À l’occasion de la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, plusieurs syndicats de défense de la profession appellent à manifester samedi 2 novembre pour dénoncer ‘ »le ciblage » des reporters tués à Gaza. L’offensive israélienne lancée il y a plus d’un an en riposte à l’attaque du Hamas du 7 octobre a fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Des civils en majorité, parmi lesquels des journalistes.
Anne Bocandé, directrice éditoriale de Reporters sans frontières, et Etienne Monin, grand reporter à franceinfo répondent aux questions des élèves du collège Emile Combes de Bordeaux.
Des témoignages au téléphone ou sur les réseaux sociaux
Rose : « Comment les journalistes font-ils pour couvrir les évènements à Gaza malgré le danger alors que les habitants eux-mêmes sont évacués ? »
En réalité Rose, la plupart des habitants de Gaza ne sont pas évacués. Israël impose un blocus à toute la bande de Gaza, les habitants n’ont pas la possibilité d’en sortir, d’échapper à la guerre. Ce blocus, empêche également les journalistes internationaux d’entrer dans ce territoire. Comment font-ils pour rendre compte, malgré tout, de la guerre à Gaza ?
Étienne Monin, de la rédaction internationale de France Info :
« Le matériau sonore, ce sont avant tout des vidéos qu’on attrape sur X ou sur les comptes des journalistes sur place. On essaye de vérifier les choses auparavant avant d’utiliser le son des vidéos. »
Depuis à peu près un an, on a un réseau, on a plein de numéros de téléphone, de médecins, d’enseignants, francophones ou anglophones, des journalistes, et on les appelle en fonction de la situation.
Etienne Moningrand reporter à Radio France
On appelle aussi des arabophones. On a eu des traducteurs qui nous ont aidés pour traduire parce que les communications sont difficiles. On demande aux gens de nous raconter la situation, on essaye de croiser, de vérifier, mais globalement c’est un peu leur point de vue, c’est leur façon de raconter des choses ».
Des citoyens palestiniens devenus journalistes
Il y a aussi des journalistes palestiniens qui continuent de travailler à Gaza, au péril de leur vie. Combien sont-ils ? « C’est très difficile de pouvoir chiffrer le nombre de journalistes toujours présents à Gaza, regrette Anne Bocandé de Reporters sans frontières. Tout d’abord parce qu’il y a des journalistes aujourd’hui qu’on dit non professionnels, c’est-à-dire des personnes qui se sont investies de cette mission de pouvoir informer à l’extérieur de cette guerre qui est sur un territoire qui est complètement bloqué. Des personnes qui transmettent des informations fiables depuis le territoire de Gaza ».
Quand aux bureaux des journalistes professionnels, beaucoup ont été détruits, explique la directrice éditoriale de RSF. Malgré tout, des rédactions continuent leur travail de terrain. Il s’agit principalement de la chaîne internationale Al-Jazeera et de quelques médias locaux comme le site d’information palestinien indépendant « + 972 ».
« Plus de 140 journalistes tués à Gaza »
Mathilde : « Quels sont les risques encourus par les photographes et les journalistes à Gaza ? »
« Le premier risque, pour les journalistes comme pour tous les civils qui sont à Gaza, c’est le risque d’être tué, de mourir. À ce jour, plus de 140 journalistes ont été tués à Gaza depuis un peu plus d’un an. RSF, notre organisation, a pu documenter qu’ils sont plus de 35 à avoir été tués alors qu’ils étaient en train de travailler ».
Il y a aussi le risque de perdre des proches, de ne plus avoir accès à l’électricité, à l’eau, à la nourriture. Ou encore de devoir se déplacer constamment pour échapper aux bombardements.
Le brassard « presse » ne suffit pas toujours
Jeanne : « Quelles sont les mesures mises en place pour protéger les journalistes et photographes à Gaza ? »
L’une de ces mesures, la principale d’ailleurs, consiste à porter des signes qui permettent aux journalistes d’être identifiés comme reporters, et à ne pas être confondus avec des combattants. En reportage, ils portent donc des brassards, des gilets estampillés « presse ». Mais selon Anne Bocandé, cela ne suffit pas toujours : « Malheureusement, on a pu identifier que parfois, même quand ils étaient comme tels, identifiés, identifiables, ils ont été en effet ciblés, en tout cas empêchés de pouvoir poursuivre leur mission d’information, ce qui est contraire au droit international puisqu’il y a des textes comme les Conventions de Genève qui précisent que les journalistes doivent être protégés dans l’exercice de leurs fonctions ».
Reporters sans frontières a d’ailleurs porté plainte auprès de la Cour Pénale internationale pour crime de guerre. Elle accuse Israel d’avoir visé intentionnellement certains journalistes.
Une formation pour « minimiser les risques »
Anna : « Comment les reporters de guerre sont-ils formés ? »
À Radio France, dont France Info fait partie, les journalistes qui partent sur un terrain de guerre peuvent suivre une formation spécifique. « Pour apprendre à se comporter dans les situations, pour apprendre à gérer une blessure par un éclat d’obus par exemple, ou même par balles, détaille Etienne Monin. Où on apprend à gérer les déplacements, à gérer les fixeurs. Ensuite, on apprend à chaque fois parce que chaque guerre est différente. C’est-à-dire que là, à Gaza, c’est une guerre par bombardement. Comment se comporter sous les bombardements ? Comment on fait pour essayer de se sécuriser au maximum ? La sécurité à 100 % sur un terrain de guerre n’existe pas. Par contre, on peut essayer de minimiser les risques ».
Et puis, quand ils reviennent d’un terrain de guerre les journalistes de France Info peuvent, s’ils en ressentent le besoin, bénéficier d’un soutien psychologique