Guinée : Amnesty International dénonce des violations des droits des travailleurs à la SOGUIPAH

Guinée : Amnesty International dénonce des violations des droits des travailleurs à la SOGUIPAH

24 octobre 2025 Non Par Doura

 

Amnesty International a publié, le jeudi 23 octobre, un rapport accablant mettant en lumière des violations graves des droits humains au sein de la Société Guinéenne de Palmier à Huile (SOGUIPAH), implantée dans la sous-préfecture de Diécké, préfecture de Yomou, en Guinée-Forestière. Selon l’organisation de défense des droits humains, les employés sont confrontés à des salaires très en dessous des normes légales, des conditions de travail éprouvantes et un climat d’intimidation permanent.

Des salaires inférieurs au minimum légal

Avec plus de 4 000 employés et 6 801 planteurs affiliés, la SOGUIPAH est intégralement détenue par l’État guinéen. Malgré cela, Amnesty International souligne que « plusieurs travailleurs interrogés ont été rémunérés en dessous du salaire minimum légal de 550 000 GNF par mois ».

Les exemples cités dans le rapport sont édifiants :
• Une manœuvre a perçu seulement 69 783 GNF (environ 7 €) en septembre 2025, pour plus de 170 heures de travail.
• Un saigneur d’hévéas a gagné 219 000 GNF (moins de 25 €) pour le même volume horaire en juillet 2022.
• Une femme ayant 18 ans d’ancienneté n’a reçu que 392 000 GNF (environ 43 €) en mars 2024.

Sur 30 bulletins de salaire analysés entre 2022 et 2025, 29 affichaient un montant en dessous du revenu minimum requis par la loi. Cette situation prive les employés d’un revenu permettant d’assurer une existence décente pour eux et leurs familles.

Fabien Offner, chercheur senior à Amnesty International, indique que de nombreux travailleurs peinent à subvenir à leurs besoins essentiels, notamment l’alimentation, le logement, la scolarité et la santé. Leur vulnérabilité est aggravée par l’isolement de Diécké, où les prix grimpent fortement durant la saison des pluies en raison de l’état impraticable des routes.

L’organisation dénonce également un manque criant d’équipements de protection individuelle, malgré la manipulation fréquente de produits chimiques dangereux dans les plantations et à l’usine.

Des planteurs pris au piège d’une relation contractuelle opaque

Du côté des planteurs, Amnesty International pointe une politique commerciale déséquilibrée. Les producteurs seraient contraints de vendre leurs récoltes à des prix largement inférieurs à ceux du marché, sans accès aux documents contractuels encadrant leur relation avec la SOGUIPAH.

L’ONG relève aussi des prélèvements effectués par l’entreprise au titre d’une assistance agricole qui, selon elle, ne serait plus réellement fournie. Les difficultés se multiplient : des terres auraient été confisquées par l’État au profit de la SOGUIPAH, sans compensation équitable pour des dizaines de familles, aujourd’hui dépendantes d’une monoculture peu rentable au détriment des cultures vivrières locales.

Un climat de peur ravivé par des précédents répressifs

Le rapport souligne un environnement marqué par l’intimidation. Fabien Offner rappelle la répression meurtrière enregistrée en 2014 dans le district de Saoro, événement encore présent dans les mémoires et générateur d’autocensure.

En 2024, une cadre aurait été licenciée après avoir dénoncé publiquement les conditions de travail des femmes au sein de l’entreprise. Plusieurs témoins décrivent la menace de sanctions comme un frein systématique à toute revendication.

Amnesty International appelle les autorités de la transition à respecter leurs engagements et les obligations internationales de la Guinée en matière de droits économiques et sociaux. L’ONG insiste particulièrement sur la nécessité d’un salaire juste et équitable, conformément au Code du travail guinéen, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’aux instruments fondamentaux de l’OIT ratifiés par le pays.

Une enquête menée au plus près des travailleurs

Ce rapport repose sur des investigations réalisées du 23 novembre au 7 décembre 2024, puis du 8 au 22 février 2025 dans les sous-préfectures de Diécké et Bignamou, dans la région de Nzérékoré, ainsi qu’à Nzérékoré et Conakry. Environ 90 personnes ont été interviewées.

Les conclusions ont été transmises aux autorités guinéennes et à la direction de la SOGUIPAH le 3 octobre. À la date de publication du rapport, aucune réponse n’avait été communiquée à Amnesty International.


Doura