Le procès de Dominique P., retraité accusé d’avoir pendant près de dix ans drogué sa femme et invité des inconnus à la violer à leur domicile de Mazan, petite ville du sud de la France, s’ouvre ce lundi à Avignon. Une affaire rarissime impliquant 50 coaccusés. Emblématique de la question de la soumission chimique, ce procès devrait se tenir jusqu’au 20 décembre devant la cour criminelle du Vaucluse, exclusivement composée de magistrats professionnels. Les accusés dont 18 en détention provisoire, sont des hommes, âgés de 21 à 68 ans au moment des faits.
Il droguait sa femme pour que des inconnus puissent la violer : le procès du mari s’ouvre ce lundi
2 septembre 2024Pompier, artisan, infirmier, gardien de prison, ou encore journaliste ; célibataires, mariés ou divorcés : la matinée sera consacrée à l’appel des accusés, qui devront décliner leur identité et profession. « Il n’y a pas de profil type du violeur. Le violeur, c’est Monsieur Tout-le-Monde », expliquait Véronique Le Goaziou, chercheuse associée au Laboratoire méditerranéen de sociologie, spécialiste des violences sexuelles avant le procès.
Consignes strictes
La majorité est venue une fois, dix plusieurs fois, jusqu’à six nuits parfois. Ils ne souffrent d’aucune pathologie psychique notable, selon des experts, qui pointent toutefois leur sentiment de « toute-puissance » sur le corps féminin. Beaucoup maintiennent qu’ils pensaient seulement participer aux fantasmes d’un couple libertin. Mais, selon le mari et principal accusé, 71 ans aujourd’hui, « tous savaient » que son épouse était droguée à son insu. Et pour l’instruction, « chaque individu disposait de son libre arbitre » et aurait pu « quitter les lieux ».
Un total de 92 faits de viols a été recensé. Depuis 2011, quand le couple vivait encore en région parisienne, mais principalement à partir de 2013, après leur déménagement à Mazan (Vaucluse), ville de 6 000 habitants, et jusqu’en 2020. À chaque fois l’ex-employé EDF administrait à son épouse un puissant anxiolytique. Pour les hommes, recrutés sur coco.fr, un site de rencontres fermé depuis juin car accusé d’être un repaire de prédateurs sexuels, les consignes étaient strictes, afin de ne pas réveiller la victime : ni parfum ni odeur de cigarette, et se réchauffer les mains en les passant sous l’eau chaude.
« Aucun souvenir »
Et Gisèle P., l’ex-épouse, ne s’est rendu compte de rien et a tout appris à 68 ans, lorsque l’enquête a débuté à l’automne 2020, après presque 50 ans de vie commune : son mari venait d’être surpris dans un centre commercial en train de filmer sous les jupes de clientes. En fouillant son ordinateur, les enquêteurs découvrent de nombreuses photos et vidéos d’elle, visiblement inconsciente, violée par des inconnus.
Pour elle, le procès s’annonce comme « une épreuve absolument terrible », a confié Me Antoine Camus, un de ses avocats, qui défend aussi ses trois enfants et ses cinq petits-enfants. Elle « va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu’elle a subis pendant dix ans », car elle n’en a « aucun souvenir », a-t-il expliqué avant l’ouverture du procès. Avec les autres parties civiles, Gisèle P. sera entendue jeudi, après deux journées consacrées à la lecture du rapport d’enquête (mardi) et à la déposition des enquêteurs (mercredi), selon un calendrier prévisionnel prévoyant 69 jours d’audience.
Suspect dans d’autres dossiers
Dominique P., qui participait aux viols et les filmait, ne réclamait aucune contrepartie financière. L’homme qui se dit prêt à « affronter son épouse, sa famille », selon son avocate, Béatrice Zavarro, devrait être interrogé le 10 septembre par la cour, qui se penchera dans les jours suivants sur le cas de quatre autres accusés. Le procès progressera ensuite par groupes de cinq à sept accusés chaque semaine, pendant plus de deux mois, afin de décortiquer les responsabilités de chacun dans un dossier de procédure de 31 tomes.
Le réquisitoire est prévu les 13 et 14 novembre, avant trois semaines de plaidoiries des avocats des accusés. Le délibéré pourrait durer du 9 au 13 décembre mais la cour criminelle s’est donné une marge en prévoyant comme date finale du procès le 20 décembre. Traqué par le pôle « cold cases » de Nanterre en région parisienne, le principal accusé a été mis en cause dans deux autres dossiers, un meurtre avec viol à Paris en 1991 qu’il nie, et une tentative de viol en Seine-et-Marne en 1999, qu’il reconnaît, après avoir été confondu par son ADN.
AFP