Coupe du monde 2022 : cinq preuves que la technologie n’a pas réglé tous les débats liés à l’arbitrage
3 décembre 2022
Il est loin, le temps où la Coupe du monde basculait sur un but de la main ou un ballon n’ayant jamais franchi la ligne… Aujourd’hui, la Fifa promet une Coupe du monde presque débarrassée des erreurs de jugement grâce à la technologie. Outre l’arbitrage assisté par vidéo (VAR) et les capteurs permettant de savoir si un ballon a franchi la ligne de but, le Qatar a vu arriver le traçage du ballon au millimètre et la détection semi-automatique des situations de hors-jeu.
Ces outils peuvent changer le cours d’un match à un orteil près, mais aucun n’a mis fin aux polémiques sur l’arbitrage. Au contraire, ils en ont même déclenché de nouvelles. Tour d’horizon en cinq exemples relevés pendant la compétition.
1Le ballon sur la ligne de Japon-Espagne
La victoire du Japon contre l’Espagne, responsable de l’élimination de l’Allemagne, jeudi soir, repose sur un but litigieux qui a continué de diviser au lendemain du match. A la 50e minute, Kaoru Mitoma s’arrache au bout de la surface pour tacler un ballon qui se dirigeait hors du terrain et le remettre devant le but, où Ao Tanaka le reprend pour porter le score à 2-1. Le ballon est-il sorti en six mètres avant d’être touché par Mitoma ? Dans un premier temps, l’arbitre assistant lève son drapeau pour le signaler, mais l’arbitre central décide, après discussion avec l’arbitre chargé de la vidéo mais sans visionner lui-même les images, de valider le but japonais. Sans convaincre tout le monde.
Ce débat souligne en partie une méconnaissance de la règle : un ballon n’est dehors que s’il a entièrement franchi la ligne, y compris sa partie qui n’est pas en contact avec la pelouse. Il illustre aussi à quel point une même situation apparaît de façon très différente selon l’angle de vue. Si les images du match à vitesse réelle donnaient la nette impression que le ballon était sorti, une photo prise dans l’axe du but, reprise par des nombreux médias après la rencontre, permet de voir que tout se joue à un cheveu.
L’attirail technologique de la Fifa a-t-il aidé les arbitres sur cette action ? La Goal Line Technology, qui permet de déterminer si le ballon a franchi la ligne du but, ne peut théoriquement pas être employée ailleurs sur le terrain. Mais les arbitres se sont servis des images d’une caméra installée dans l’alignement du but pour analyser l’action du Japon, a expliqué la Fifa sur Twitter vendredi. « D’autres caméras peuvent donner des images trompeuses, mais, sur la base des éléments disponibles, le ballon n’était pas entièrement sorti du jeu », tranche la fédération.
2Le hors-jeu au millimètre de Croatie-Belgique
Ce Mondial marque une nouvelle étape dans l’essor de la technologie dans le football : un système semi-automatique (déjà vu en Ligue des champions) sert désormais à juger les situations de hors-jeu. Douze caméras capturent en permanence la position du corps des joueurs, tandis qu’un capteur dans le ballon informe de sa position exacte, explique la Fifa. Résultat : d’étranges modélisations en 3D de joueurs sans visage, qui aident à déterminer leur position au moment de la passe. Les spectateurs l’ont découvert dès la 3e minute du match d’ouverture, quand un but de l’Equateur contre le Qatar a été annulé pour quelques centimètres de tibia mal placés.
Le bien-fondé de ce système, qui conduit à siffler le hors-jeu pour un dépassement infime, ne fait pas l’unanimité. Le match entre la Croatie et la Belgique, jeudi, a fourni l’exemple le plus parlant : alors que le Croate Luka Modric se tenait prêt à tirer un penalty, l’arbitre l’a annulé pour une position illicite au moment de la faute. Une position très difficile à remarquer sur la modélisation fournie aux arbitres (les Croates jouent en blanc) :
Etait-il judicieux d’annuler le penalty, alors que le règlement n’autorise l’emploi de la VAR que pour corriger une erreur « manifeste », selon les lois du jeu ? Quoi qu’il en soit, ce coup du sort n’a pas empêché l’élimination de la Belgique par la Croatie à l’issue d’un match nul (0-0).
