Fondation Mo-Ibrahim : la mauvaise gouvernance freine le développement de l’Afrique
29 janvier 2023Le constat est sans appel : les progrès dans le développement humain et économique en Afrique sont freinés par un « recul généralisé de la démocratie » et une « situation sécuritaire de plus en plus tendue », selon l’indice de la Fondation Mo-Ibrahim publié mercredi 25 janvier et qui évalue la gouvernance sur le continent. « Même si le niveau moyen atteint par la gouvernance globale sur le continent est meilleur en 2021 qu’en 2012 », celui-ci « stagne depuis 2019 », note le rapport, devenu une référence. Résultat, « la majeure partie du continent est moins sûre et moins démocratique en 2021 qu’elle ne l’était en 2012 », poursuit le document qui souligne que la pandémie de Covid-19 a « accentué ces tendances préoccupantes ».
Un recul démocratique qui se généralise
L’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG) est fondé sur plus de 80 indicateurs classés en quatre sous-catégories : « sécurité et État de droit », « participation, droits et inclusion », « développement humain » et « fondements des opportunités économiques ». Après le choc de la pandémie de Covid-19, le changement climatique, et la guerre en Ukraine mettent les Africains sous pression. « En 2021, près de 70 % de la population du continent vit dans un pays où les conditions en matière de sécurité et État de droit se sont dégradées depuis 2012 », déplore l’étude qui note également un fort recul de la liberté d’association et de réunion.
Le rapport s’attarde notamment sur une « inquiétante décennie de coups d’État récurrents au Sahel », dénombrant que sur 29 coups d’État dans le monde entre 2012 et 2021, 23 ont eu lieu en Afrique et principalement dans la région sahélienne. Plus récemment, en moins de dix-huit mois, trois pays d’Afrique de l’Ouest – le Mali, le Burkina Faso et la Guinée – que l’on imaginait plus ou moins ancrés dans la démocratie ont vécu des putschs et ont retrouvé des régimes militaires. Les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. Au Sénégal, le président Macky Sall entretient un flou savant sur son avenir alors même qu’il exerce son second et dernier mandat constitutionnel.
« Nous ne devons pas considérer la démocratie comme acquise. Le phénomène de l’homme fort revient à la mode, pas seulement en Afrique. Mais certains en Afrique voient ce modèle et se disent qu’ils peuvent l’imiter. C’est un problème, nous sommes face à un vrai défi », a estimé l’homme d’affaires Mo Ibrahim, à la tête de la fondation qui porte son nom, dans une interview à l’AFP.
Illustration avec le Mali et le Burkina Faso. Les deux pays font face à des violences de groupes djihadistes sur leur sol et qui sont tous deux gouvernés par des juntes militaires, voient leurs indicateurs sécuritaires se dégrader fortement, dans l’indice.
Des tendances porteuses d’espoir ?
L’indice relève toutefois que plus de 90 % de la population du continent vit dans un pays où le niveau de développement humain – qui prend en compte les accès à la santé, l’éducation, la protection sociale et un environnement durable – est supérieur à celui de 2012. « Il y a des raisons d’être optimistes. Je pense que la jeunesse en Afrique est mieux équipée que notre génération, mieux informée », a estimé l’homme d’affaires soudanais naturalisé britannique.
Dans l’indice, les cinq pays les plus performants en matière de gouvernance, en prenant en compte l’ensemble des indicateurs, sont l’île Maurice, suivi des Seychelles, de la Tunisie, du Cap-Vert et du Botswana. Mais là aussi, la Fondation appelle à la prudence. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, bien que Maurice se classe premier en Afrique, la Fondation Mo-brahim note une détérioration de plusieurs indicateurs, comme l’insécurité, ce qui aboutit à une dégradation
des conditions de vie des citoyens.
Le Soudan du Sud est dernier derrière la Somalie et l’Érythrée. Quant à la Gambie, c’est le pays dont la gouvernance a le plus progressé depuis 2012 alors qu’à l’inverse, c’est en Libye qu’elle a le plus reculé.
Le Point