C’est le dernier épisode d’une brusque escalade au Proche-Orient. Au moins deux Israéliennes sont mortes, vendredi 7 avril, dans une attaque par balles contre leur véhicule en Cisjordanie occupée, selon les services de secours et l’armée israélienne, cités par l’AFP. Un peu plus tôt dans la journée, Israël avait procédé à des frappes, à Gaza et au Liban, affirmant viser des cibles du Hamas, après le tir de plusieurs dizaines de roquettes contre Israël, la veille, depuis ces deux territoires. Ces échanges de tirs interviennent après l’irruption violente de la police israélienne dans la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, afin d’en déloger des Palestiniens qui s’y étaient barricadés, en plein ramadan. Franceinfo vous explique en quoi la situation est inquiétante.
Parce que l’escalade sur le front israélo-libanais est sans équivalent depuis 2006
Les frappes israéliennes sur le sud du Liban ont démarré vendredi vers 4h30, heure d’Israël, selon un communiqué militaire cité par l’AFP. De violentes explosions ont été entendues dans la région de Tyr. A Gaza, les raids aériens israéliens avaient commencé avant minuit. Jeudi, jour de la Pâque juive, une trentaine de roquettes ont été tirées du Liban vers Israël, blessant une personne et causant des dégâts matériels. L’armée israélienne, Tsahal, a affirmé avoir la certitude que les tirs de roquettes du Liban, non revendiqués, étaient « palestiniens », et probablement, selon elle, l’œuvre du Hamas ou du Jihad islamique. Mais Tsahal « tient l’Etat libanais pour responsable de tout tir dirigé [vers Israël] à partir de son territoire ».
Cette escalade sur le front israélo-libanais est sans équivalent depuis 2006, date du dernier conflit d’ampleur entre Israël et le Hezbollah chiite, maître de fait du sud du Liban. Les deux pays restent techniquement en état de guerre et la ligne de cessez-le-feu est contrôlée par la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), déployée pour veiller au maintien de la trêve. Jeudi, celle-ci a qualifié la situation d’ « extrêmement grave », dans une déclaration écrite (en anglais) .
« Le niveau des roquettes envoyées depuis le Sud-Liban hier [jeudi], c’est du jamais-vu depuis la dernière guerre entre le Liban et Israël de 2006 », confirme sur franceinfo l’historien Vincent Lemire.
« Israël risque de se retrouver avec quatre fronts : le Liban, Gaza, Jérusalem et les villes mixtes israéliennes. »
Vincent Lemire, historiensur franceinfo
La Finul a assuré que le Liban et Israël ne voulaient « pas de guerre ». Et le Premier ministre libanais Najib Mikati a déclaré refuser « toute escalade à partir de son territoire ». Mais de son côté, le Hezbollah a proclamé son soutien à « toutes les mesures » que les groupes armés palestiniens pourraient prendre contre Israël, en dénonçant « l’assaut des forces d’occupation israéliennes » contre la mosquée Al-Aqsa.
Parce que l’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël est au pouvoir
Ces nouveaux affrontements interviennent alors que le conflit israélo-palestinien est enfermé dans une spirale de violences, après l’entrée en fonction, fin décembre, d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël. Pour revenir au pouvoir, Benyamin Nétanyahou s’est associé à des partis ultra-orthodoxes et ultranationalistes. « Ces groupes estiment que l’Etat hébreu doit avant tout être juif et que la démocratie n’est pas une composante essentielle de l’identité israélienne » , détaillait fin mars Amélie Férey, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), auprès de franceinfo.
Les violences ont repris depuis le premier week-end d’avril, après un semblant d’accalmie observé depuis le début du ramadan, le 23 mars. Comme le souligne l’historien Vincent Lemire, « contrairement à l’an dernier, les activistes juifs du troisième Temple ont été autorisés à venir prier cette année sur l’esplanade des Mosquées pendant le ramadan par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, soutien appuyé » de ces activistes et f igure de l’extrême droite israélienne. Selon le correspondant du Monde (article réservé aux abonnés) à Jérusalem, de jeunes Palestiniens se sont ainsi barricadés dans la mosquée Al-Aqsa face à la menace de ce groupe de juifs messianiques d’égorger un agneau sur l’esplanade pour célébrer le premier jour de la Pâque juive.
Les images du délogement de ces fidèles palestiniens par la police israélienne, à renfort de « bâtons, d’armes, de grenades de gaz lacrymogène et de fumigènes », selon des témoins interrogés par l’AFP, ont choqué la communauté internationale. « Les forces de sécurité israéliennes ont procédé à une évacuation très, très violente de la mosquée Al-Aqsa immédiatement après la fin de la dernière prière de la nuit, empêchant en fait les fidèles d’y passer la nuit. », relève Vincent Lemire.
A l’issue d’une réunion du cabinet de sécurité, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a promis que la « riposte (…) fera[it] payer le prix fort » aux ennemis d’Israël. « La défense israélienne est prête à faire face à toute menace, sur n’importe quel front », a enchéri le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant.
Parce que les Etats-Unis sont davantage en retrait dans la région
Ce nouvel accès de violences a suscité des condamnations et appels à la retenue au sein de la communauté internationale. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à « la plus grande retenue ». Paris a condamné des tirs « indiscriminés » sur Israël et appelé « au respect du statu quo historique sur les lieux saints à Jérusalem », alors que Washington a reconnu « le droit légitime d’Israël à se défendre contre toute forme d’agression ».
Alliés historiques d’Israël, les Etats-Unis apparaissent toutefois en retrait dans le dossier israélo-palestinien depuis l’élection de Joe Biden. L’administration démocrate doit composer avec l’héritage laissé par Donald Trump, qui avait reconnu Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu et demandé à y transférer l’ambassade américaine. Et Washington est suspecté de céder peu à peu sa place d’acteur incontournable dans la région pour mieux se concentrer à court terme sur la guerre en Ukraine face à la Russie et, à plus long terme, sur la Chine et l’Asie-Pacifique. « L ‘administration Biden a très clairement affirmé qu’elle entendait favoriser la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient, et que l’implication américaine serait plus à la marge que par le passé », expliquait à l’AFP, mi-mars, James Ryan, qui dirige le programme Moyen-Orient au Foreign Policy Research Institute à Philadelphie.
Malgré des appels répétés à l’apaisement, y compris lors du déplacement du chef de la diplomatie américaine à Jérusalem et Ramallah, fin janvier, les violences se sont aggravées, signe d’une impuissance américaine. Les Etats-Unis répètent inlassablement leur soutien à la solution des deux Etats et dénoncent les actions unilatérales d’Israël sur les colonies notamment, mais se gardent d’aller au-delà, pour des raisons de politique intérieure. Alors que les Etats-Unis entreront en 2024 en année électorale, « leur marge de manœuvre va être très limitée à cet égard », relevait James Ryan