Le quotidien britannique The Guardian le qualifie de « successeur préféré inavoué » de Nicola Sturgeon. Cette dernière a cédé sa place de Première ministre écossaise, mardi 28 mars, à Humza Yousaf, élu la veille nouveau chef du parti indépendantiste écossais (SNP). Fervent partisan de l’indépendance, premier dirigeant de l’Ecosse à être issu d’une minorité ethnique, Humza Yousaf va devoir relever le défi de succéder à son ancienne patronne, qui a gouverné pendant huit ans, et imprimer sa marque au sein du parti.
Il va être élu Premier ministre d’Ecosse
Arrivé à la tête du SNP, lundi, à 37 ans, Humza Yousaf a été formellement élu Premier ministre de l’Ecosse, mardi, par le Parlement local. Il doit ensuite être officiellement nommé à ce poste par mandat royal et prêter serment mercredi devant la Court of Session, la Cour suprême écossaise. Humza Yousaf se voit ainsi propulsé à la tête du pays à l’issue d’un scrutin interne déclenché par la démission surprise de Nicola Sturgeon, le mois dernier, après huit ans en poste.
Humza Yousaf s’est s’imposé face à la ministre des Finances Kate Forbes, aux positions conservatrices, et Ash Regan, une ancienne membre du gouvernement local. Aucun candidat n’ayant recueilli plus de 50% des suffrages dans ce scrutin où les électeurs classent les candidats par ordre de préférence, il a remporté l’élection au deuxième décompte, recueillant 52,1% des voix. Jusqu’alors ministre de la Santé, il a auparavant eu la charge de différents portefeuilles ministériels comme la justice ou les transports.
C’est un proche de Nicola Sturgeon
Né à Glasgow, Humza Yousaf a fait sa scolarité dans une école privée, puis a étudié les sciences politiques à l’université de sa ville natale. Il a travaillé dans un centre d’appels avant de devenir assistant d’Alex Salmond, le prédécesseur de Nicola Sturgeon comme chef du SNP. Très proche de cette dernière, il est considéré comme le candidat de la continuité. Le nouveau patron du parti indépendantiste a « le même agenda progressiste » que sa prédécesseure, « promettant de défendre son projet de loi Gender Recognition Reform Bill (qui permet d’obtenir un changement de genre dès 16 ans) contre un veto du Parlement britannique », note Cécile Ducourtieux, correspondante du Monde (article payant) au Royaume-Uni.
Humza Yousaf va devoir montrer sa capacité à ouvrir une nouvelle page de l’histoire du parti, au moment où le combat pour l’indépendance semble au point mort, ravivant les divisions au sein du SNP et aiguisant les appétits de l’opposition à un an et demi environ des prochaines élections locales.
La tâche ne s’annonce donc pas aisée. « Au sein de son parti, la Première ministre sortante a indéniablement laissé un vide », souligne Courrier international (article payant), citant le journal britannique The Times et le quotidien écossais The Herald. « Aucun des candidats n’a semblé capable d’imposer son autorité au parti », assène le Times, pour qui les vrais vainqueurs du scrutin se trouvent à Londres, chez les partisans de l’unité du Royaume-Uni. « On s’y frotte les mains, parce qu’on considère en plus Humza Yousaf comme un gaffeur, associé aux échecs de Nicola Sturgeon », renchérit le Herald.
C’est un partisan de l’indépendance écossaise
A la suite de son élection à la tête du SNP, lundi, Humza Yousaf a promis de faire partie de « la génération qui obtiendra l’indépendance », soulignant que « le peuple » écossais a « besoin de l’indépendance dès maintenant, plus que jamais ». De quoi faire vivement réagir Londres. Downing Street a répliqué que les Ecossais voulaient des responsables « qui se concentrent sur les problèmes les plus importants pour eux : réduire l’inflation, traiter la crise du coût de la vie et réduire les listes d’attente » dans le système de santé.
Après la victoire à 55% du « non » au référendum de 2014, le débat sur l’indépendance a été relancé par la sortie de l’Union européenne, à laquelle 62% des Ecossais étaient opposés, à rebours du reste du Royaume-Uni. Mais le soutien à l’indépendance, au cœur du programme du SNP, est actuellement en stagnation dans l’opinion. Selon une enquête YouGov du 13 mars pour la chaîne Sky News, 46% des Ecossais sondés se prononcent pour l’indépendance (contre 50% en février). En incluant les indécis, la proportion chute à 39%.
Sur le sujet, Humza Yousaf s’est engagé lundi à lancer un mouvement populaire en faveur de l’autodétermination. Et ce, même si la Cour suprême britannique a jugé l’an dernier impossible d’organiser un nouveau référendum sans l’accord de Londres, qui s’oppose fermement à un tel scrutin.
C’est la première personne racisée à occuper le poste de Premier ministre en Ecosse
D’origine pakistanaise et indienne, Humza Yousaf est aussi le premier dirigeant musulman d’un important parti politique au Royaume-Uni. En 2011, lors de sa première élection au Parlement écossais, il a prêté serment en anglais et en ourdou. Après sa victoire, lundi, il a rendu hommage à ses grands-parents paternels, venus du Pakistan il y a 60 ans. « Ils n’auraient pu imaginer dans leurs rêves les plus fous que leur petit-fils deviendrait un jour le prochain Premier ministre d’Ecosse. » « Cela nous rappelle que nous devrions (…) toujours célébrer les immigrés, qui contribuent tellement à notre pays », a-t-il ajouté, dans une pique à peine voilée aux velléités du gouvernement britannique de durcir les conditions d’asile au Royaume-Uni.
Lors de sa dernière apparition au Parlement en tant que Première ministre la semaine dernière, Nicola Sturgeon avait d’ailleurs appelé à l’unité, notant que son successeur serait soit la seconde femme à devenir Première ministre, soit le premier dirigeant issu d’une minorité ethnique. « Quelle que soit l’issue [du vote], cela enverra le message très puissant que n’importe quel jeune en Ecosse peut aspirer à occuper le plus haut poste du pays », avait-elle déclaré.
En évoquant ses débuts en politique, Humza Yousaf a raconté avoir subi des attaques et commentaires racistes, en particulier après les attentats du 11 septembre 2001. « J’ai été victime d’une énorme quantité d’attaques en ligne et, malheureusement, parfois aussi en face à face », a-t-il rapporté. Il assure que son expérience le conduira à défendre les droits de toutes les minorités, dont ceux des homosexuels et des personnes transgenres.