Une série d’opérations de « démantèlement » de « zones criminogènes » menées par les autorités guinéennes à Conakry a conduit à des expulsions de résidents sierra-léonais. S’en est suivi un ballet diplomatique et des rumeurs de réciprocité qui titillent les réseaux sociaux.
-
Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Les Sierra-Léonais ont-ils été ciblés par les autorités sécuritaires guinéennes ? Le 9 décembre dernier, la Guinée lançait une opération anticriminalité d’envergure, dans le but de « démanteler » la délinquance et la criminalité organisée, d’abord dans plus de 400 zones qualifiées de « criminogènes » dans les 13 communes de Conakry. Dans le collimateur des forces de l’ordre, se trouvent notamment les acteurs des trafics de migrants et de drogue. Parmi les personnes interpellées figuraient des dizaines de Sierra-Léonais résidant dans la capitale guinéenne.
Au lieu d’être présentés à un juge guinéen pour que les faits et les responsabilités soient établis, ces ressortissants étrangers ont plutôt été expulsés dans leur pays. Rapidement, les réseaux sociaux ont relayé une présumée indignation de l’ambassade de Sierra-Leone en Guinée. Le procureur guinéen en charge de l’opération de sécurité a indiqué que ses agents ne ciblaient « pas spécifiquement les citoyens sierra-léonais » et que la nationalité des contrevenants présumés n’avait été constatée qu’après les coups de filet. Rapidement, le ministre guinéen des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, s’est rendu à Freetown pour y rencontrer le président sierra-léonais Julius Maada Bio.
la suite après cette publicité
Diplomatie et réseaux sociaux
Les responsables de la politique sécuritaire guinéenne ne semblent pas être ébranlés par l’esquisse d’un incident diplomatique entre Conakry et Freetown. L’opération anticriminalité est appelée à se poursuivre au moins jusqu’à la fin du mois de décembre. Après les quartiers de la capitale, il est question d’assainir les zones criminogènes des grandes villes régionales comme Kindia et Boké. Les ports de pêche comme Mamou ont la réputation d’être des lieux de transit pour l’importation de drogue.
Comme d’habitude, les tentatives d’apaisement diplomatique n’empêchent pas les internautes de débattre, chacun commentant les refoulements manu militari. Le twittos « @KarabaLa224 » félicite les forces de l’ordre guinéennes qui mettent hors d’état de nuire ceux qui « utilisent de manière anarchique des lieux publics » et s’adonnent « à la vente de drogues ». Plus pondéré, « @Djamonfof » tente de déminer le risque de l’essentialisation, insistant sur le fait que ce ne sont pas tous les Sierra-Léonais « qui font des mauvais trucs ». À l’argument d’une enquête guinéenne préférable à une expulsion, le premier rappelle que les prisons sont surpeuplées : « On fait comment ? On les envoie à l’ambassade de Sierra-Leone ? »
Risque de réciprocité
Comme l’a évoqué, ce 21 décembre, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, l’expulsion des Sierra-Léonais risque de provoquer une réponse, sur le même mode, du berger à la bergère, autrement dit des refoulements de Guinéens de Sierra-Leone.
Selon le site d’information Sierraloaded, les autorités de Freetown auraient déjà enclenché cette logique de réciprocité, en souhaitent expulser tout Guinéen en conflit avec la loi sierra-léonaise. Conakry n’a pas souhaité confirmer des informations faisant état de dizaines de cas de reconduite à la frontière.
jeuneafrique