À la Sorbonne, Cellou Dalein Diallo évoque la souffrance et la transhumance politique en Afrique
16 octobre 2025
Lors d’une conférence à l’Université Sorbonne de Paris, le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, est revenu sur la vague de départs enregistrés au sein de son parti depuis l’arrivée au pouvoir du CNRD. Plusieurs cadres de l’UFDG ont en effet quitté la formation politique pour rejoindre le camp du pouvoir, certains accédant même à des postes ministériels.
Pour l’ancien Premier ministre, ces départs ne sont pas motivés par des convictions idéologiques mais plutôt par des considérations matérielles.
“Je respecte leur choix, mais ce ne sont pas des choix fondés sur des valeurs. Il suffit de réfléchir pour comprendre pourquoi ils sont partis”, a déclaré Cellou Dalein Diallo, estimant que “la prospérité financière accompagne toujours le pouvoir en Guinée”.
Un parallèle avec l’expérience d’Abdoulaye Wade
Pour illustrer son propos, le leader de l’UFDG a raconté une anecdote vécue avec l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, à une époque où ce dernier était encore opposant à Abdou Diouf.
“Je vais vous raconter une histoire. J’étais très ami avec le président Abdoulaye Wade. Lorsque j’ai quitté mes fonctions de Premier ministre de Guinée, je suis allé à Dakar. Wade m’a dit qu’il allait me trouver un poste. Nous discutions du NEPAD, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, en présence de son directeur de cabinet Souleymane Ndéné Ndiaye. Il a demandé à Madame Mbaye d’appeler Denis Sassou N’Guesso, président du Congo, et Alpha Oumar Konaré, alors président de la Commission de l’Union africaine. Il disait avoir trouvé l’homme qu’il fallait à la tête du NEPAD.”
Mais, poursuit Cellou Dalein, il a finalement décliné la proposition :
“J’ai dit au président Wade que je préférais rentrer en Guinée pour faire de la politique. Il a souri et m’a dit : Mon fils, la politique est difficile. Le plus dur, c’est quand tu es dans l’opposition. Tu cherches de petits budgets pour la campagne, mais le pouvoir rachète tous les élus.”
Wade lui aurait également confié avoir vécu cette transhumance politique au Sénégal :
“J’avais 18 députés quand Abdou Diouf était au pouvoir. À la fin de la mandature, il ne m’en restait que 9. Abdou Diouf avait pris les autres”, aurait dit l’ancien président sénégalais.
“La transhumance, une pratique courante en Afrique”
Revenant sur la situation guinéenne, Cellou Dalein Diallo a souligné que cette tendance à la transhumance est un phénomène courant en Afrique, surtout lorsque l’on se trouve dans l’opposition.
“Lorsque vous êtes dans l’opposition, c’est dur. Vous vous exposez à des poursuites fantaisistes et parfois à des disparitions forcées. Pendant ce temps, il y a la prospérité financière avec le pouvoir. Certains finissent par se dire : pourquoi ne pas aller en profiter ?”
Malgré tout, le leader de l’UFDG affirme ne nourrir aucune rancune envers les cadres partis rejoindre le CNRD.
“Je respecte leurs choix. Je ne dis rien. Mais ils n’ont pas fait ce choix par rapport aux valeurs.”
Depuis la Sorbonne, Cellou Dalein Diallo a livré un message à la fois serein et lucide sur les réalités politiques africaines. S’il reconnaît les difficultés d’être dans l’opposition face à un pouvoir attractif sur le plan matériel, il reste attaché à la défense des valeurs démocratiques et à la conviction que la fidélité politique ne devrait pas s’acheter.
Yayé Barry



