À la Une: La Haye, Conakry, des procès pour l’exemple
27 septembre 2022
« Deux procès qui se tiennent à plus de 6 000 kilomètres l’un de l’autre, relève le site d’information guinéen Ledjely. Le premier a commencé hier lundi 26 septembre à La Haye, au Pays-Bas, siège de la CPI ; le second, à Conakry, en Guinée, démarre demain, mercredi 28 septembre. Dans les deux cas, il est question d’horreurs et de sévices insoutenables que des humains, forts et se croyant invincibles et invulnérables sur le moment, ont impitoyablement infligés à d’autres humains, en raison de leurs opinions ou du fait de leur opposition légitime à la conduite des affaires dans leurs pays respectifs, la Centrafrique et la Guinée. (…) Et c’est en cela, estime Ledjely, que les jugements de Mahamat Saïd Abdel Kani, l’ex-commandant de la Seleka, d’une part et du massacre du stade du 28-Septembre, de l’autre, sont aussi un avertissement pour tous ceux qui se laissent encore enivrer par le pouvoir et ses privilèges éphémères. »
Sept chefs d’accusation
« Accusé notamment d’avoir torturé des personnes détenues lors de troubles civils en 2013 en République centrafricaine, rappelle Le Monde Afrique, Saïd Abdel Kani fait face à sept chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis entre avril et août 2013 à Bangui contre des détenus soupçonnés de soutenir l’ancien président François Bozizé. » Lundi, l’ex-commandant rebelle a plaidé non coupable lors de l’ouverture de son procès à La Haye.
En tout cas, pointe Le Pays au Burkina, « au-delà de la Centrafrique, le procès du « colonel » Saïd sonne comme un soulagement pour les victimes et un avertissement pour tous les seigneurs de guerre et les puissants du moment. Sous l’ivresse du pouvoir ou des armes, on se laisse parfois tenter par l’esprit de suffisance qui conduit à des abus de toutes sortes, au totalitarisme et au mépris de l’autre et de la vie humaine. »
► À lire aussi : Devant la CPI, l’ex-commandant de la Seleka Mahamat Saïd Abdel Kani plaide non coupable
Treize ans après les faits
L’autre procès à présent qui s’ouvre demain : celui du massacre du stade du 28-Septembre à Conakry : c’était il y a 13 ans… « L’ancien président Moussa Dadis Camara est arrivé dans la capitale guinéenne dimanche en provenance de Ouagadougou, où il vit en exil depuis plusieurs années, note le quotidien Aujourd’hui au Burkina. Il doit comparaître demain donc, aux côtés de dix autres accusés, pour répondre des exactions commises le 28 septembre 2009 lors d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de Conakry, brutalement réprimé. 156 personnes avaient été exécutées, des milliers d’autres blessées et des centaines de femmes violées. »
Simulacre de jugement ?
Alors attention, prévient WakatSéra, « s’il faut saluer la tenue de ce procès, il faut tout de même craindre un simulacre de jugement, car on ignore les garanties qu’aurait pu recevoir le bouillant capitaine pour revenir au bercail. Surtout que la junte militaire actuellement au pouvoir peut difficilement se présenter blanche comme neige dans cette horreur du stade du 28-Septembre. N’est-ce pas cette même armée, s’exclame WakatSéra, et plus précisément les « bérets rouges » du colonel Mamady Doumbouya, le putschiste, actuellement homme fort de Conakry, qui répondaient, à cette époque, aux ordres du sulfureux capitaine guinéen (…) ? À moins que le désormais ex-exilé serve de mouton de sacrifice ou que son procès soit, tout au moins, utilisé par le contesté chef de la junte militaire pour faire diversion et éloigner le peuple d’un sujet crucial, comme sa transition qui constitue la véritable préoccupation de l’heure pour les Guinéens ! »
► À lire aussi : Procès du 28-Septembre: l’ancien dirigeant Dadis Camara est rentré en Guinée
Un procès équitable ?
Alors s’interroge Jeune Afrique, « ce procès, organisé par des militaires pour juger des militaires, et ce en un temps record après des années d’attente, sera-t-il équitable ? Pour Mamadi Doumbouya, qui avait promis de placer la justice au cœur de sa transition, le gain politique n’est pas négligeable. Il peut en effet se targuer d’avoir rendu possible un procès sans cesse repoussé par son prédécesseur. Mais son pays vient de se voir imposer des sanctions « progressives » par la Cédéao, peut-il tout mener de front ? (…) Et surtout, s’interroge encore Jeune Afrique, Doumbouya peut-il prendre le risque de fâcher les partisans de Dadis, encore présents dans l’armée et nombreux en Guinée forestière, sa région d’origine ? »
RFI