonetsk, contre plus de 100 000 avant la guerre.
« Il nous est déjà arrivé d’aller de bombardements en bombardements pour essayer de récupérer des gens dans des immeubles qui venaient d’être touchés. »
Henry Camenen, fondateur de l’ONG Road to Relief
à franceinfo
Une ville détruite à plus de 90%
Sur place, les derniers civils accueillent favorablement l’armée russe, selon les témoignages recueillis par France 2. « Ils ne sont pas favorables à des évacuations par des organisations étrangères. Ils sont plutôt favorables à la Russie et nous disent d’ailleurs qu’ils attendent la libération des Russes », confirme Henry Camenen. Difficile, donc, de les convaincre d’évacuer.
Le danger est pourtant imminent. Alors que la ville est détruite à plus de 90%, un réservoir d’acide nitrique d’une usine chimique a été « touché » mardi par une frappe russe, selon les autorités locales. Les séparatistes prorusses ont de leur côté indiqué qu’un conteneur avec de l’acide nitrique avait « explosé » dans l’usine Azot à Sievierodonetsk. En témoigne cet impressionnant panache de fumée orange.
C’est ici que « l’ennemi a concentré l’essentiel de ses efforts et ses troupes les plus préparées au combat », expliquait un haut responsable militaire ukrainien. Le gouverneur militaire ukrainien, Sergueï Gaïdaï, évoque la présence de 25 groupes tactiques de bataillons russes, ce qui représente plus de 10 000 soldats.
Submergée, l’armée ukrainienne recourt massivement à l’artillerie plutôt qu’à l’infanterie, explique Petro Kuzyk, commandant du bataillon Svoboda, cité par les médias ukrainiens. Leurs ennemis pilonnent également la zone, même si des combats urbains font également rage à mesure que l’armée russe investit la ville. « A partir du moment où les postes de combat de l’ennemi seront neutralisés, ça permettra l’offensive de nos combattants au sol », explique un combattant séparatiste à France 2.
Vers un encerclement comme à Marioupol ?
Sur Telegram, Sergueï Gaïdaï a expliqué jeudi que les forces russes continuaient de mener des assauts et que treize attaques avaient été repoussées au cours des dernières vingt-quatre heures. Afin de contourner la résistance ukrainienne, l’armée russe a lancé une opération d’envergure, à une quarantaine de kilomètres au sud, avec des chars, des batteries de missiles Grad et des hélicoptères de combat. Cette offensive a pour objectif de couper les lignes d’approvisionnement ukrainiennes et d’asphyxier la région de Lyssystchansk et Sievierodonetsk. De quoi faire planer le spectre d’un encerclement, comme à Marioupol.
Une autre offensive russe menée depuis le sud, aux environs de Toshkiva, aurait pour objectif d’ouvrir la route de Lyssytchansk sans avoir à combattre sur la rivière Siversky Donets qui la sépare de Sievierdonetsk, souligne l’Institute for the Study of War (en anglais). L’un des ponts entre les deux villes a été détruit et le groupe de chercheurs rappelle que l’armée russe avait déjà subi une déconvenue en tentant de traverser ce cours d’eau par le passé.
Volodymyr Zelensky face à un dilemme
Le président Volodymyr Zelensky a déclaré la semaine dernière que l’Ukraine perdait 50 à 100 soldats par jour dans la région. L’armée ukrainienne est désormais en grande difficulté, d’autant que les missiles antichars viennent à manquer. « Les Russes ont de l’artillerie, des véhicules blindés et leurs forces sont cinq à six fois plus nombreuses », résume un sergent rencontré par RFI à Lyssytchansk. « Nos supérieurs ne savent pas où nous sommes ni ce que nous faisons. » Kiev est désormais confronté à un dilemme : déclarer un ordre d’évacuation pour ses troupes, afin d’éviter un encerclement tragique, ou offrir coûte que coûte une résistance à l’avancée russe.
« L’ennemi a un avantage opérationnel en termes d’artillerie », a concédé le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, lors d’une conversation téléphonique avec le chef d’état-major français des armées, le général Thierry Burkhard. Dans ce contexte, les autorités ukrainiennes réclament une accélération des livraisons d’armes lourdes promises par les pays occidentaux, et notamment de systèmes de lance-missiles multiples américains. A moins qu’il ne soit déjà trop tard pour inverser la tendance dans la région de Louhansk, et plus largement dans le Donbass