C’est presque devenu une règle. Plus une phase finale de Coupe d’Afrique des nations (CAN) n’échappe à des risques de report ou de délocalisation. En 2013, la guerre en Libye avait déplacé l’évènement en Afrique du Sud. Deux ans plus tard, en 2015, l’épidémie d’Ebola avait conduit la Guinée équatoriale à remplacer le Maroc en tant que pays hôte, et, en 2019, l’Égypte avait finalement accueilli la CAN en lieu et place du Cameroun à cause du retard pris dans les travaux. Le pays avait finalement pu héberger l’édition 2021, mais en janvier et février 2022.
La prochaine CAN aura lieu en Côte d’Ivoire, en théorie en juin et juillet 2023. Mais pour des raisons météorologiques, il n’est pas impossible que la phase finale soit décalée de quelques mois, lors de la saison sèche. Si rien ne semble devoir empêcher le pays d’héberger le tournoi pour la deuxième fois de son histoire, après 1984, la question se pose désormais ouvertement pour la Guinée.
Des stades qui ne sont plus aux normes
Conakry avait bien été choisi en septembre 2014, mais pour accueillir une CAN avec seize sélections. Or, depuis une décision prise en juillet 2017 par la Confédération africaine de football (CAF), alors présidée par le Malgache Ahmad Ahmad, le format a changé : les phases finales se jouent désormais à 24 depuis 2019. Le cahier des charges a lui aussi évolué : six stades – deux de 15 000 places, deux de 20 000 places et deux de 40 000 places au moins – sont aujourd’hui nécessaires.
La Guinée a choisi les sites de Conakry, Labé, Boké, N’Zérékoré, Kindia et Kankan – la capitale abritant deux enceintes, dont le stade du Général Lansana Conté, construit en 2011. Mais ce dernier n’est déjà plus aux normes de la CAF pour abriter des rencontres internationales, en raison des défauts constatés au niveau de l’éclairage, de la tribune réservée aux supporters adverses ou même des sanitaires. Le stade du 28-Septembre, principale enceinte de la capitale, suscite lui aussi des inquiétudes. À tel point que le millionnaire Kerfalla Person Camara, PDG de la compagnie Guicopres, président du club d’Hafia FC et deuxième vice-président du Comité d’organisation de la CAN (COCAN), s’est dit prêt à prendre en charge les travaux nécessaires, afin que la Guinée puisse accueillir l’Éthiopie en septembre prochain, dans le cadre des qualifications pour la CAN 2023…
Inspection
Il n’est pourtant pas certain que la bonne volonté de Kerfalla Person Camara, dit KPC, suffise à rassurer la CAF. Une délégation de l’organisation, conduite par le Mauritanien Ahmed Ould Yahya, vice-président de l’instance, a effectué une visite d’inspection en Guinée du 10 au 15 juin dernier. Le rapport devrait être présenté lors du prochain comité exécutif de la CAF, le 3 juillet prochain.
Au plus haut sommet de l’État guinéen, les dernières déclarations se veulent optimistes. « L’organisation de la CAN est une priorité pour notre pays », a ainsi déclaré au mois d’avril dernier le Premier ministre, Mohamed Béavogui. Mais le colonel Mamadi Doumbouya, président du Conseil de transition, a demandé à Lansana Béa Diallo, ministre des Sports et président du COCAN, « de réfléchir à la faisabilité de l’organisation de la CAN. » À ce jour, beaucoup de travaux n’ont pas encore débuté, même si les entreprises chargées de les réaliser ont été choisies et certifiées. « Dans certains cas, on doit encore trouver le modèle de financement », souffle un proche du COCAN.
« Pas de CAN en Guinée avant 2050 »
Au Caire, la CAF suit de près l’évolution du dossier. L’organisation de la CAN 2025 par la Guinée n’est pas officiellement remise en cause. Mais parmi les membres de l’instance, certains ne cachent pas leur scepticisme. « Cela semble difficile d’imaginer que la Guinée puisse être prête dans deux ans et demi. Beaucoup de travaux ont pris du retard. Nous attendons le rapport de la dernière mission d’inspection. Et si, dans les prochains mois, la CAF estime que les délais ne sont pas tenables, elle prendra une décision suffisamment tôt », estime un cadre de l’organisation.
En attendant, plusieurs hypothèses font leur chemin. Parmi celles-ci, une co-organisation du tournoi avec le Sénégal – que l’ex-ministre des Sports Bantama Sow avait pourtant rejetée en 2019 -, ou même une délocalisation dans un autre pays. Plusieurs États sont évoqués, comme l’Algérie, le Maroc, l’Égypte, l’Afrique du Sud ou encore le Nigeria. « Ces rumeurs n’engagent que ceux qui les propagent, coupe Kerfalla Person Camara. Nous travaillons pour que tout soit prêt dans les délais prévus, et si la CAN 2023 est décalée de quelques mois, comme il en est question, cela nous laisserait un peu plus de temps pour finir tous les travaux. En tant qu’entrepreneur, je vous affirme que oui, il y a beaucoup de travail, mais que les travaux nécessaires sont réalisables en deux ans. » Un optimisme que ne partage pas une figure du football guinéen, qui, dans des propos teintés d’ironie et avec une pointe d’exagération que lui permet l’anonymat, n’imagine pas son pays « organiser une CAN avant 2050… »
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