Le chef d’une coalition de groupes rebelles, incluant le M23, a affirmé ce dimanche 26 janvier soir avoir pris Goma, la principale ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il a fixé un ultimatum aux forces gouvernementales pour déposer les armes avant lundi 03h00 (01h00 GMT), a rapporté Reuters. Willy Ngoma, un porte-parole du M23 a déclaré que l’ultimatum de 48 heures adressé aux forces congolaises avait expiré. « Elles peuvent désormais remettre leurs équipements militaires à la Monusco », a-t-il ajouté, menaçant de prendre le contrôle total de Goma, capitale du Nord-Kivu.
Lors de la réunion, l’ambassadeur de France auprès de l’ONU, Nicolas de Rivière, a fermement condamné l’offensive du M23 et le soutien présumé du Rwanda. « Le M23 doit immédiatement cesser son offensive et se retirer des territoires conquis », a-t-il déclaré, dénonçant une violation de la Charte des Nations unies. Les États-Unis, par la voix de Dorothy Shea, ont également appelé à un cessez-le-feu et envisagent des mesures pour tenir les responsables de l’escalade pour responsables. L’ambassadeur britannique James Kariuki a exigé l’arrêt immédiat des attaques contre les forces de maintien de la paix.
De son côté, le Rwanda a rejeté les accusations, affirmant que la crise aurait pu être évitée si Kinshasa avait fait preuve de « sincérité dans son engagement pour la paix », selon l’ambassadeur rwandais Ernest Rwamucyo.
Pendant ce temps, les combats continuent. Selon plusieurs sources locales, les rebelles se sont approchés de l’aéroport de Goma dimanche après-midi, tandis que des coups de feu et tirs d’artillerie résonnaient aux abords de la ville. L’électricité était toujours coupée, plongeant Goma dans le noir. La chef de la mission onusienne en RDC, Bintou Keita, a affirmé devant le Conseil de sécurité que le M23, soutenu par des éléments rwandais, avait atteint les abords de Goma. « Les routes sont bloquées, et l’aéroport n’est plus accessible pour des évacuations ou des opérations humanitaires », a-t-elle précisé.
La progression des rebelles a provoqué un nouvel exode massif. Selon l’ONU, plusieurs camps de déplacés autour de Goma, abritant plus de 300 000 personnes, se sont vidés en quelques heures.
Une nouvelle escalade dans une guerre interminable qui ravage depuis plus de trente ans l’est de la République démocratique du Congo. La situation s’est détériorée, la semaine dernière. Après la prise de Minova mardi, les rebelles ont poursuivi leur progression en s’emparant de la ville de Saké, située à seulement 20 km de Goma, selon plusieurs sources locales. Pendant ce temps, l’armée congolaise fait état de combats acharnés sur plusieurs fronts causant le décès du gouverneur du Nord-Kivu, le Général Peter Cirimwami Nkuba, décédé jeudi, selon une source gouvernementale citée par Reuters et confirmant une information des Nations unies. « Il aurait succombé ce matin alors qu’il était transféré par avion de Goma pour recevoir des soins », précise un rapport de l’ONU.
Jean-Jacques Purusi, gouverneur du Sud-Kivu, a confirmé à Reuters que Minova était tombée aux mains des rebelles. Toutefois, Sylvain Ekenge, porte-parole de l’armée congolaise, n’a pas précisé qui contrôlait la ville, se contentant d’annoncer que « l’ennemi a percé jusqu’à Bweremana au Nord-Kivu et Minova au Sud-Kivu ». Il a également accusé « l’armée rwandaise et ses supplétifs » de soutenir le M23, tout en affirmant que les combats se poursuivaient sur plusieurs fronts.
De son côté, Corneille Nangaa, chef de l’Alliance du fleuve Congo (AFC), un mouvement antigouvernemental regroupant notamment le M23, a déclaré : « Minova est sous notre contrôle. »
La chute successive de Minova et de Saké place désormais Goma, une ville stratégique de plus d’un million d’habitants, dans la ligne de mire des rebelles. La communauté internationale observe avec inquiétude cette escalade, alors que les affrontements risquent de dégénérer en une crise humanitaire et un conflit régional de plus grande ampleur.
À l’international, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont mis en garde dès jeudi leurs ressortissants, les incitant à quitter si possible la capitale du Nord-Kivu.
L’ambassade de France a réagi ce vendredi 24 janvier à la situation sécuritaire dans la sous-région. « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire et de la volatilité de la situation à Goma, il est recommandé de se mettre à l’abri et de quitter Goma temporairement par voie terrestre au plus tôt », explique la diplomatie française.
Déplacements de population
La situation à Minova reste extrêmement tendue, a alerté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). Les combats incessants ont poussé une grande partie des habitants, dont beaucoup étaient déjà des déplacés internes, à fuir vers le sud. Selon l’organisation, plus de 178 000 personnes ont été déplacées entre le 4 et le 20 janvier à cause des affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23. Cette nouvelle vague de déplacements vient encore aggraver une crise humanitaire déjà critique dans la région.
