Le président de la transition a mis à la retraite une quarantaine d’officiers généraux. Parmi eux, l’ancien président de la transition Sékouba Konaté et plusieurs anciens proches d’Alpha Condé.
Après avoir dissous le gouvernement, l’Assemblée nationale et la plupart des institutions dans la foulée de son arrivée au pouvoir par la force, le 5 septembre dernier, le colonel Mamadi Doumbouya a annoncé une importante purge au sein de l’armée. Le président de la transition a mis à la retraite d’office quarante généraux et deux amiraux. Une décision rendue publique par un décret lu à la télévision nationale, mardi 12 octobre.
Le général Sékouba Konaté, qui fut président de la transition par intérim en 2010, a fait les frais de ce coup de balai au sein de la Grande Muette. L’officier s’était pourtant publiquement réjoui du putsch qui a renversé Alpha Condé. Moussa Dadis Camara, qui fut son binôme à la tête de la transition entre décembre 2008 et décembre 2010, s’était pour sa part déjà « volontairement retiré » de l’armée en 2015, qu’il avait quittée avec le grade de capitaine, avant d’annoncer sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle de la même année.
Plusieurs proches d’Alpha Condé ont été écartés. Parmi eux, le général Namory Traoré, qui était jusque-là chef d’état-major général des armées, a été remplacé à son poste par le colonel Sadiba Koulibaly, considéré par certains comme la deuxième personnalité de la junte au pouvoir – laquelle n’a, pour l’heure, pas publié de liste officielle de ses membres.
Mises à l’écart et promotions
Autre « retraité d’office », le général Ibrahima Baldé, qui a été débarqué de son poste de Haut commandant de la gendarmerie et directeur de la justice militaire. Nommé par Moussa Dadis Camara, il avait été maintenu à son poste par Alpha Condé. Ironie du sort, c’est l’un de ses subordonnés, avec lequel il avait des relations difficiles, qui prend sa suite : le colonel Balla Samoura, qui est également un proche et un ami personnel de Mamadi Doumbouya.
Deux anciens ministres d’Alpha Condé, qui avaient déjà fait les frais de la dissolution du gouvernement, ont également perdu leur poste au sein de l’armée : les généraux Bouréma Condé, ancien ministre de l’Administration du territoire, et Rémy Lamah, ancien ministre de la Santé.
Autre général mis au placard, le général Mathurin Bangoura, l’ancien gouverneur de la ville de Conakry, qui avait déjà été remplacé à ce poste par la générale de brigade à la retraite M’mahawa Sylla, première femme à occuper cette position. Également démis et retraité, le général de division Siba Lohalamou, qui occupait les mêmes fonctions de gouverneur à Boké, dans le nord-ouest du pays. Plusieurs généraux qui avaient été nommés à des postes d’attachés de défense dans les ambassades ont également été appelés à faire valoir leurs droits à la retraite : Boundouka Condé (Berlin), Aboubacar Biro Condé (Paris) et Bachir Diallo (Alger).
HUIT AFFIDÉS DE MAMADI DOUMBOUYA ONT ÉTÉ PROMUS GOUVERNEURS DANS LES HUIT RÉGIONS ADMINISTRATIVES DU PAYS
Cette mise à l’écart d’une partie de la haute hiérarchie militaire qui tenait les rênes de l’armée sous l’ère Alpha Condé s’est accompagnée d’une soudaine montée en grade de plusieurs affidés de Mamadi Doumbouya. Huit d’entre eux ont été promus gouverneurs dans les huit régions administratives du pays.
Les directions des trois grandes composantes de l’armée sont également renouvelées. Le colonel Balla Koïvogui, qui commandait jusque-là le bataillon spécial de Conakry, est nommé chef d’état-major de l’armée de terre ; le colonel Yacouba Touré, qui était en mission de maintien de la paix au Soudan du Sud, devient chef d’état-major de l’armée de l’air, et le capitaine de vaisseau Amadou Sow, chef d’état-major de l’armée de mer.
Lots de consolation
Vingt-huit des 42 « retraités » ont été nommés membres du Conseil supérieur de la défense nationale (CSDN), un organe créé en 2016 par Alpha Condé. Sous l’autorité directe du président de la République, le CSDN est supposé être « l’organe suprême qui traite de l’orientation stratégique des questions de défense et de sécurité ». Mais la nomination des officiers fraîchement retraités apparaît en réalité comme un lot de consolation, tant ce Conseil n’a « jamais réellement fonctionné », souligne une source de Jeune Afrique au sein du ministère de la Défense.
À noter enfin que le général Aboubacar Sidiki Camara – alias « Idi Amin » – , est également mis à la retraite, mais sans être nommé au CSDN. Réputé proche de Mamadi Doumbouya, dont il fait figure de mentor, le militaire semble être appelé à assumer dans les prochaines semaines un rôle plus important.
Pour Mamadi Doumouya, qui place ses hommes aux plus hautes fonctions militaires, il s’agit avant tout de consolider son pouvoir. Un grand jeu de chaises musicales qui peut néanmoins faire peser un risque sur la chaîne de commandement, en particulier en raison du vide laissé dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, tant les hommes du Groupement des forces spéciales sont désormais pour une large part accaparés par la gestion des affaires de l’État. « Le bataillon de sécurité présidentielle a été démantelé, ses éléments affectés à l’intérieur du pays. Ceux du groupement des forces spéciales assurent désormais la sécurité présidentielle, la police judiciaire et font des patrouilles. Toute chose qui ne relève pas de leur domaine », relève un cadre de l’ancien régime.