Hassan Nasrallah est mort. Le chef emblématique du Hezbollah libanais n’est pas parvenu à échapper aux bombardements de l’armée israélienne qui ont visé le quartier général du mouvement islamiste, dans la banlieue sud de Beyrouth, vendredi 27 septembre. Le Hezbollah a confirmé la mort de son dirigeant, un événement qui fait craindre aux observateurs une déstabilisation de tout le Proche-Orient. Retour sur le parcours du dirigeant historique du Hezbollah, qui vivait dans la clandestinité depuis de nombreuses années, tout en restant une des figures les plus puissantes de la région.
Hassan Nasrallah est né le 31 août 1960 dans une modeste famille de neuf enfants, dans l’ancienne « ceinture de misère » qui enserrait Beyrouth. Sa famille est originaire du village de Bazouriyé, dans le sud du pays. Adolescent, il étudie la théologie dans la ville sainte chiite de Nadjaf, en Irak, mais doit partir lors de la vague de répression antichiite du président de l’époque, Saddam Hussein. De retour au Liban, il s’engage au sein du mouvement chiite Amal, mais fait sécession lors de l’invasion israélienne du Liban à l’été 1982 pour faire partie du noyau fondateur du Hezbollah, créé sous l’impulsion des Gardiens de la révolution iraniens.
Marié, père de cinq enfants, Hassan Nasrallah parlait couramment le farsi, la langue majoritaire en Iran. Il arborait le turban noir des Sayyid, les descendants du prophète Mahomet dont il se réclame. Il dirige le Hezbollah à partir de 1992, après l’assassinat par Israël de son prédécesseur, Abbas Moussaoui, et devient progressivement l’un des hommes les plus puissants du pays, décidant de la guerre ou de la paix sur le territoire. Ce chef charismatique développe au fil des ans une réserve de 100 000 combattants, selon ses dires, et se constitue un véritable arsenal, dont des missiles de haute précision.
Force politique incontournable
Ennemi juré d’Israël, le Hezbollah reste la seule formation libanaise à avoir conservé ses armes à la fin de la guerre du Liban (1975-1990), au nom de la « résistance contre Israël ». Au fil des affrontements, Hassan Nasrallah consolide sa stature, notamment avec la mort au combat en 1997 de son fils aîné, Hadi. « Nous, leadership du Hezbollah, ne gardons pas jalousement nos enfants », lance-t-il dans un discours au lendemain de la mort de son fils, rappelle le quotidien libanais L’Orient-Le Jour(Nouvelle fenêtre).
La guerre de l’été 2006 avec Israël, qui a duré 33 jours, lui permet d’afficher la puissance de son mouvement, ses combattants tenant tête à l’armée israélienne. Le conflit cause la mort de 1 200 habitants du Liban, en majorité des civils, et de 160 Israéliens, des militaires pour la plupart. Hassan Nasrallah proclame, à la fin de cette guerre, une « victoire divine », ce qui conforte son aura de héros dans le monde arabe.
Il devient l’objet d’un véritable culte de la personnalité parmi ses fidèles au Liban. Parallèlement, il fait patiemment évoluer le Hezbollah, armé et financé par l’Iran, en une force politique incontournable. Le « Parti de Dieu » est considéré comme un véritable « Etat dans l’Etat » au Liban. Il fait partie du gouvernement et du Parlement, où ni son camp ni ses adversaires ne disposent de la majorité absolue, empêchant depuis près de deux ans l’élection d’un président de la République. Sa popularité et son influence croissante au sein de la communauté chiite est soutenue par un vaste réseau d’écoles, d’hôpitaux et d’associations au service de ses partisans.
Il se met en revanche à dos plusieurs camps au Liban, notamment lorsque son parti est accusé d’être impliqué dans l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri en 2005, puis lorsque ses hommes armés prennent brièvement le contrôle de la capitale en mai 2008. Les Etats-Unis placent dès 1997 le Hezbollah sur leur liste d’organisations « terroristes », soumises à des sanctions économiques et bancaires. Ils lui imputent notamment l’attentat qui a fait plus de 200 morts en 1983 parmi les Marines américains à Beyrouth. Depuis 2013, l’Union européenne considère également la branche armée du mouvement chiite comme une organisation terroriste.
Une vie dans la clandestinité
Pour ces raisons, le religieux chiite de 64 ans est contraint à la plus grande discrétion. Il n’apparaît que rarement en public et son lieu de résidence est tenu secret. Il reçoit parfois des visiteurs, mais les journalistes et personnalités l’ayant rencontré racontent avoir été conduits par le Hezbollah dans des voitures aux rideaux épais, vers un endroit non identifiable. « Des mesures de sécurité signifient que mes mouvements doivent rester secrets, mais cela ne m’empêche pas totalement de bouger et de voir ce qui se passe autour de moi », expliquait-il dans une interview de 2014 au journal libanais Al-Akhbar(Nouvelle fenêtre) relayée par Jeune Afrique(Nouvelle fenêtre).
« Le seul problème est qu’il ne faut pas que les autres me voient. »
Hassan Nasrallahau journal « Al-Akhbar »
Le chef du Hezbollah change de résidence régulièrement. « S’installer ailleurs fait partie de ma vie et c’est devenu naturel surtout depuis 2006 », explique-t-il. « Pour des raisons de sécurité, je dois rester à l’écart de tout ce qui concerne les téléphones portables et Internet », ajoute-t-il, bien avant la série d’explosions de talkies-walkies et de bipeurs qui a touché des membres du Hezbollah mi-septembre, que son mouvement attribue à Israël. Dans cette même interview, Hassan Nasrallah raconte qu’il jouait au football dans sa jeunesse, et confie son admiration pour la légende argentine Maradona.
Sa clandestinité ne l’empêche pas de prononcer régulièrement des discours retransmis en direct à la télévision, qui retiennent l’attention de tout le pays. Au fil de ses interventions, il accroît son influence sur tout le Proche-Orient. Jouissant de la confiance totale des dirigeants iraniens, il forme et soutient les mouvements proches de Téhéran dans la région. Depuis le début de la guerre à Gaza entre le Hamas et Israël, Hassan Nasrallah avait ouvert le front du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien. Mais il tentait jusqu’à présent, selon les observateurs, d’éviter une guerre à grande échelle avec Israël.
AFP