Ils sont plusieurs dizaines de partisans à se presser contre les grilles du palais présidentiel, ce 3 juillet au soir. Macky Sall vient tout juste d’achever son « adresse à la nation », dans laquelle il a fini par annoncer ne pas vouloir participer à la présidentielle du 25 février 2024. Souriant, le chef de l’État marche jusqu’aux portes du palais, où il est acclamé et félicité par ses sympathisants. Des images le montrent un peu plus tard, toujours aussi souriant, sur le pas de la porte de son domicile du quartier résidentiel de Mermoz. « C’est toi que nous voulons ! » s’exclame la foule réunie devant la maison. Macky Sall agite la main, et rentre chez lui.
« Contrairement aux rumeurs qui m’attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat, avait-il affirmé quelques heures plus tôt. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole. »
« Porte-flambeau » démocratique
Une déclaration saluée au Sénégal et au-delà. Depuis lundi soir en effet, les messages de soutien affluent. « Je salue la décision sage et salutaire de mon frère, le président Macky Sall, de ne pas se porter candidat à l’élection de 2024 », a ainsi fait savoir le patron de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui a loué un « grand homme d’État ».
Le Nigérien Mohamed Bazoum a lui aussi salué l’annonce de son homologue. « Je formule le vœu que cette décision mûrement réfléchie apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère », a-t-il déclaré. Le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló a quant à lui évoqué une « décision courageuse ». « On peut succéder à Macky Sall, mais il est difficile de le remplacer », a-t-il ajouté.
« Le président Macky Sall vient de faire preuve d’une grande intelligence politique. Ainsi, le Sénégal reste l’un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire notre continent », a insisté l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou. Lui aussi, à l’instar de l’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, en 2019, avait fait le choix de ne pas se représenter fin 2020, à l’issue de son second mandat. Une décision qui lui avait notamment valu de remporter le prix de la Fondation Mo Ibrahim pour la paix.
Guterres, Blinken et Macron satisfaits
Depuis les chancelleries occidentales, où l’on s’était déjà exprimé plus ou moins publiquement contre la perspective d’un troisième mandat, les réactions ont aussi afflué. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a ainsi exprimé « sa profonde estime » pour Macky Sall.
« La déclaration claire du président Sall est un exemple pour la région, contrairement à ceux qui cherchent à éroder le respect des principes démocratiques, y compris la limitation des mandats », a commenté le secrétaire d’État américain, Antony Blinken. « Le Sénégal démontre à nouveau la solidité de sa longue tradition démocratique », a ajouté la France, alors qu’Emmanuel Macron avait lui-même évoqué le sujet du troisième mandat le mois dernier avec son homologue sénégalais. Les deux hommes avaient notamment évoqué la possibilité d’une reconversion (à l’ONU ou au G20) si Macky Sall venait à ne pas se présenter.
Au Sénégal, les adversaires de Macky Sall et les opposants à un troisième mandat se sont dits soulagés. Le militant des droits humains Alioune Tine a même évoqué une « délivrance ». « Je dois avouer une grande émotion. Ce discours me permet de retrouver une grande partie du Macky Sall d’avril 2012 », a par ailleurs déclaré l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye.
« Mieux vaut tard que jamais. Le président Macky Sall a fini par accepter que la Constitution ne l’autorisait pas à se présenter une troisième fois, a insisté l’ancienne Première ministre Aminata Touré, qui a rompu en septembre dernier avec la majorité. J’invite désormais les Sénégalais à se mobiliser pour ne pas laisser Macky Sall décider qui doit participer ou pas à l’élection présidentielle. »
Kemi Seba reste sur ses gardes
Le militant panafricain Kemi Seba a pour sa part évoqué une « décision salutaire », mais il a prévenu : « Il serait profondément naïf que de penser qu’à la suite de ce revirement, le courant souverainiste sénégalais a gagné. Ceux qui étaient tous alliés hier contre l’hypothèse d’un troisième mandat vont se retrouver adversaires à couteaux tirés, et Macky Sall va tout faire pour en tirer avantage. Vigilance donc, car la Françafrique n’a pas dit son dernier mot. »
Les plus sceptiques ont enfin regretté que le chef de l’État sénégalais n’ait pas questionné la légalité d’une troisième candidature et rappelé le cas ivoirien : en 2020, le président Alassane Ouattara avait en effet fait une déclaration en tout point similaire à celle de Macky Sall, avant de changer d’avis après le décès de son dauphin, l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, trois mois avant le scrutin. Le dirigeant ivoirien, qui avait à l’époque évoqué « un cas de force majeure », n’a pour l’instant pas réagi officiellement à l’annonce de Macky Sall.
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