Bernard Tapie est mort à l’âge de 78 ans, emporté par un cancer
3 octobre 2021L’homme d’affaires et ex-patron de l’Olympique de Marseille avait annoncé en septembre 2017 souffrir d’un cancer de l’estomac avec extension sur l’œsophage.
Businessman, ministre, comédien, homme de médias et de football, éphémère pilote de formule 3, chanteur… Bernard Tapie, l’homme aux multiples vies, est mort des suites d’un cancer, dimanche 3 octobre, a confirmé sa famille à franceinfo, après l’avoir annoncé à La Provence. Il avait 78 ans.
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En septembre 2017, Bernard Tapie avait annoncé souffrir d’un cancer de l’estomac avec extension à l’œsophage et avait subi au mois de janvier 2018 une lourde intervention chirurgicale, suivie d’une chimiothérapie. L’annonce de sa maladie avait provoqué une vive émotion chez les supporters de l’OM, club qu’il a présidé de 1986 à 1994 : le 24 septembre 2017, ils avaient déployé plusieurs banderoles dans les travées du stade Vélodrome, sur lesquelles on pouvait notamment lire « Courage Nanard, on est avec toi ». « C’est la plus belle cure de chimio que j’aie jamais reçue », avait répondu Bernard Tapie, ému, interviewé dans « 19 heures le dimanche » sur France 2 en novembre 2017, et apparaissant pour la première fois affaibli par la maladie.
Le symbole des « années fric »
Incarnation de la réussite sociale et des « années fric » au milieu des années 1980, ce fils d’ouvrier, né à Paris en 1943, se spécialise dans la reprise et la revente d’entreprises en difficulté à la fin des années 1970. Surnommé « le Zorro des entreprises », il rachète notamment l’équipementier Adidas, et se bâtit une fortune qui lui permet de s’offrir un hôtel particulier à Paris et un luxueux voilier, le Phocéa. En 1983, Bernard Tapie investit dans le sport, en montant d’abord une équipe cycliste, puis en reprenant l’Olympique de Marseille, qu’il conduit du bas du tableau au sommet de l’Europe, en remportant la Ligue des champions en 1993.
Sa réussite, il la met en scène et la partage dans Gagner, un best-seller publié en 1986, puis dans son émission de télévision « Ambitions », diffusée en 1986 et 1987. Symbole d’un capitalisme flamboyant et assumé, il lâche, au sujet de cette époque : « S’il y a une chose que je sais faire, c’est du blé. »
Une étoile filante politique
« Du blé », mais aussi de la politique. En 1987, le publicitaire Jacques Séguéla lui présente François Mitterrand. Mettant à profit sa notoriété, Bernard Tapie se présente l’année suivante aux législatives à Marseille, sous l’étiquette « Majorité présidentielle ». Elu en 1989, il enchaîne les succès électoraux : aux régionales de 1992, aux législatives de 1993 où, en pleine déroute de la gauche, il est élu à Gardanne sous l’étiquette du MRG, et en 1994, aux européennes, où, avec 12,5% des voix, sa liste concurrence celle de Michel Rocard et met fin aux ambitions présidentielles de l’ex-Premier ministre.
En pleine montée du Front national, Bernard Tapie se veut l’ennemi numéro 1 de Jean-Marie Le Pen. Dans les débats virulents qu’il a avec son adversaire, il défend notamment les jeunes des banlieues populaires, dans le viseur du parti d’extrême droite. Quand il évoque un retour en politique dans les pages du JDD en 2015, c’est toujours cette lutte contre le parti qui l’anime : « Personne ne peut contester mes succès passés face au FN », rappelle-t-il alors. Entre-temps, « Nanard » a changé de bord, apportant son soutien à Nicolas Sarkozy, en 2007 puis en 2012.
Un justiciable pas comme les autres
Les affaires viendront se mettre en travers des ambitions politiques de Bernard Tapie dès 1993, quand éclate l’affaire de corruption du match OM-Valenciennes. En novembre 1995, il est condamné pour « complicité de corruption et subornation de témoins » et écope de deux ans de prison, dont huit mois ferme, et de trois ans d’inéligibilité. Il passe 165 jours à la prison de la Santé, d’où il sort en juillet 1997, en libération conditionnelle. Quelques jours avant sa sortie de prison, il est condamné en appel pour « fraude fiscale » à dix-huit mois d’emprisonnement, dont douze avec sursis, et à trente mois avec sursis pour « abus de biens sociaux », dans une affaire concernant la société exploitant son yacht, le Phocéa. Bernard Tapie ne retourne cependant pas en prison, obtenant que cette peine soit fusionnée avec celle de l’affaire OM-VA, rappelle Le Figaro.
Mais l’affaire qui le poursuivra le plus longtemps s’appelle Adidas-Crédit lyonnais. Estimant avoir été floué par la banque lors de la revente de l’entreprise en 1993, l’homme d’affaires s’engage dans une longue bataille judiciaire, qui aboutit en 2008 à un arbitrage en sa faveur : il reçoit 404 millions d’euros pour solder son litige (240 millions d’euros pour le manque à gagner, 45 millions pour son préjudice moral et environ 118 millions d’euros d’intérêts). En septembre 2012, une information judiciaire est ouverte par le parquet de Paris pour savoir si cette procédure a pu être truquée sur ordre venant du sommet de l’Etat. Le 18 mai 2017, Bernard Tapie est condamné définitivement à rembourser la somme perçue. Fin janvier 2017, le ministère public et le Consortium de réalisation (CDR), l’entité chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais, a réclamé la liquidation des sociétés de Bernard Tapie.
En mars-avril 2019, l’affaire arrive au tribunal correctionnel de Paris. Le procès de Bernard Tapie pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics » s’ouvre. Le parquet de Paris requiert cinq ans de prison ferme, mais l’homme d’affaires est contre toute attente relaxé. « Je pense avoir démontré au tribunal qu’il n’y avait strictement aucune escroquerie, aucune infraction pénale », avait déclaré son avocat Hervé Temime. Lors du procès en appel, au printemps dernier, le parquet avait requis cinq ans de prison avec sursis à son encontre. La décision devait intervenir le 6 octobre. Bernard Tapie est parti avant.