Le groupe Wagner va continuer ses opérations au Mali et en Centrafrique, affirme la diplomatie russe
27 juin 2023Le groupe paramilitaire Wagner va continuer d’opérer au Mali et en Centrafrique, a assuré le 26 juin 2023 le chef de la diplomatie russe, qui affirme en outre que la rébellion de cette organisation en Russie n’affectera pas la relation entre Moscou et ses amis. Les membres de Wagner travaillent au Mali et en République centrafricaine « comme instructeurs » vont « bien sûr continuer », a déclaré Sergueï Lavrov dans un entretien à la chaîne RT.
« J’ai reçu plusieurs appels de solidarité, y compris de mes collègues africains. » Ce 26 juin 2023, dans un entretien accordé à la chaîne Russia Today (RT), le ministre russe des Affaires étrangères a été questionné sur une éventuelle inquiétude grandissante dans certains pays africains, après la rébellion avortée du groupe Wagner menée contre le Kremlin les 23 et 24 juin 2023.
Sergueï Lavrov a balayé ces inquiétudes : « Je n’ai pas vu de panique particulière, je n’ai pas vu de changement dans l’attitude des pays africains vis-à-vis de la Fédération de Russie. Au contraire. »
Il a rappelé que des membres de Wagner travaillent au Mali et en République centrafricaine « comme instructeurs ». « Ce travail va bien sûr continuer », a-t-il affirmé sur RT.
Le chef de la diplomatie a estimé que l’Europe et la France ayant laissé ces pays, ceux-ci se sont tournés vers la Russie et Wagner. « Quand ces pays se sont retrouvés face à face avec la menace terroriste, la RCA et le Mali ont demandé à la société Wagner d’assurer la sécurité de leurs dirigeants », a-t-il affirmé. « En plus de ces relations avec l’organisation Wagner, les gouvernements de République centrafricaine et du Mali ont des contacts officiels avec notre gouvernement. À leur demande, plusieurs centaines de militaires travaillent, par exemple en RCA, en qualité d’instructeurs ».
En Centrafrique, Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du chef de l’État centrafricain, a réagi, précisant que Bangui avait signé « un accord de défense avec la Russie et non avec Wagner ». « Moscou a sous-traité avec Wagner. Si la Russie n’est plus d’accord alors elle nous enverra un nouveau contingent », a ajouté le ministre conseiller spécial à la présidence centrafricaine. Pour lui, la mutinerie de ce week-end « ne regarde pas la Centrafrique », et il s’agit d’une « affaire interne ». Pas question donc de changer quoique ce soit. Selon lui, les paramilitaires « vont peut-être changer de chef, mais les soldats de Wagner continueront d’opérer pour le compte de la Russie », a-t-il précisé.
Le son de cloche n’est toutefois pas le même du côté de l’opposition, qui espère profiter de la crise en Russie pour faire partir Wagner. Le président du MLPC, Martin Ziguélé, a déclaré que comme « M. Prigojine étant considéré par M. Poutine comme un traitre et un ennemi de la nation », il ne pouvait plus être « ami avec la Centrafrique ». Et d’ajouter : « Ils n’ont plus leur place ici ». Sa crainte aujourd’hui, … que le groupe devienne totalement autonome et augmente sa prédation sur le pays, dit-il. Il appelle donc la communauté internationale à aider la Centrafrique à « extirper », c’est le mot qu’il utilise, « le cancer Wagner de la Centrafrique avant que ses métastases ne touchent les autres pays de la région ».
Gêne africaine
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« Ne me mettez pas l’embarras », répond pour sa part un ministre d’Afrique centrale à une question sur l’avenir de Wagner, qui traduit bien la gêne de beaucoup à s’exprimer, même hors micro, sur le sujet. Ce ministre fait tout de même part de sa « stupéfaction » face aux images de la rébellion engagée par Prigojine. « La prise de parole de Poutine m’a alerté sur la gravité probable de ce qui n’est certainement qu’une mutinerie », ajoute-t-il.
« Wagner a eu beaucoup de problèmes avec l’état-major et le ministère des Affaires étrangères », décrypte de son côté un diplomate ouest-africain pro-russe pour qui la « crise couvait ». En cause notamment, selon lui, la personnalité du chef de Wagner : « Evguéni Prigojine se donnait beaucoup de libertés, il a commencé à s’autonomiser et à tisser des relations personnelles avec les chefs d’État africains. »
Le chef de cette société paramilitaire aurait, à en croire cet ancien ministre, noué des relations particulières avec le président centrafricain ainsi qu’avec les généraux Al-Burhane et Hemedti, aujourd’hui en conflit ouvert au Soudan. Quelles conséquences alors pour ces pays ? « Je pense que Prigojine sera de moins en moins présent » tout comme Wagner, avance notre diplomate, proche de Moscou. Pour lui, il ne fait aucun doute que l’État russe va reprendre la main et « renforcer » ses accords de coopération avec ces États.
Pour finir, dans cet entretien, Sergueï Lavrov a également abordé l’instabilité dans le Sahel et la crise libyenne. Questionné enfin sur les préparatifs du deuxième Sommet « Forum économique et humanitaire Russie-Afrique, pour la paix, la sécurité et le développement », prévu les 27 et 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg, le ministre a conclu : « Ça bat son plein […] et je pense que ce sera très intéressant pour tout le monde de découvrir l’agenda de cette rencontre. »
RFI