La plupart des organisations nationales et internationales opérant dans la zone ont suspendu temporairement leurs activités pour des raisons de sécurité. « Si les travailleurs humanitaires se retirent, tous ces déplacés seront livrés à eux-mêmes », a averti un coordinateur d’une ONG internationale interrogé par Reuters.
À Genève, Matthew Saltmarsh, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a souligné l’urgence de la situation. « Beaucoup ont passé la nuit dernière à dormir dans les rues et les espaces verts de la ville », a-t-il déclaré lors d’un point de presse. Les besoins humanitaires, notamment en matière d’abris, de nourriture et de soins médicaux, augmentent de façon alarmante alors que la région reste plongée dans l’incertitude et le chaos.
La progression du M23 se poursuit dans l’Est
Le ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, a annoncé à Reuters que l’armée avait repoussé l’avancée des rebelles du M23 à Saké lors d’une contre-offensive. « Les autorités militaires assurent que toutes les mesures sont prises pour sécuriser et protéger Goma et ses environs », a-t-il déclaré.
Cependant, cette escalade militaire coïncide avec une crise diplomatique majeure entre Kinshasa et Kigali. Le processus de paix de Luanda, conduit sous l’égide du président angolais João Lourenço, a échoué à produire des résultats concrets, tandis que les pourparlers de Nairobi entre les groupes armés et le gouvernement congolais restent dans l’impasse. Pendant ce temps, le M23 poursuit son avancée stratégique vers le Sud-Kivu, exacerbant les inquiétudes.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé ses préoccupations face à l’intensification des combats. « Cette offensive a des conséquences dévastatrices sur la population civile et accroît le risque d’une guerre régionale plus large », a averti jeudi son porte-parole, Stéphane Dujarric. Guterres a appelé « tous les acteurs à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo et à cesser tout soutien aux groupes armés ».
Malgré les efforts de l’armée congolaise, le M23 continue de s’imposer comme une force redoutable dans la région du Nord-Kivu. Soutenu, selon Kinshasa et l’ONU, par le Rwanda et, dans une moindre mesure, par l’Ouganda, le groupe rebelle contrôle plusieurs localités stratégiques.
Grâce à sa maîtrise du terrain et à d’éventuels soutiens locaux, le M23 est parvenu à sécuriser des positions clés, notamment Bunagana, un poste frontalier vital pour le commerce régional. Cette occupation leur permet de générer des revenus via une taxation informelle. Par ailleurs, la région regorge de ressources naturelles, notamment des minerais et des produits forestiers, alimentant davantage les enjeux économiques du conflit.
La ville de Goma, avec ses plus d’un million d’habitants, reste à portée des rebelles. Sa chute constituerait un coup dur pour Kinshasa et renforcerait encore l’instabilité dans une région déjà ravagée par des décennies de conflits.
La Turquie propose une médiation
En réalité, les plaies du génocide de 1994 au Rwanda voisin ne se sont jamais refermées. Le M23 tire son nom d’un accord du 23 mars 2009 signé entre le gouvernement congolais et des groupes rebelles. Ces derniers accusent le gouvernement d’avoir violé cet accord. Le groupe affirme défendre les intérêts des Tutsis contre les milices hutues, dont certains dirigeants ont participé au génocide rwandais de 1994. Il est accusé par Kinshasa et l’ONU de bénéficier du soutien du Rwanda. Selon ces accusations, Kigali chercherait à neutraliser les Hutus réfugiés au Congo depuis 1994, à sécuriser ses frontières et à contrôler une région riche en ressources minières, des allégations que le Rwanda réfute catégoriquement. L’Ouganda, également soupçonné d’appuyer le M23, se retrouve lui aussi sous le feu des critiques. Ce conflit, qui pourrait raviver des tensions ethniques profondes, représente une menace pour la stabilité de toute la région.
Déjà en 2012, le M23 s’était illustré en occupant brièvement Goma. Un cessez-le-feu négocié par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) avait permis sa démobilisation, mais les combats ont repris en 2021, marquant une nouvelle escalade. Le Rwanda se retrouve aujourd’hui isolé dans la région, ses voisins tels que le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda et le Burundi ayant été autorisés à déployer des forces en RDC dans le cadre de la Communauté d’Afrique de l’Est, à l’exclusion de Kigali. Face à ces tensions, « la Turquie est prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo », a déclaré le président Recep Tayyip Erdogan lors de sa rencontre avec son homologue rwandais, Paul Kagame, le 23 janvier à Ankara. Cette annonce, relayée par l’agence de presse officielle Anatolie, souligne la volonté d’Ankara de jouer un rôle clé dans la résolution des tensions entre les deux pays d’Afrique centrale.
Le ministère des Affaires étrangères de la RDC a demandé une réunion publique urgente du Conseil de sécurité de l’ONU. « Le gouvernement congolais souligne que cette crise est avant tout le résultat de l’inaction du Conseil, malgré l’internationalisation du conflit et les preuves évidentes de la présence rwandaise sur le sol congolais », a déclaré le ministère sur X (anciennement Twitter).
AFP