Me Mohamed Traoré sur la démolition de l’ancienne résidence de Cellou Dalein
27 mars 2022Pour justifier l’injonction faite à M. Cellou Dalein Diallo de quitter son domicile de Dixinn qui serait un bien de l’État et la procédure quelque peu cavalière de son expulsion, beaucoup ont invoqué la règle du privilège du préalable. Cette règle voudrait que l’Administration puisse exécuter d’office ses décisions sans recourir préalablement au juge, contrairement à un particulier qui a besoin de l’intervention d’un juge pour la reconnaissance et la mise en œuvre de son droit. C’est un passage obligé pour le particulier.
Ainsi, sur le fondement du privilège du préalable, nombreux sont ceux qui ont conseillé à M. Cellou Dalein Diallo de libérer la maison dont il se réclame propriétaire et de saisir par la suite la justice pour la reconnaissance de son droit. C’est tout le sens d’ailleurs de cette régle. En effet, tant que le juge n’a pas annulé un acte administratif, il s’impose au particulier en dépit son illégalité. « CDD » s’est donc résolu à quitter son domicile. Avait-il d’ailleurs le choix au regard du déploiement impressionnant d’éléments des forces de l’ordre devant l’immeuble en litige à l’expiration du délai qui lui avait été imparti ? Sa position a été du reste fragilisée par la décision d’incompétence rendue par le juge des référés relativement à sa demande de suspension de la lettre du directeur général du Patrimoine Bâti Public.
L’affaire a donc été « judiciarisée « , cette fois-ci, sur le fond c’est-à-dire sur la question même de la propriété. Alors que le dossier est pendant devant le tribunal, l’on apprend que l’immeuble litigieux vient d’être complètement démoli. Ainsi, d’un côté, on demande à un citoyen de porter sa cause devant la justice en ayant confiance en celle-ci, de l’autre, on détruit le bien qui fait l’objet du litige, en l’absence de toute décision de justice sur la propriété.
Quel est le sort de la procédure judiciaire engagée devant le Tribunal de Dixinn ? Le juge pourrait bien être tenté de dire qu’elle est désormais sans objet puisque l’immeuble, objet du litige, n’existe plus.
Mais il n’est pas certain que ce soit une bonne solution. Il serait plutôt utile qu’il conduise le dossier jusqu’à terme c’est-à-dire à la prise d’une décision.
Si la propriété de M. Cellou Dalein Diallo était reconnue sur l’immeuble litigieux il ne serait pas exclu que l’État se voit condamné au paiement de dommages-intérêts d’un montant très élevé en réparation du préjudice causé à M. Cellou Dalein Diallo.
Mais tout cela reste entre les mains de la justice qui est censée être la boussole qui orientera les actes les uns et des autres.
Me Mohamed Traoré