3Le but fantôme de France-Tunisie
Quand la technologie n’est pas remise en cause, ce sont les règles de son utilisation qui compliquent les choses. Et qui expliquent que le score de France-Tunisie, mercredi, n’est toujours pas définitivement établi, la Fédération française de football ayant déposé une réclamation contre l’annulation d’un but d’Antoine Griezmann qui avait permis aux Bleus de revenir à 1-1. Aidé par la VAR, l’arbitre a jugé que la position de hors-jeu du Français au départ de l’action invalidait son but, bien qu’un Tunisien ait tenté de dégager le ballon.
La FFF ne conteste pas cette interprétation. Mais elle relève que l’arbitre avait déjà interrompu la partie, puis fait jouer l’engagement consécutif au but et sifflé la fin du match, avant de revenir sur sa décision initiale. Le protocole du Board, l’organisation qui détermine les règles du football, prévoit pourtant que l’arbitre ne peut pas analyser à nouveau une action « si le jeu a repris après avoir été arrêté », à l’exception de cas très particuliers qui n’incluent pas le hors-jeu. La Fifa n’a pas réagi à la réclamation de la FFF, sans réel effet sur le classement : la France termine en tête de sa poule malgré sa défaite et la Tunisie est tout de même éliminée. « Je suis déçu, mais nous avons été gentils, car nous étions déjà qualifiés », a commenté Antoine Griezmann vendredi.
4Des penalties débattus malgré la VAR
Même dans des cas plus classiques, l’assistance vidéo n’a pas permis d’évacuer tous les conflits au sujet de l’arbitrage. On le sait depuis son introduction en 2018 lors du Mondial en Russie, et de nouveaux exemples ont émergé au Qatar. Après une défaite face au Portugal (3-2), l’entraîneur du Ghana a attribué le résultat à « l’arbitre » et au fait qu’il n’ait pas visionné lui-même les images de la faute ayant entraîné l’attribution d’un penalty pour le Portugal, qu’il juge inexistante. « J’ai demandé à des personnes de la Fifa si je pouvais parler calmement à l’arbitre. Elles m’ont dit qu’il avait une réunion et que c’était impossible », a déploré Otto Addo.
Le débat a parfois lieu sur le terrain, comme pendant Argentine-Pologne, alors que l’arbitre visionnait les images d’une action litigieuse : tentant de dégager un ballon aérien, le gardien polonais Wojciech Szczesny a percuté le visage de Lionel Messi. En attendant le verdict, le portier a proposé à son rival de miser 100 euros sur le fait que le penalty ne serait pas accordé, a-t-il raconté en conférence de presse. Szczesny a perdu son pari. Mais il s’est rattrapé en repoussant la tentative de l’Argentin, sans pour autant empêcher la défaite de son équipe (2-0).
5L’attribution d’un but contestée par Cristiano Ronaldo
Certaines décisions font débat même quand elles n’ont aucune incidence sur le score d’un match. Face à l’Uruguay, Cristiano Ronaldo pensait avoir ouvert le score de la tête sur un centre de Bruno Fernandes, célébrant avec exubérance son deuxième but de la compétition. Sur les images, pourtant, l’attaquant semble rater d’un cheveu le ballon, qui ne dévie pas de sa trajectoire initiale pour terminer dans les filets. Raison pour laquelle le but a été attribué à son coéquipier, qui n’avait jamais marqué dans un Mondial.
Une décision qui n’a pas entamé la persévérance du buteur portugais, persuadé d’avoir marqué. « Ronaldo m’a confirmé que sa tête avait touché le ballon », a assuré le lendemain le journaliste britannique Piers Morgan. Une fois encore, la technologie s’est invitée dans le débat. Dans un communiqué, Adidas affirme que les capteurs intégrés au ballon n’ont mesuré « aucune force extérieure exercée sur le ballon », prouvant de façon « définitive » l’erreur de Cristiano Ronaldo