Afrique-France : vers un « nouveau modèle de partenariat » ?
4 mars 2023 Non Par LA RÉDACTIONDÉCRYPTAGE. Le président français Emmanuel Macron a présenté lundi 27 février les grandes orientations de sa politique africaine pour son second mandat.
![Le president francais doit enchainer mercredi avec une tournee dans quatre pays d'Afrique centrale: le Gabon, l'Angola, le Congo et la Republique democratique du Congo (RDC). Le president francais doit enchainer mercredi avec une tournee dans quatre pays d'Afrique centrale: le Gabon, l'Angola, le Congo et la Republique democratique du Congo (RDC).](https://static.lpnt.fr/images/2023/02/28/24218770lpw-24221269-article-jpg_9363514_660x287.jpg)
Dans un long discours oscillant entre humilité et pragmatisme, prononcé lundi 27 février 2023, sous les ors de la République, la salle des fêtes de l’Élysée, pour souligner « la solennité » et « l’importance » de son message, le président français a tenté de redéfinir une nouvelle approche de sa politique africaine, plus axée sur un partenariat avec le continent africain, dans divers secteurs tels que l’économie, la culture, le sport, mais aussi sur la question sécuritaire. Ce partenariat, qui sera le thème du sommet Sud-Nord du 23 juin à Paris, s’appliquera, par exemple, à l’économie.
Cinq ans après le fameux discours de Ouagadougou tenu dans un amphithéâtre plein à craquer de l’Université Joseph Ki-Zerbo, le président de la République, prônant, « l’humilité » et la « responsabilité », a d’abord tenu à dresser un bilan de l’action de son gouvernement vis-à-vis de l’Afrique. Emmanuel Macron estime avoir bousculé des tabous lors de son premier mandat, notamment sur le très contesté franc CFA, ou sur l’épineuse question des restitutions de biens culturels africains pillés durant l’esclavage et la colonisation. « Nous avons tenu nos engagements », a martelé le chef de l’État.
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Plus de pré carré français en Afrique
L’essentiel du message du président français est arrivé très rapidement. Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de ne plus voir l’Afrique comme le pré carré de la France et surtout il a été très clair sur un point : « Oui, la France a des intérêts à défendre. » « Beaucoup voudraient nous inciter à entrer dans une compétition, que je considère pour ma part comme anachronique […]. Certains arrivent avec leurs armées et leurs mercenaires ici et là », a-t-il déclaré dans une allusion à peine voilée à la Russie et au groupe de mercenaires russe Wagner, proche du Kremlin et déployé notamment en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s’en défende. Le chef de l’État fonde ses propos sur l’espoir d’un éventuel reflux des hommes de Wagner sur le terrain. « C’est le confort des grilles de lecture du passé : mesurant notre influence au nombre de nos opérations militaires, ou nous satisfaire de liens privilégiés exclusifs avec des dirigeants, ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant », a-t-il ajouté. « Ce temps-là a vécu. » « Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays du continent africain, a-t-il martelé, à la veille d’une tournée africaine. Dévoilant sa stratégie africaine basée sur trois points : la présence militaire, un partenariat renouvelé et la jeunesse, le président français a encore insisté sur le fait que « nous sommes au milieu du gué […] il y a encore une deuxième partie de la rivière à franchir ».
Moins de militaires et des bases cogérées avec les pays africains
Et le premier chantier qui s’annonce est celui de la configuration militaire française en Afrique. En effet, le discours présidentiel intervient aussi après des mois de tergiversations autour de la reconfiguration militaire française en Afrique et la fin de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel et le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso. Ces deux pays sont désormais contrôlés par des juntes militaires et un sentiment d’hostilité à l’égard de la France y est vivace. Sur le plan militaire, le président a fait état sans donner de chiffres précis d’une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et un « nouveau modèle de partenariat » impliquant une « montée en puissance » des Africains. La France déploie encore quelque 3 000 militaires dans la région, notamment au Niger et au Tchad, après y avoir compté jusqu’à 5 500 hommes, mais elle entend réarticuler son dispositif vers des pays du golfe de Guinée, gagnés par la poussée djihadiste, et être donc moins visible sur le terrain. « La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans [les bases militaires françaises] de nos partenaires africains », a-t-il assuré.
La stratégie militaire du président français interroge les experts. En effet, comment la France pourra-t-elle diminuer ses effectifs militaires en Afrique tout en continuant à aider les États africains à lutter contre les djihadistes ? Reconnaissant que le volet militaire de la France ne peut à lui seul régler des crises multidimensionnelles, notamment de politique intérieure, le chef de l’État souhaite une évolution du dispositif plus contractuel, c’est-à-dire que l’armée française répondrait à des besoins spécifiques. L’engagement français dans la lutte antijihadiste au Sahel « restera une immense fierté partagée avec les alliés qui nous ont rejoints », a déclaré Emmanuel Macron. Mais « ce n’était pas le rôle de la France d’apporter, seule, des réponses politiques qui devaient prendre le relais de la réponse militaire », a-t-il dit. « Nous avons malgré nous assumé une responsabilité exorbitante » au Mali, qui a donné des arguments aux opposants et permis que la France devienne « le bouc émissaire idéal », a-t-il poursuivi.