Bassirou Diomaye Faye peut-il transformer le Sénégal ?

Bassirou Diomaye Faye peut-il transformer le Sénégal ?

27 avril 2024 Non Par LA RÉDACTION

 

ANALYSE. Un peu moins d’un mois après son élection, le président sénégalais est attendu au tournant. Gouvernance, relance économique : la population veut voir le pays changer rapidement, et en profondeur.

Par Tidiane Dioh*

Bassirou Diomaye Faye a été investi début avril après sa victoire à la présidentielle sur la promesse de changer le système.
Bassirou Diomaye Faye a été investi début avril après sa victoire à la présidentielle sur la promesse de changer le système. © Stefan Kleinowitz/AP/SIPA

LSénégal revient de bien loin. Il aura fallu deux révoltes populaires, en mars 2021 puis en juin 2023, et une révolution pacifique pour qu’advienne l’alternance démocratique du 24 mars 2024, obtenue à l’issue d’un scrutin, historique à tout point de vue.

Projet de transformation systémique

Le << projet de transformation systémique >>> auquel le président de la République convie les Sénégalais passe par la mère des réformes, celle du service public, dont l’esprit est résumé dans sa lettre adressée aux fonctionnaires et agents, qu’il qualifie de << colonne vertébrale de l’administration » et « cœur battant du Sénégal ». Dans cette correspondance aux allures de programme de gouvernance pour les cinq prochaines années, le chef de l’État engage l’administration à plus de transparence et d’intégrité. Il ambitionne, dans le même élan, de moderniser la justice trop souvent accusée d’être inféodée au pouvoir politique, de promouvoir la bonne gouvernance et la reddition des comptes.

 

Et pour ce faire, il encourage les lanceurs d’alerte à partager, en toute sécurité, des informations se rapportant à des irrégularités ou des pratiques contraires à l’éthique et à la loi. L’opération n’est pas sans risque dans une nation aux sangs et familles mêlés. Et d’ordinaire, le pays est rétif à la délation et la culture de la transparence dans les affaires publiques n’est pas enracinée.

Enfin, Bassirou Diomaye Faye veut aussi engager une réforme du système électoral qui l’a fait élire et réduire les partis politiques, trop nombreux : près de 340 dans un pays d’à peine 18 millions d’habitants.

Reste à savoir si, face à ce que Jaurès nommait << l’insensible fuite des jours », le temps et l’énergie consacrés aux réformes de l’administration et aux audits ne risquent pas de distraire le gouvernement des autres urgences: la réduction du coût de la vie et l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, l’emploi des femmes, mais surtout des jeunes tentés par l’appel des mers, qui, ces dernières années, ont pu avoir la sensation que plus rien n’est possible dans leur pays.

Or, si le nouveau gouvernement venait à dissoudre l’actuelle Assemblée nationale dans laquelle il reste minoritaire, c’est aussi sur ces sujets sociaux que se jouera, en partie, le sort des prochaines élections législatives qui pourraient se tenir fin 2024.

Intégration africaine et souveraineté

Le << projet de transformation systémique >>> ne sera pas que national. Le ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, dont l’intitulé résume à lui seul l’ordre des priorités et le changement de paradigme, donne à penser que, au plan diplomatique, l’Afrique sera le marqueur du gouvernement. Le président Faye s’est rendu en Mauritanie le 18 avril, puis en Gambie le 20 avril. Les relations avec les voisins immédiats devraient être la pierre angulaire de la politique étrangère du Sénégal. Pourtant, si le pays veut << tenir son rang », il devra bien garder une vision globale sur les affaires du continent et du monde. La sécurité et la stabilité du  Sénégal, futur État pétrolier et épicentre d’une région ouest-africaine convulsée, dépendront, en grande partie, de l’état de la planète.

La << souveraineté », qui repose essentiellement sur la défense des intérêts nationaux et irrigue tout le projet réformateur du nouveau pouvoir, se décline sous différents registres.

Pour atteindre la souveraineté alimentaire, le gouvernement fait le pari d’un retour de la jeunesse vers une agriculture adossée à une économie rurale collectiviste qui revitaliserait les coopératives paysannes. C’est sur celles-ci que reposait jadis la filière agricole du Sénégal.