Suspension de l’USAID: l’économie des ONG congolaises directement touchée

Suspension de l’USAID: l’économie des ONG congolaises directement touchée

12 février 2025 Non Par Doura

Le 24 janvier, les États-Unis annonçaient le gel de l’aide au développement, à la stupéfaction des acteurs de terrain. Mardi 11 février, plusieurs agences onusiennes ont alerté contre « les effets néfastes » des coupes opérées et ont appelé Washington à conserver sa position de « leader » de l’aide internationale. La République démocratique du Congo (RDC) est l’un des premiers pays bénéficiaires d’Afrique subsaharienne, avec près d’un milliard de dollars injecté par l’USAID en 2023. Si les programmes des ONG internationales sont impactés, c’est sans doute l’économie des ONG nationales qui est la plus durement touchée par ces coupes temporaires qui pourraient durer.

« Il y a le respect qu’on peut avoir avec des partenaires. Ce n’étaient pas des esclaves de l’USAID, et avec un partenaire, on a des égards », souligne avec colère Augustin Karume. Il est à la tête de la représentation d’une association à Bukavu, en RDC, et il témoigne des difficultés face à la suspension des contrats d’un grand nombre de son personnel.

« Ils viennent au bureau et demandent  »comment ça va se passer ? Vous arrêtez les contrats brusquement, qu’est-ce que nous allons faire par exemple avec les banques pour lesquelles on a pris des crédits ? Nous faisons quoi ? », rapporte-t-il.

Lui-même est consultant pour d’autres organisations. « Moi aussi, je reçois des notifications pour dire que les contrats de consultance sont immédiatement arrêtés, les jours qui n’ont pas été prestés. Et puis voilà, on ne vous paiera plus. Moi, je vis comment ? », questionne encore Augustin Karume.

Contrats suspendus et fournisseurs non payés

Une mise au chômage des personnels en train d’être évaluée par le Forum des ONG nationales, le CONAFOHD. Le phénomène dans les organisations nationales risque d’être d’ampleur, indique Joseph Kakisingi, le coordinateur du Forum :

« Souvent, les agences nationales n’ont pas beaucoup de fonds de réserve. On a donc des engagements sur des projets. Quand vous avez un projet d’une année, de deux ans, de trois ans, que vous contractez sur base de ces projets-là et que l’on en plein milieu… C’est sûr qu’il y a déjà des gens qui voient leurs contrats suspendus parce qu’ils ne peuvent pas être payés, puisqu’ils dépendaient entièrement de ces financements-là. »

Ces aides américaines alimentaient toute une économie : loyers des ONG, véhicules, carburants et matériels pour les programmes de tous types engrais, semences ou outillages pour les déplacés… En conséquence, des ONG locales se retrouvent dans le rouge et dans l’incapacité de payer leurs fournisseurs. « Il arrive que certains aient déjà livré des choses. Il devrait être payé, mais il n’y a plus d’argent. J’ai une dizaine d’organisations qui m’ont déjà dit qu’elles sont dans ces situations-là, mais je sais qu’ils sont plus de dix », souligne Joseph Kakisingi. Les trésoreries sont à flux tendus.

Trouver des solutions

« Souvent, les agences nationales n’ont pas beaucoup de fonds de réserve, parce qu’elles les constituent au fur et à mesure. Souvent, les financements reçus ne donnent pas de frais de siège, ou de coûts indirects – comme cela peut être le cas pour les ONG internationales ​​​​​​​– qui constitueraient des fonds de réserve », détaille le spécialiste. « Face à des situations comme ça, les organisations pouvaient y recourir pour combler les gaps. Ils ont donc très peu de marge de manœuvre, et quand il y a une situation comme celle-là, ils sont dans une situation inconfortable. Parce qu’ils ne savent pas où est-ce qu’ils vont tirer l’argent », complète Joseph Kakisingi.

Les organisations locales tentent de rediriger leurs lignes budgétaires vers le plus urgent. Elles cherchent également de nouveaux financements via d’autres bailleurs internationaux, mais également via les dons de partenaires privés. L’administration américaine demande la discrétion sur les suspensions en cours. Plusieurs acteurs ont refusé de parler au micro, de peur de se voir sanctionner.

Rfi