Conflit entre Israël et le Hamas : trois questions sur le plan pour l’après-guerre à Gaza présenté par le ministre de la Défense israélien

Conflit entre Israël et le Hamas : trois questions sur le plan pour l’après-guerre à Gaza présenté par le ministre de la Défense israélien

5 janvier 2024 Non Par Doura

 

Yoav Gallant a dévoilé jeudi soir son plan selon lequel il n’y aura « ni Hamas » ni « administration civile israélienne » en place dans le territoire palestinien au terme des combats.
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Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a présenté pour la première fois, jeudi 4 janvier, un plan pour l’après-guerre à Gaza, où Israël poursuit ses bombardements et ses opérations au sol vendredi. Israël a juré de « détruire » le mouvement islamiste après son attaque sur le sol israélien le 7 octobre, qui a fait près de 1 200 morts et 250 otages, dont une centaine ont été libérés lors d’une trêve fin novembre. Depuis, cette guerre a fait 22 600 morts dans la bande de Gaza, majoritairement des femmes et des mineurs, selon les chiffres diffusés vendredi par le ministère de la Santé du Hamas mais invérifiables de manière indépendante.

Le plan de Yoav Gallant, qui doit encore recevoir l’aval du gouvernement, prévoit la poursuite des opérations militaires israéliennes à Gaza jusqu’au « retour des otages », au « démantèlement des capacités militaires et de gouvernance du Hamas » et à « l’élimination des menaces militaires ». 

Plusieurs projets concernant l’avenir de l’enclave palestinienne après la chute du Hamas sont déjà sur la table, la plupart portés par l’extrême droite. Ces plans, qui prévoient le transfert forcé des Palestiniens de Gaza et le retour de colons israéliens dans l’enclave, ont été jugés « provocateurs » et « incendiaires » par les Européens. Ce nouveau scénario du « jour d’après » est porté par un ministre plus modéré. Voici ce que l’on en sait.

1 Que prévoit le plan du ministre de la Défense ?

« Il n’y aura pas de présence civile israélienne dans la bande de Gaza », assure Yoav Gallant. Une fois les objectifs israéliens atteints, « ni Hamas, ni Israël ne dirigeront Gaza après la guerre », promet le ministre de la Défense. D’après le quotidien israélien The Times of Israël, si son plan est mis en œuvre, une nouvelle administration palestinienne sous contrôle israélien devra se limiter aux affaires courantes, comme la « gestion des eaux usées, l’électricité, l’eau et l’aide humanitaire ». Des civils palestiniens « seront en responsabilité, à la condition qu’il n’y ait aucune action hostile ou menace contre l’Etat d’Israël », précise le plan du ministre.

Autre pilier de ce plan : la reconstruction économique de ce territoire qui compte plus de 2 millions d’habitants. Cette mission serait confiée à une force internationale dirigée par les Etats-Unis, composée des pays arabes signataires des accords d’Abraham et de plusieurs pays européens, précise The Times of Israël.

Sur le volet sécuritaire, Yoav Gallant affirme que l’armée israélienne garderait « sa liberté d’action » dans la bande de Gaza pour y juguler toute « menace éventuelle« . « Sans limites », souligne le ministre de la Défense, cité par la chaîne d’information israélienne i24NEWS. Le ministre n’a pas précisé pas si l’Etat hébreu maintiendrait une force d’occupation ou des capacités militaires à Gaza après la fin des combats.

Enfin, Yoav Gallant demande un renforcement de la coopération israélo-égyptienne à la frontière entre Gaza et le territoire égyptien du Sinaï. Ce rapprochement entre les deux pays aurait pour but d’« assurer l’étanchéité efficace de la frontière entre Gaza et l’Egypte, et le contrôle de l’entrée des marchandises par des moyens physiques et technologiques », explique-t-il à i24NEWS.

2 Le gouvernement israélien est-il uni autour de ces propositions ?

En excluant le retour des colons dans l’enclave palestinienne, le ministre de la Défense se met à dos l’extrême droite israélienne. « Le plan (…) pour le ‘jour d’après’ est une répétition du ‘jour d’avant’ le 7 octobre. Il faut être capable de sortir des sentiers battus », tacle le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, cité par i24NEWS. Ce dernier milite pour une très contestée « émigration volontaire » des Palestiniens et une « nouvelle colonisation » israélienne. Son collègue d’extrême droite, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, avait aussi appelé, dimanche, à un retour des colons israéliens dans la bande de Gaza. « Pour avoir la sécurité, explique-t-il, nous devons contrôler le territoire et pour cela, nous avons besoin d’une présence civile sur place ».

Selon Thomas Vescovi, chercheur indépendant spécialiste du territoire palestinien et membre du comité de rédaction de Yaani.fr, il faut également analyser cette initiative du ministre de la Défense à la lumière des dynamiques internes au sein du gouvernement : « Il refuse de se positionner dans la lignée des ministres d’extrême droite du gouvernement Nétanyahou. » « Il y a fort à parier que des élections anticipées aient lieu en 2024. Grâce à ce plan, il peut se positionner comme une alternative à Nétanyahou n’ayant pas cédé aux sirènes de l’extrême droite », souligne le chercheur.

3 Ce plan peut-il être soutenu par la communauté internationale ?

« Ce n’est pas le pire des plans », a analysé Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, vendredi sur franceinfo« Les pires, ce sont les gens qui raisonnent comme les Américains face aux Indiens pendant la colonisation », ceux qui « veulent faire partir les deux millions d’habitants de la Cisjordanie, mettre la main sur Gaza, réinstaller des colons à Gaza », a poursuivi le diplomate français.

Pour Laure Foucher, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, « Le plan de Yoav Gallant est extrêmement vague et élude tous les points complexes et de dissensions en interne et avec les Etats-Unis de la question de l’après-guerre, comme la gestion sécuritaire et le retour de l’Autorité palestinienne ». C’est en effet une piste défendue par les Etats-Unis, allié de poids d’Israël. « Tout plan de gouvernement futur à Gaza doit inclure une gouvernance palestinienne et une unification de Gaza avec la Cisjordanie, sous l’égide de l’Autorité palestinienne » aujourd’hui au pouvoir en Cisjordanie, avait insisté le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken en novembre 2023 lors d’une visite en Israël. L’absence de cette hypothèse dans le plan de Yoav Gallant pourrait lui coûter le soutien précieux des Américains.

La stratégie du ministre reste également floue sur le volet économique. « Il mentionne un mécanisme international d’aide pour Gaza, mais qui financera la reconstruction et sous quelles conditions ? » s’interroge Laure Foucher, qui observe que de « nombreuses inconnues » subsistent dans le plan proposé par le ministre.

Francetvinfo.fr