Royaume-Uni : chaque demandeur d’asile envoyé au Rwanda coûtera 200 000 euros

Royaume-Uni : chaque demandeur d’asile envoyé au Rwanda coûtera 200 000 euros

28 juin 2023 Non Par LA RÉDACTION
La ministre de l'Intérieur, Suella Braverman, lors d'une visite au Rwanda, en mars 2023, pour visiter les habitations des demandeurs d'asile envoyés par le Royaume-Uni. Crédit : Picture alliance
La ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, lors d’une visite au Rwanda, en mars 2023, pour visiter les habitations des demandeurs d’asile envoyés par le Royaume-Uni. Crédit : Picture alliance

Selon un rapport du gouvernement britannique, le projet controversé d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda coûtera près de 200 000 euros par personne, soit 63 000 euros de plus que l’hébergement d’un migrant sur le sol anglais. La mesure est pourtant présentée par les autorités comme un moyen de réduire le coût financier sur le contribuable britannique, et de dissuasion à l’égard des migrants qui souhaitent traverser la Manche.

Le but était notamment de réduire le coût financier de l’accueil des migrants sur le contribuable britannique. Il n’en est rien. Le projet controversé du gouvernement d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda coûtera plus cher que de les accueillir sur le sol anglais.

Selon les estimations du ministère britannique de l’Intérieur, l’État pourrait dépenser 169 000 livres, soit 196 000 euros, pour chaque personne expulsée vers ce pays d’Afrique de l’Est : ce tarif inclut le paiement de 105 000 livres (122 000 euros) au pays tiers, ainsi que le billet d’avion et les coûts administratifs. À titre de comparaison, héberger un demandeur d’asile au Royaume-Uni coûte environ 106 000 livres par personne, soit près de 123 000 euros.

 

Pour que la mesure soit rentable, il faudrait que deux migrants sur cinq soient dissuadés de traverser la Manche, selon les données. Mais comme le note le quotidien Libération, citant le document, il n’est « pas possible d’estimer avec précision le niveau de dissuasion » d’un texte de loi « qui n’a pas encore fait ses preuves ». D’autant que le « consensus académique montre qu’il y a peu ou aucune preuve suggérant qu’un changement de législation dans le pays de destination a un impact dissuasif ».

« Rien faire n’est pas une option », selon Suella Braverman

Pourtant, la ministre de l’Intérieur Suella Braverman persiste. Selon elle, ce rapport est la preuve que « rien faire n’est pas une option. Nous ne pouvons pas continuer avec un système qui incite les gens à risquer leur vie et à payer les passeurs pour venir dans ce pays illégalement, tout en faisant endosser la responsabilité au contribuable », a-t-elle déclaré.

 

Reste que ces chiffres, qualifiés de « très incertains » par le gouvernement, ont relancé les critiques des opposants au projet.

« S’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi empêcherait des dizaines de milliers de réfugiés d’accéder à la protection à laquelle ils ont droit en vertu de la législation internationale », a martelé Enver Solomon, directeur de l’organisation Refugee Council. « Cela coûterait des milliards de livres sterling et ne résoudrait en rien la crise » actuelle du système d’asile, a-t-il ajouté.

>> À (re)lire : « Tout est prévu » : au Rwanda, les autorités se disent « prêtes » à accueillir les demandeurs d’asile expulsés par le Royaume-Uni

Le projet d’envoyer des migrants au Rwanda a été annoncé l’an dernier par Boris Johnson, lorsqu’il était Premier ministre. Mais il avait été bloqué à la dernière minute par une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Actuellement étudié par la justice britannique, une décision doit d’ailleurs être rendue jeudi sur un nouvel appel.

Baisse de 20% des traversées de la Manche

Le gouvernement multiplie les annonces ces derniers mois pour tenter de stopper les arrivées illégales au Royaume-Uni. Fin mars, les autorités avaient annoncé vouloir installer une partie des demandeurs d’asile sur des bateaux, afin d’alléger le coût de l’hébergement actuel dans les hôtels. Trois barges sont actuellement en rénovation, la première devrait être opérationnelle d’ici quelques mois. Une mesure qui a de nouveau scandalisé les ONG, jugeant le projet « totalement inadapté » aux besoins des migrants. La Croix-Rouge britannique s’est par ailleurs inquiétée de l’impact psychologique sur les exilés.

D’autres projets ont créé la stupeur chez les défenseurs des droits des migrants : la limitation du regroupement familial pour les étudiants étrangers et une campagne sur Facebook pour dissuader les Albanais de traverser la Manche – une population largement représentée dans les canots qui partent des côtes françaises.

 

Le gouvernement conservateur a fait du contrôle de l’immigration légale et illégale, qui était déjà une promesse du Brexit, l’une de ses priorités. En 2022, plus de 45 000 migrants – un record – ont atteint le Royaume-Uni via la mer.

Entre les mois de janvier et mai 2023, 7 610 arrivées par la Manche ont été comptabilisés par les autorités britanniques, contre 9 984 l’année dernière à la même période, soit une baisse de 20%. Pour le Premier ministre Rishi Sunak, cette diminution des traversées de la Manche est le résultat de sa politique migratoire et des accords signés avec la France pour renforcer les contrôles le long des côtes